Un médecin d hier se souvient
116 pages
Français

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Un médecin d'hier se souvient , livre ebook

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Description

Un médecin bourguignon à la retraite, qui ne prescrit plus d'ordonnances... Sa plume lui permet encore de coucher sur le papier maintes histoires de terroir recueillies au cours de quarante années de pratique généraliste. C'est le cas du "Vin qui guérit" ou de "L'eau-de-vie" célébrant les vertus "morbifuges" des cépages bourguignons. Se mêlent à ces récits comme "La mort de Dieu", des souvenirs d'enfance ou des contes, plus ou moins chimériques à l'instar du "Poisson dans le bénitier"...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2009
Nombre de lectures 175
EAN13 9782336257013
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296081673
EAN : 9782296081673
Un médecin d'hier se souvient
Hippocrate en Bourgogne

Lucien Taupenot
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Du même auteur Sous le pseudonyme de Luc Hopneau Les mots Le pilon Le trimardeur Ma pêche au chevesne La mort de Dieu Le traître Les chaises sur le trottoir Le pistolet Le détective L’eau-de-vie Scène de ménage Les chaînes en papier Une conversion La bascule Un “ravou” dans le tabernacle La rotonde L’Arlequin Dans deux cervelles Médecin du travail L’ultime mission de Saint-Michel Un vin qui guérit Le poisson dans le bénitier Petit glossaire Rue des Ecoles
Du même auteur
- Le canton d’Epinac au début du siècle – Editions Images de Saône-et-Loire – 1966
- Florestan Ducreuzot – Editions Bourgogne-Rhône-Loire – 1993
- Miland ou le Bourguignon repenti – Editions de l’Armançon – 1996
- Ces Bourguignons qui ont fait Paris – Editions CPE – 2000
- Vergennes , un Bourguignon instigateur heureux de l’indépendance des Etats - Unis – Editions de l’Armançon – 2000
- Foires et Marchés de Bourgogne au fil des siècles – Editions de l’Armançon – 2002
- Les Grandes Heures de la terre d’Epinac autrefois Monestoy – 2003
- Bossuet le Bourguignon – Editions de l’Armançon – 2004
- Les Marguerite de Bourgogne – Editions de l’Armançon – 2005
- Une jeunesse d’hier en Autunois Morvan et Bourgogne – Editions de l’Armançon – 2006
Sous le pseudonyme de Luc Hopneau
- La pivoine de Kosovo – Editions du Scorpion – 1960
- A.A. (Fantaisie rimée) — Les Paragraphes Littéraires de Paris – 1970
- Sur les pas de Sacrovir – Editions Bourgogne-Rhône-Alpes – 1974
- De chair et d’acier – Editions du Méridien – 1980
- Le Creusot hier et aujourd ٬ hui – SEIC – 1982
- Bourgogne de cœur – Editions de Saint-Seine l’Abbaye – 1984
- Les pratiques guérisseuses dans le Morvan d’autrefois – Images de Saône-et-Loire – 1989
- Paray-Le-Monial – Editions de la Taillanderie – 1990
Les mots
Les Mots, c’est un livre, le meilleur à mon sens de J.-P. Sartre, là où l’auteur parle de son enfance bourgeoise et claustrée : « On me laissa vagabonder dans la bibliothèque. Les livres ont été mes oiseaux et mes nids, mes bêtes domestiques, mon étable et ma campagne... ». Et à la fin de sa vie, le philosophe avoue : « J’écris toujours. Que faire d’autre ? ... Nulla dies sine linea ».
Voilà une existence qui n’a rien à voir avec celle que j’ai connue dans un bourg morvandiau, au milieu des toucheurs de bœufs et des mineurs. Et pourtant, cette contrée rude a rendu service à un autre philosophe contemporain, Althusser, qui reconnaissait : « Mon corps désirait profondément avoir son existence à lui... Tout cela me fut donné par le Morvan ».
Autour de moi beaucoup s’exprimaient en patois morvandiau mâtiné de beaunois ; tout le monde roulant les « r » à la bourguignonne.
On disait ici : « coye tè » pour tais-toi, ce qui rappelait « se tenir coi », ou « cheurte tè » en souvenir de « choir » en vieux français. La ménagère en « devanté » balayait les « chenis » devant le « prône », avant qu’on ne « marande » avec un plat de « févioles » du « cortil ».
Mon père ne se doutait guère qu’il parlait comme du Baïf quand celui-ci professait : « Prou nous promettent ; peu nous baillent... ». Il y avait pourtant quelques livres à la maison, surtout Les Lettres de mon Moulin avec cette histoire du curé de Cucugnan qui réjouissait particulièrement ma mère. Mais mon paternel ne lisait pas de livres. J’entends encore notre voisin, « tailleur d’habits », lui signifier :
« Mais enfin, Etienne, tu n’as jamais lu Les Dames au chapeau vert  ?... »
« Non, je n’ai jamais lu Les Dames au chapeau vert », avait répondu crânement l’auteur de mes jours, sur le trottoir, devant les commerçants, à la fraîche...
De mon côté, je ne tardai pas à mettre à l’épreuve toute la famille avec mes questions :
« Qu’est-ce que c’est que l’amnistie ?... »
« C’est différent de l’armistice ; c’est un pardon général ».
« Et la femme du Juge de Paix qui dit qu’il ne faut pas être xénophobe, qu’est-ce qu’elle veut dire ? »
« Ça, c’est pour les étrangers, des gens différents ».
« Et le notaire, avec ses minimum et maximum ?... »
« Oh, il parle latin le notaire, en pensant à ses intérêts, disait mon père ».
« Et les gendarmes, avec leur enquête de « commodo et incommodo ? »
« Ça, c’est pour savoir si on gêne les voisins... »
Bon. Un jour, je me lançai dans le beau langage, j’employai les mots de « terres arabes » devant le jardin de M. le curé...
L’homme au bréviaire avait souri : « Il faut dire terres arables, mon enfant ; ça vient du latin : arare qui signifie labourer ».
Toujours ce latin qui me poursuivait, alors qu’il faisait rire notre instituteur : « Le vieux français suffit à expliquer l’origine de la plupart des mots de notre langue », affirmait-il, dans un anticléricalisme rageur...
Le jour où je me mis à l’étude du latin au collège, ce fut pour faire une nouvelle erreur. Le mot charitas, je le prononçais à la française, ce qui fit le tour du réfectoire des professeurs.
Toute la vie est empêtrée de ces histoires de mots et d’accents. Ainsi, je devais avoir une contrepartie facile avec la possibilité de m’étonner des confusions, erreurs, onomatopées de mes clients au cours de quarante années de pratique médicale :
« Docteur, j’ai une boule à la “haine”... ».
« Docteur, je suis malade quand je fais des abus de “chair” ».
« Docteur, j’ai mal au ventre pour mes mensualités... », etc. etc...
Arrêtons. Comme me disait l’autre :
« Tout le monde ne peut pas être “écrivassier” ».
Le pilon
Avant la dernière guerre, j’allais au Creusot dans la camionnette paternelle. On longeait d’abord un ruisseau qui se lovait parmi les vernes. Ensuite apparaissaient des étangs obscurs où se reflétaient des rangées de sapins maladifs. Le granite affleurait de temps à autre en rognons bossus dans le damier de maigres pâtures. Seules quelques « locateries » modestes signalaient la présence de paysans lamineurs.
Mon père était de bonne humeur. Il sifflotait des airs de marche, car on allait rendre visite à son copain Alexandre avec qui il avait fait la campagne d’Orient.
Ils s’étaient connus sur le bateau qui les emmenait vers Salonique. Là, on disait entre copains qu’en cas de naufrage certains coupaient les mains accrochées au bastingage pour sauter plus vite dans les chaloupes de secours. Affreux. Les deux trainglots s’étaient rapprochés en évoquant longuement le danger. C’étaient pourtant des « taiseux », mais devant le risque ils avaient retrouvé leur patois :
- On n’ô pas à la Croix de Pommard, avait dit mon paternel.
- Pas pus que dans le Meurger Blanc, avait répercuté l’autre...
Heureusement la traversée s’était faite sans incident, et le retour avait eu lieu après 18 mois passés en Macédoine. Là-bas, les deux avaient fait un genre d’occupation : des souvenirs d’omelettes aux œufs de tortue ou des parties de pêche dans les lacs avec des épingles à nourrice recourbées. Après tout, c’était peut-être le bon temps ?
En arrivant au niveau de l’octroi de la cité du fer, on croisait une rue fermée par une énorme chaîne tendue entre deux bittes de granite. Ensuite, on plongeait entre les toits immenses et fumeux des laminoirs.
- On entre dans la principauté, annonçait le conducteur. Ici, il faut se soumettre ou se démettre.
Alexandre sur son balcon, en veste de velours et casquette de chauffeur avec visière de cuir, s’impatientait déjà. Avant d’entrer dans sa cuisine, il désignait son lopin de jardin.
- Regardez-moi ça. Ici on a du mal à récolter quelques pieds de salade, même en arrosant tous les jours ! Ça ne vaut pas l’ouche de chez nous, pour les asperges et les salsifis du temps de mon père. Tous les dimanches, j’en rapportais deux musettes !
- Ça, c’était avant 14, rétorquait mon paternel. Avec ta bicyclette la montée du « Vin sans eau » ne te faisait pas peur. Mais alors ceux qui avaient un vélo ne couraient pas les rues.
- Exact. Dans mon atelier on se comptait sur la main, les bicyclistes ! ... Allez, en

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