210
pages
Français
Ebooks
2018
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Ebook
2018
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Publié par
Date de parution
19 juin 2018
Nombre de lectures
4
EAN13
9782923375632
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Publié par
Date de parution
19 juin 2018
Nombre de lectures
4
EAN13
9782923375632
Langue
Français
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2 Mo
Reflet de Société
25 ans de couverture sociale et culturelle
Un regard différent sur notre société
Un regard différent sur notre société
25 ans de couverture sociale et culturelle
Éditeur
Éditions TNT
4264 Ste-Catherine Est
Montréal, QC. H1V 1X6
(514) 256-9000
www.editionstnt.com info@editionstnt.com
Conception graphique
JuanCa
Chargée de projet
Delphine Caubet
Correction
Denis Desjardins
Collaborateurs
Alexandra Bachot, Martine Boyer, Martin Comeau, Thomas-Louis Gagné, Béatrice Raimbault, Danielle Simard, Mélina Soucy, Nicole Sophie Viau et Raymond Viger.
Droits d’auteur
Reflet de Société 2018 Tous droits réservés. La reproduction par-tielle ou totale est interdite sans accord écrit de l’auteur.
Dépôt légal 2018
Bibliothèque et archives nationales du Québec
Bibliothèque et archives Canada
ISBN
978-2-923375-59-5 (papier)
978-2-923375-62-5 (PDF)
978-2-923375-63-2 (Epub)
Préface
Par Delphine Caubet, chef de pupitre
É ditée durant ses premières années sous le nom Journal de la Rue , cette revue socioculturelle gagne en notoriété. En 2000, la forte demande des organismes et des citoyens en région amène un virage important : la revue se transforme en magazine et embauche une équipe de journalistes professionnels. Ce n’est qu’en 2004 que le magazine change de nom pour Reflet de Société. Il devient un magazine de référence pour les écoles, les organismes communautaires et autres lieux de réflexions sociales.
Pour satisfaire aux standards de qualité des lecteurs, Reflet de Société se dote d’un comité de lecture qui étudie chaque article. Ce conseil des sages est composé de Jean-Claude Leclerc (journaliste professionnel ayant traité l’éthique et la religion pour Le Devoir ), Nicole-Sophie Viau (fonctionnaire à la culture à la Ville de Montréal) et Louise Gagné (sociologue ayant travaillé avec le ministère de l’Immigration du Québec). Chacun ayant des réflexions précieuses à apporter aux journalistes pour enrichir les articles, et servir de garde-fou contre le voyeurisme et le sensationnalisme, un danger jamais loin d’un magazine comme celui-ci. Ces comités sont précieux par leur mixité sociale et intellectuelle. Les journalistes, autant que les jeunes du Café Graffiti (organisme offrant des bureaux à la rédaction), peuvent participer à ces débats. Une occasion riche en échanges pour tous.
Pourquoi avoir compilé les articles de Reflet de Société ?
Parce qu’après 25 ans à publier une revue de prévention et de sensibilisation, nous pensions que nos pages contenaient un échantillon de l’évolution sociale et culturelle du Québec. Nos journalistes ont travaillé pour diversifier le contexte de leurs articles. La prostitution et la toxicomanie font partie des enjeux très présents dès les débuts. Vous pourrez lire notamment l’histoire de Rachelle, jeune fille que les premiers dirigeants du magazine ont rencontrée dans la rue. Divers enjeux de santé et de santé mentale ont occupé nos pages. Mais notre section la plus atypique, et donc peut-être l’une des plus intéressantes est notre chronique du prisonnier. Jean-Pierre Bellemare puis Colin McGregor nous racontent chacun à leur façon la vie à l’intérieur d’un pénitencier. Des chroniques qui ont notamment valu à Jean-Pierre des prix journalistiques.
Pour réaliser cette compilation, je voulais rencontrer les personnes interviewées dans les premiers numéros. D’abord pour montrer ce à quoi ressemblaient les articles du premier journal de rue francophone, mais aussi pour avoir une vision à long terme. Mais deux embûches ont compliqué notre travail : certaines personnes étaient décédées et d’autres étaient introuvables. Comme Océane, par exemple. L’article de Marie-Hélène Proulx paru en 2004 était une entrevue avec une jeune fille ayant fréquenté les gangs de rues. Un article intéressant qui permet de comprendre pourquoi une fille entre dans un gang et surtout ce qu’elle y a vécu. À sa lecture, j’ai voulu rencontrer Océane. Sauf que la rencontre a eu lieu il y a 14 ans et Marie-Hélène ne sait pas comment reprendre contact avec elle… en réalité, elle n’est même plus certaine de son vrai prénom. Mais elle peut me donner le nom de l’organisme où s’est faite l’entrevue. Je le contacte. Mais là encore, 14 ans ont passé. Les intervenants ont changé, personne n’était là en 2004. Sans un nom et un prénom pour qu’ils cherchent dans leurs dossiers, impossible qu’ils m’aident...
Mais ne pensez pas que ce recueil s’est fait dans la douleur et la contrariété. Au contraire, nous avons pu faire des mises à jour des articles pour actualiser les faits et informer le lecteur si certaines situations avaient évolué. Nous avons pu nous entretenir avec Général, notamment (ancien membre d’un gang de rue), qui est devenu papa et a des projets d’entrepreneuriat.
Finalement, cette compilation est là pour voir d’où nous partons en matière d’enjeux socioculturels et comment les choses ont évolué (lorsque c’est le cas...). Prenez le temps de feuilleter ce recueil, un article à la fois, tranquillement, pour vous émerveiller, vous rebeller ou simplement comprendre.
Dossier Société
Parler de moi
Par Patrice Massé
Article publié en 1993 dans Reflet de Société Vol. 1 n°3
A près avoir écrit quelques articles pour le Journal de la Rue , j’ai eu envie de vous parler d’un gars de la rue qui s’en est sorti… MOI. En fait, je voudrais apporter mon témoignage pour celui ou celle qui est dans la rue, qui en souffre et qui veut en sortir. Je considère que c’est toute une commande et une sacrée responsabilité que je me donne, mais c’est en même temps un cadeau de voir l’aboutissement des efforts que j’ai faits.
Oui, des efforts ; car des personnes pour qui la vie de « la rue » est chose encore inconnue voient « les gens de la rue » comme des paresseux, des « bums », voire des parasites de la société. Je ne voudrais pas me faire l’avocat du diable, mais des choses comme cela, ça m’exaspère ! J’y ai été dans la rue, et bien que mes expériences soient personnelles, elles n’en sont pas moins des expériences de vie valides.
Pour vous situer, je viens d’une famille simple, pas trop riche, mais tout de même bourgeoise. J’ai été élevé dans la « ouate » d’Outremont ; alors comment un gars comme moi a-t-il abouti dans la rue ? La réponse est d’une simplicité déconcertante : l’amour. Dans ma famille, on ne se parlait pas de choses comme la drogue ou le sexe, il fallait bien paraître et nous vivions quotidiennement pour les « qu’en-dira-t-on » et nos non moins bourgeois voisins qui nous entouraient. Aussi loin que je me rappelle, on achetait mon amour et moi, j’ai acheté ça et j’ai aussi acheté l’amour des autres, surtout celui des filles et plus tard, celui des femmes. Donc, très tôt, j’ai appris que je pouvais « acheter » des amis en leur achetant des choses… Au début, c’était des bonbons et au fil des ans, ce fut la drogue.
J’entends déjà les murmures : « C’est la drogue qui l’a emmené là ». Eh non, c’est l’amour ; la drogue n’était que le moyen que j’avais choisi pour arriver à mes fins. Quand vint le temps de quitter le nid maternel pour voler de mes propres ailes, je me suis vu confronté avec moi-même et la solitude m’envahissait. Comme j’avais un peu d’argent, j’avais les moyens d’acheter de la drogue pour mes amis et bien sûr pour moi puisque j’avais développé une dépendance aux substances psychotropes. Je voulais tellement épater et impressionner mes « amis » qu’il fallait que je sois celui qui en prenne le plus, qui en ait le plus et qui avait la meilleure. Je les ai tellement impressionnés qu’ils ont tous eu peur et se sont tassés de ma vie. Je me suis alors tourné vers ceux qui, comme moi, « en prenaient le plus » : les gens de la rue.
C’est alors que j’ai découvert mon identité, j’étais aimé, valorisé, respecté. Je faisais non seulement partie de leur « gang », mais à un moment donné, j’en étais le chef. Dans la rue, du moins, à mon humble avis, le lien et le sentiment d’appartenance sont plus forts que partout ailleurs. Dorénavant, je vivrai en gars de la rue, et j’en deviendrai un à part entière. Je connaîtrai le milieu carcéral, les refuges, les soupes populaires et les squats. Ma vie avait pris un étrange virage, je voulais apprendre à vivre de la manière dure et je ne pouvais pas être à une meilleure école.
L’ironie du sort s’en est mêlée : j’ai reçu de l’aide de la seule source d’où je n’aurais jamais cru en recevoir. Après m’être fait arrêter au moins une centaine de fois, je me suis fait arrêter par l’agent de police le plus redouté de la rue Saint-Denis, celui que l’on surnomme Kojak. Et, pour la première fois de ma vie j’ai eu le sentiment d’être écouté; il ne m’a pas rebattu les oreilles en me faisant la morale, a simplement écouté ce que j’avais à dire et a terminé en disant : « C’est dommage qu’un gars bright comme toi décrisse sa vie comme ça. » Et ça, c’est resté ; j’ai ruminé cette phrase longtemps en prison. Ça m’a amené en thérapie pour essayer de régler mon problème de drogue ; ça m’a amené à devenir intervenant en toxicomanie pour aider ceux qui comme moi en ont arraché, et ça m’a amené à avoir moins (je dis bien « moins ») de difficultés avec l’autorité. Pour ça, je voudrais dire : MERCI KOJAK…
Je ne veux pas faire croire que mon histoire est celle de tout le monde qui vit dans la rue, mais ce que je veux démontrer c’est que la plupart des « gens de la rue » n’ont besoin que d’amour, de compréhension et surtout d’une oreille attentive et empathique. Et si je peux aller à l’encontre de mon école de pensée et être directif, je donnerais un conseil à tous ceux qui ont dans leur entourage quelqu’un vivant ces problèmes ; n’essayez surtout pas de les régler à leur place, si vous désirez sincèrement aider n’inculquez pas vos valeurs ou votre