Un siècle de physique
291 pages
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Un siècle de physique , livre ebook

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Description

Scientifique engagé dans la défense de son pays, fondateur du laboratoire d'électrostatique et de physique de Grenoble, grand découvreur récompensé d'un prix Nobel pour ses travaux sur le magnétisme, Louis Néel, né avec le siècle, raconte ce qu'il a vécu, ce qu'il a cherché, ce qu'il a trouvé. Toute une vie pour la science.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 1991
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738137807
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ouvrage publié avec le concours du Ministère de la Recherche et de la Technologie.
© O DILE J ACOB , OCTOBRE 1991 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN  : 978-2-7381-3780-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Avant-propos

J’ai rassemblé quelques souvenirs d’une longue carrière de physicien qui s’est principalement déroulée à Grenoble. Mes goûts me portaient plutôt vers la physique expérimentale, mais j’ai été contraint de me pencher sur des considérations théoriques, entendues comme de simples moyens d’économiser la pensée, de relier les innombrables faits d’observation et d’en trouver de nouveaux. Je n’ai jamais eu l’intention de contribuer, d’une manière même marginale, à édifier une explication de l’Univers. « Sutor, ne supra crepidam », pourrait être ma devise.
Je suis partisan d’un réalisme, qui n’est pas un réalisme fort, mais plutôt de principe, étant convaincu qu’une partie seulement du réel nous est accessible et qu’il en restera toujours beaucoup d’inconnaissable et d’incompréhensible par nature. Seuls un orgueil démesuré et une vaine forfanterie peuvent inspirer à l’homme, infime et dérisoire partie d’un univers sans limites, l’espoir de l’embrasser et de le comprendre tout entier.
Déjà la dualité onde-corpuscule et, maintenant, l’opposition entre la localité de la théorie de la relativité et la non-localité de la mécanique quantique montrent que nous avons atteint les limites d’une compréhension claire. Le physicien, celui qui s’appuie sur l’expérience, estime que son domaine et celui des philosophes sont bien distincts et n’ont aucun intérêt à se confondre, comme le confirment les dangereuses aventures que la mécanique quantique a inspirées aux philosophes.
Une partie d’ Un siècle de physique est évidemment consacrée à une analyse, aussi accessible que possible, de mes travaux scientifiques et, notamment, de ceux qui m’ont valu le prix Nobel, mais je ne pense pas qu’ils constituent le seul noyau de mon activité et que la physique soit à placer avant toute chose. Je pense, bien sincèrement, que j’aurais été aussi heureux comme notaire de campagne.
Normand et Lyonnais, aux confins du royaume capétien, je suis un partisan convaincu d’une décentralisation significative, qui ne se limite pas à l’octroi de postes et de crédits, mais qui implique l’ensemble des facteurs intervenant dans le fonctionnement de la recherche.
J’ai essayé de montrer, par l’exemple, qu’on pouvait poursuivre en province de pures recherches fondamentales originales, reconnues sur le plan international. J’ai aussi exposé le rôle que j’ai joué dans la genèse des laboratoires propres du CNRS , du Centre d’études nucléaires et d’organismes internationaux comme l’Institut Laue-Langevin, le Service national des champs intenses, qui ont fait de Grenoble un des grands pôles de la recherche européenne.
Bien des décennies avant la reconnaissance officielle des mérites de liaisons nécessaires entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, de la coopération entre l’université et les entreprises, de la coopération CEA - CNRS ou du développement de la recherche dans les écoles d’ingénieurs, j’avais tenté de mettre en œuvre ces idées-forces.
J’ai relaté également la création des instituts nationaux polytechniques, du laboratoire de magnétisme du navire et mon rôle ambigu, pendant vingt ans, comme représentant de la France au Comité scientifique de l’ OTAN . J’ai fait part enfin des réflexions que m’ont inspirées mes relations avec l’industrie et ma participation à d’innombrables conseils et commissions, dans le cadre de l’université, du CNRS et du CEA . Quelques pages se rapportent aux prix scientifiques, au prix Nobel et à son impact.
Si je me suis attardé un peu longuement sur mes origines, ma jeunesse et ma vie familiale, c’est qu’elles éclairent un peu mieux mon comportement, plus proche de celui de l’homo faber et de l’artisan, que de celui du pur intellectuel. La simplicité de mes goûts me porte à préférer les promenades à la campagne entre les vieilles pierres et les randonnées à vélo avec un baluchon sur le porte-bagages, aux grandes distractions médiatiques, collectives et outre-mer. Tout en m’intéressant au présent, je reste attaché au passé.
Mais il faut finalement rappeler que l’intérêt éventuel de ces souvenirs est d’ordre historique, car ils se rapportent à des faits, dont les plus marquants remontent à une quarantaine d’années, et que l’ensemble couvre une période, qui a englobé deux guerres mondiales, au cours de laquelle les mœurs, les institutions et les problèmes à résoudre ont subi de profondes et souvent heureuses modifications.
CHAPITRE I
Enfance et jeunesse

Origines normandes
Sans attacher une importance exagérée aux querelles des biologistes sur les rôles respectifs de l’hérédité et des caractères acquis, la recherche de ses origines, au-delà de la vaine satisfaction d’établir un arbre généalogique incertain, est capable d’éclairer la personnalité, les contradictions, les aptitudes et les déficiences d’un individu.
Sur cinq générations, on retrouve mes aïeux en Basse-Normandie, dans la vallée du Rhône et en bien moindres proportions en Auvergne et près du lac de Constance : maître de postes, professeur, pharmacien, fonctionnaire, brasseur, publiciste, et, en remontant au XVIII e  siècle, paysans aisés.
Du côté de mon père, le patronyme Néel, signifiant « le noir » en dialecte nordique, assez répandu en Normandie, remonte aux premiers établissements des Vikings, sur les côtes de la Manche. En 912, date du traité de Saint-Clair-sur-Epte, Richard Néel, plus tard baron de Nehou – ou habitation des Néel –, est établi à Saint-Sauveur-le-Vicomte, dans l’arrondissement de Valognes. En 1002, un descendant de Richard est gouverneur de Basse-Normandie. Selon le Roman de Rou, un Néel combattit à Hastings. Plus tard un autre Néel, baron d’Ouilly, reçut le titre de connétable de Normandie. A chaque siècle, on retrouve des Néel dans l’histoire de cette province.
Le berceau de mes propres ancêtres est une petite région centrée autour de Saint-Sever et du village de Clinchamps, à 10 km de Vire, à la pointe sud-ouest du département du Calvados : en effet, Tinchebray, dans l’Orne, est à 20 km et Avranches, dans la Manche, à 25 km. Mon aïeul Louis André, né au début du XVIII e  siècle, mort en 1755, eut sept enfants dont Guillaume Néel, notaire royal à Saint-Sever, parraina l’aîné, son neveu. Le second, Jean-Baptiste, né en 1748, épousa sa cousine à la veille de la Révolution. L’un de ses fils, Louis André, né à Clinchamps en 1795, surnommé de Longchamps, devint marchand et conseiller municipal à Saint-Sever où un de ses cousins était encore notaire en l’an VII. De son mariage avec Marie Perdriel le second de ses fils, Louis André (1820-1900), commença des études de médecine à Paris et s’y maria en 1844 avec Antoinette Barberin, fille de son logeur venu récemment de Veyre-Monton, charmant petit village niché au pied de Gergovie, à proximité de Clermont-Ferrand. Changeant d’orientation, il se tourna vers les lettres et revint en Normandie comme professeur de collège à Caen. Il reçut les palmes académiques et fit partie de la société des Antiquaires de Normandie.
Son fils unique Louis Pierre Jean, né à Paris le 21 mai 1848, mon grand-père, pharmacien, exerça à Évreux, au Tréport, puis au Havre et finalement à Houilles, dans la région parisienne, où il mourut en novembre 1919. Il avait épousé Émilie Augustine, née en 1849, fille de Nicolas Boullier, maître de postes à Avranches, et d’Henriette Danjou, originaire de Tinchebray.
J’ai peu connu mon grand-père : grand, maigre, avec une petite barbiche, austère et rigide, il me paraissait bien peu pharmacien : je le voyais mieux en professeur. Il s’intéressait beaucoup à l’histoire. Je l’entends encore me faisant passer en 1918 un examen d’anglais à livre ouvert. Ses ordres ne souffraient pas de discussion, les enfants ne parlaient pas à table et il fixait autoritairement le but de la promenade dominicale et familiale. Sa dernière pharmacie, dont la devanture s’agrémentait de bocaux multicolores, était installée dans une vieille maison de la rue de Paris. De répugnantes sangsues se tortillaient dans d’autres bocaux et, dans l’arrière-boutique, on lavait à longueur de journée d’innombrables flacons de toutes tailles. Je prenais grand plaisir à comprimer des poudres variées avec de petits pistons et à les sceller dans des cachets. Je malaxais aussi des bouchons dans un crocodile articulé et, après les avoir enfoncés, je les recouvrais avec des carrés de papier dont les petits plis retombant en éventail étaient serrés par de la ficelle rose.
J’ai beaucoup mieux connu ma grand-mère qui mourut à Paris à quatre-vingt-dix-neuf ans, en 1947, sans jamais avoir été malade. Sympathique et compréhensive, elle faisait preuve de beaucoup d’indulgence et de jeunesse d’esprit : à quatre-vingt-dix ans, nous la faisions encore jouer au yo-yo fort à la mode à l’époque.

Mon père et ses frères
Mon père et son frère Émile, des jumeaux vrais, étaient les aînés. Émile, intendant militaire, fit toute sa carrière aux colonies. Venaient ensuite André, qui mourut à douze ans, et Henri, médecin des troupes coloniales qui, après sa retraite, exerça de longues années à Meudon. Le plus jeune, René, reçut

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