Pierres vives de la préhistoire : Dolmens et menhirs
174 pages
Français

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Pierres vives de la préhistoire : Dolmens et menhirs , livre ebook

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Description

On s’émerveille à Carnac, on s’émeut à Stonehenge. Mais à quoi donc servaient les étranges mégalithes qui ont comme poussé partout à l’ouest de l’Europe, du VIIIe au IIe millénaire avant notre ère ? Et pourquoi ces blocs ont-ils été érigés justement face à l’Atlantique ?Pour faire parler ces « grosses pierres », comme disait Flaubert, c’est une véritable « ethnologie du passé » que propose ici Jean-Pierre Mohen, convoquant géologie, géographie, science de l’ingénieur et des matériaux, chimie et même psychologie. Seule cette approche pluridisciplinaire permettra de comprendre ce qu’était la vie du « peuple des dolmens », ces premiers hommes sédentaires. C’est ce qu’offre cet ouvrage, qui nous fait voyager dans l’Europe côtière de la fin de la préhistoire, de la Scandinavie à l’Algarve, du Morbihan à l’Irlande. Jean-Pierre Mohen a été directeur du laboratoire de recherche des Musées de France et du département du patrimoine et des collections du musée du quai Branly, à Paris. Il dirige actuellement le chantier de rénovation du musée de l’Homme.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 septembre 2009
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738196941
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB, SEPTEMBRE 2009
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9694-1
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
« Je ne bâtis que pierres vives, ce sont hommes. »
R ABELAIS

« Il nous plaît de voir dans ces monuments étonnants de l’extrémité de l’Europe atlantique à la fois des églises (ou cathédrales), des antes de pythies, des cimetières, des reliquaires ou ossuaires, des cénotaphes, des monuments aux morts ; des mairies (ou des préfectures), des palais, des palais de justice, des lieux de supplice ; des écoles, des centres d’initiation, des séminaires ; des marchés ou champs de foire, des terrains de jeux, des podiums de représentations ou des théâtres et que sais-je encore… »
Pierre-Roland G IOT
Introduction

La préhistoire a pris notre contemporanéité à contre-pied quand, depuis un peu plus d’un siècle, elle a livré à nos yeux crédules des merveilles millénaires comme les galets peints et gravés de Blombos (Afrique du Sud), les plaquettes ornées d’Apollo-11 (Afrique du Sud), les images fantastiques des grottes scellées de Lascaux à Montignac (Dordogne), de Pech Merle à Cabreret (Lot), de Chauvet à Pont-d’Arc (Ardèche), comme les rochers gravés de Foz Côa (Portugal), de Carpenters Gap (Australie méridionale) et de Paranamitee (Australie méridionale) ou encore comme les abris peints de Wongewongen (Australie méridionale) ou de Pedra Furada (Brésil), etc. Ainsi donc, tout ou presque a commencé avec les chasseurs-cueilleurs nomades d’il y a cinquante mille ans !
Il convient toutefois de réserver une place à part aux « grosses pierres », comme disait Flaubert, de toute évidence levées, déplacées et dans bien des cas ornées de gravures et de sculptures. Les recherches réalisées dans la zone occidentale de l’Europe depuis quarante ans ont en effet révélé un foyer très original de monuments conçus et utilisés du VIII e au II e  millénaire avant notre ère. Elles ont fait apparaître toute une iconographie et des motifs identitaires témoignant, dès cette époque, de l’enracinement sédentaire de populations de pasteurs et de villageois sur la façade atlantique.
Plus tard, des formes simples de pierres dressées et de caveaux massifs ou de « temples » composés de monolithes, parfois associés à des images piquetées ou à des peintures, sont apparues à travers le monde, aussi bien dans les Alpes qu’en Europe centrale, en Méditerranée qu’au Proche-Orient, en Afrique méditerranéenne, occidentale et australe, et jusqu’à Madagascar, qu’en Inde centrale, en Corée, en Chine et en Indonésie, et même en Amérique précolombienne. La plupart de ces ensembles architecturaux mégalithiques, très dispersés à travers le monde et le temps, comme chez les Toradja, ne présentent entre eux, le plus souvent, aucun lien culturel de filiation. Il en va tout autrement de ceux de l’Europe atlantique auxquels est consacré ce livre.
Au cours de l’été 2006, j’ai revu dans le Wiltshire, au sud de l’Angleterre, les deux sites titanesques classés depuis 1972 au patrimoine mondial de l’Unesco, celui de Stonehenge et celui d’Avebury, à 30 kilomètres environ. Ils ont connu leur apogée au III e  millénaire avant notre ère et dans la première moitié du II e pour Stonehenge. Face à ces pierres colossales, deux images se sont imposées à moi.
La première est celle du Sisyphe d’Albert Camus. Pourquoi ce roi grec légendaire de Corinthe a-t-il été condamné après la mort à rouler éternellement sur le versant d’une colline un rocher qui retombait chaque fois ? Pourquoi les hommes de l’Ouest européen, après les grands froids paléolithiques, aux époques mésolithique et néolithique, ont-ils eux aussi dressé et transporté des milliers de blocs souvent très lourds ? Et pourquoi ont-ils renouvelé cet exercice pendant au moins quatre millénaires ? Le mégalithe préhistorique a aussi quelque chose d’absurde : à quoi bon cette extraction de pierre, à quoi bon son transport, à quoi bon sa mise en place ? Pourquoi des pierres de plus en plus lourdes, jusqu’à 300 tonnes au moins, pour le Grand Menhir de Locmariaquer (Morbihan) près de Carnac ? Dans quelle folie l’humanité est-elle alors tombée pour déployer tant d’efforts dans une opération complexe qui n’était pas directement utile ? Au-delà de l’absurdité de la situation, il faut chercher la mise en scène sociale expliquant ce phénomène, à l’époque où l’humanité devenait de plus en plus sédentaire.
La seconde grande image que peuvent évoquer les mégalithes préhistoriques, je l’ai dénichée dans un traité japonais rédigé au XI e  siècle : le Sakutei-ki , « l’art de dresser les pierres ». Son auteur était un aristocrate de la cour impériale : Tachibana no Toshitsuna. L’éthique qu’il développe s’inspire d’un texte chinois plus ancien qu’il adapte au Japon. Il préconise d’animer son jardin en relation avec la nature, selon les principes bouddhistes du bien-être, synthèse du possible et de l’impossible, évocation du paradis peuplé du souvenir des ancêtres. Les pierres deviennent sacrées par leur forme, leur patine, leur ombre, leur partie cachée, qui assure leur stabilité. Elles affrontent les menaces naturelles, volcans, tremblements de terre, typhons et raz de marée.
Les roches rebelles que sont nos mégalithes européens sont toutes des « pierres de géants ». Arrachées au sol, elles aussi ont su résister à toutes les destructions, reconstructions et réutilisations par leur forme insaisissable, leur attachement au banc rocheux et leur poids. Les sociétés les ont dressées comme des chevaux fougueux bravant les éléments. Et elles en ont fait un art qui leur a permis d’apprivoiser l’espace en reliant la terre des humains constructeurs, « jardiniers du monde », selon Descartes, et le ciel des dieux, maîtres de l’univers. C’est ce monde perdu que je veux évoquer ici en rendant la parole à ces pierres vives grâce à ce que nous ont appris les recherches les plus récentes.
Bien avant Champollion, le comte de Caylus, l’un des fondateurs de l’archéologie en France, proposait vers 1764 de déchiffrer comme des hiéroglyphes, langage connu mais pas encore élucidé à cette date, une planche représentant les alignements de 370 menhirs du Ménec, à Carnac (Morbihan). Si on avait réussi à lire le code du Ménec, on aurait résolu l’énigme des mégalithes, soutenait-il ! Était-ce la bonne approche pour apprendre à écouter la mémoire des pierres ? Certainement pas, mais le comte de Caylus, ce faisant, balayait toute explication légendaire et irrationnelle au profit d’une amorce de réflexion, naïve encore, mais déjà scientifique. C’est dans cette optique que je me place dans cet ouvrage qui est d’abord un voyage à travers le temps, mais qui évoque aussi quarante années de travaux sur le terrain, de visites de sites, de rencontres avec des spécialistes devenus souvent des amis, de lectures et d’écriture.
Au début du XX e  siècle, l’abbé Millon, qui était alors vice-président de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, dans un livre intitulé Pauvres pierres ! , examinait les différents points de vue de ses collègues savants sur les mégalithes bretons, depuis la fin du XVIII e  siècle. Il déplorait qu’on ne puisse pas prouver scientifiquement que le peuple inconnu qui les avait érigés, « évidemment pénétré de la foi en un immortel avenir, n’écrivit son histoire qu’avec des tombeaux ». Pour appréhender la tension mégalithique, il faut une intuition forte des aspirations ou des conflits qui ont produit de tels efforts de construction. Que s’est-il donc passé ? Depuis plus d’un siècle, l’archéologie a apporté sa part d’analyse, mais elle doit parvenir à une véritable ethnologie du passé, pour introduire dans sa méthode, des pluridisciplinarités délibérées intégrant la géologie, la géographie, les sciences de l’ingénieur, celle de la résistance des matériaux, la psychologie collective des acteurs, sans craindre d’aller au-delà de l’archéologie même. Bref, il s’agit de passer des faits aux idées pour en déduire ce qui a marqué le paysage depuis des millénaires et ainsi tenter de mieux comprendre ce qu’était le « peuple des dolmens », comme disait le baron von Bonstetten.
Une question nous guidera à travers ce périple : si ces premiers monuments ont fleuri à cette époque, c’est parce que les sociétés humaines devenaient alors sédentaires ; mais pourquoi là, précisément au bord du continent européen ? Pourquoi face à la mer ? Était-ce un défi lancé à la montée des eaux par une humanité soucieuse de se rassurer sur sa puissance, à la fois manifeste et fragile ?
Première partie
À la découverte des monuments mégalithiques
Figure 1 — Fouille de l’entrée du camp néolithique (III e  millénaire) de Chez Reine à Semussac (Charente-Maritime) : au premier plan, entrée du camp ; à l’arrière-plan, fossé remblayé par les éboulis du rempart, en cours de fouilles (photo J.-P. Mohen) .
Chapitre 1
Le camp de Chez Reine (Charente-Maritime)

« Vous avez l’autorisation de fouilles, Chez Reine, commune de Semussac, Charente-Maritime, face à la Gironde. » Voilà ce que je lus dans la lettre d’Yves Guillien, directeur des antiquités de Poitou-Charentes, que je venais de recevoir, très ému. Le Conseil supérieur de la recherche archéologique en France m’ouvrait ainsi la voie d’une enquête sur un monde depuis longtemps oublié, à l’origine du nôtre. Quels indices méritaient tant de cur

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