Anatole et la théorie du chaland nonchalant
158 pages
Français

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Anatole et la théorie du chaland nonchalant , livre ebook

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Description

C’est une famille déjà éprouvée que menace la faillite du père entrepreneur, prêt à tous les expédients pour sauver son entreprise. Le fils, convalescent et absorbé par la préparation d’une thèse politico-économique majeure, parviendra-t-il à coaliser son entourage, à préserver l’unité familiale ?


Une ode à la bienveillance et à l’amour, au cœur d’une affaire de prévarication, contée tour à tour par chacun des cinq personnages principaux avec une régularité de métronome.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 janvier 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782381533896
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Anatole et la théorie du chaland nonchalant
 
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité
Étienne RENEAUME
Anatole et la théorie du chaland nonchalant

 
À Marie et Henri,
à Claire et René,
à Maïté.
 


« Il suffit d’aimer… »
Sœur Emmanuelle du Caire

CHAPITRE I
L’odeur lourde du parfum d’ambiance enveloppa Jean Darboux quand il descendit de sa voiture, garée dans un parking souterrain du centre-ville. Il négligea l’ascenseur et grimpa aisément l’escalier, non sans avoir jeté un regard méprisant sur les deux jeunes gens qui attendaient le retour de l’appareil. Il avait droit à la carte vermeil depuis bientôt quatre ans, mais il entretenait sa forme physique et son allure de battant à la moindre occasion. Il était ainsi fait qu’il avait besoin de souligner les faiblesses d’autrui pour être content de lui-même. Cette petite satisfaction matinale engrangée, il se concentra à nouveau sur le sujet du jour : son fils Anatole.
Anatole. Pouvait-on concevoir un héritier plus éloigné de son père que ce fils rêveur, décousu et maladroit ? Ce qui frappait en premier lieu chez lui, c’était la dispersion de l’esprit, qui l’empêchait d’une façon dramatique de maîtriser les réalités de la vie quotidienne et de partager les objectifs du commun des mortels. La propension à la divagation de la pensée n’était pas extraordinaire en elle-même. Elle frappait visiblement nombre de ses congénères. Les psychologues la considéraient, paraît-il, comme un facteur de créativité. Mais, à l’évidence, ce trait était chez lui disproportionné, hypertrophié au point de faire obstacle à toute faculté de concentration sur le sujet ou l’action en cours. Ce constat était aggravé par l’évolution du phénomène avec le temps : son esprit s’échappait chaque jour davantage des contraintes de la nécessité, sa focalisation sur les exigences de la réalité s’amenuisant dans la proportion inverse. Distrait dans son adolescence, doux rêveur quand il était jeune homme, Anatole, à la fleur de l’âge, frisait l’inadaptation.
Ce handicap aurait pu, sans passer inaperçu pour autant, être toléré par ses contemporains. Ils s’en seraient accommodés tant bien que mal ; les superbes lui auraient fait l’aumône de leur condescendance, les âmes bienveillantes l’auraient soutenu avec commisération. Certains même l’auraient aimé tel quel. Mais, ce que quelques-uns de ses proches désignaient désormais comme une tare, se doublait d’une irrésistible dilection pour le contresens. Non seulement Anatole pensait, mais il pensait de travers et, du point de vue de ses semblables (le terme est bien mal choisi, il faudrait plutôt écrire « ses dissemblables » en l’espèce), toujours à tort. L’opposition systématique au consensus et à l’ordre établi avait été jugée assez charmante quand il était enfant ; elle lui avait même valu une sympathique notoriété parmi les étudiants de sa promotion ; elle devenait carrément odieuse à son entourage, bien installé dans l’âge adulte.
Une image revenait tout à trac à la mémoire du père d’Anatole. Son fils avait à peine dix ans lorsqu’il l’avait emmené, pour la première fois, à une fête foraine. Le gamin était aux anges dans cet univers bruyant comme une cour de récréation, coloré comme un gâteau d’anniversaire, clignotant de partout comme un sapin de Noël. C’était simple, c’était kitsch, c’était bon enfant. Devant le stand des autos tamponneuses, Jean Darboux avait hésité un instant quand son fils, les yeux écarquillés d’envie, lui avait demandé de pouvoir faire un tour. Était-il trop jeune pour cette attraction ? Qu’aurait dit sa mère ? Darboux se rappelait les terribles histoires de coups du lapin qu’on lui racontait quand il avait le même âge pour justifier un refus catégorique. Mais les autos tamponneuses qu’il avait sous les yeux aujourd’hui étaient de dimensions réduites, équipées d’un siège unique. C’était l’après-midi et le public était essentiellement constitué d’enfants et de préadolescents. Ils utilisaient les voiturettes dans un calme étonnant, sans aucune agressivité. Les chauffeurs en herbe circulaient tous dans le même sens, dans un carrousel bien réglé, à peine égayé par quelques chocs latéraux tant ils mettaient d’application à s’éviter plutôt qu’à se défier. Le spectacle était inoffensif, monotone et pour tout dire un peu triste tant il tenait de la noria poussive. Au moins ce jeu était-il sans danger pour les cervicales d’Anatole et son père se décidait bientôt à lui offrir un billet. Il se souvenait aussi que son propre père, il l’avait compris plus tard, était un peu ladre et que les avertissements au sujet d’épouvantables accidents d’autos tamponneuses étaient un paravent commode pour masquer ce pénible penchant.
Soucieux de n’être pas taxé du même défaut, Darboux se dirigea vers la guitoune du tenancier et offrit à son fils le ticket convoité. Anatole radieux trépignait en attendant la sonnerie qui marquait chaque fin de période et lui permettrait à son tour de se mettre au volant d’une voiturette. Quand elle résonna, il fut le premier installé. Jean Darboux, quant à lui, s’assit sur une chaise et regarda s’ébranler le sage carrousel des autos tamponneuses, toujours dans le même sens, par un inexplicable accord tacite entre les jeunes chauffeurs. Anatole de son côté n’avait pas démarré. Il essayait de comprendre comment faire avancer son véhicule. Il leva rapidement vers son père un regard interrogateur et confiant. Darboux lui fit signe de tourner le volant et la voiturette glissa sur la surface en acier inoxydable. Stupeur ! Anatole roulait avec application dans le sens inverse de tous les autres conducteurs. Le flux de la noria s’écartait devant lui puis se refermait derrière, le temps d’une révolution sur la modeste piste. L’obstacle au mouvement ultra-majoritaire se présentait immanquablement à nouveau devant les pare-chocs, qui l’évitaient derechef, le croisaient, et repartaient paisiblement pour un tour. Pendant les quelques minutes accordées pour un jeton, imperturbable, Anatole conduisit dans le sens inverse de tous les autres, sans aucune fanfaronnade, appliqué à éviter lui aussi les chocs frontaux. Les autres chauffeurs sur la piste ne manifestaient pas de réprobation à son encontre, le mouvement était même étrangement silencieux. C’était plutôt les parents autour de Jean Darboux qui le dévisageaient lourdement, offusqués de sa nonchalance. Non content d’avoir mal dressé son fils, ce père indigne ne se donnait pas la peine de le remettre sur le droit chemin ! Quelle époque, mon Dieu, quelle époque !
La sonnerie retentit et Anatole revint vers son père, radieux et reconnaissant. Il n’avait rien perçu de sa singularité. Il avait simplement agi spontanément de façon à créer un jeu excitant, qui consistait à éviter des véhicules circulant à contresens, alors que la docile noria ne présentait à ses yeux qu’un passe-temps monotone sans intérêt. Il aurait été bien étonné que quelqu’un lui fît la moindre remontrance. Dans son esprit, la règle voulait qu’au moins un joueur roule en sens inverse, pour que tout le monde s’amuse. Il n’aurait pas compris que d’autres puissent s’accommoder d’une autre règle. L’aurait-il compris d’ailleurs que sa raison, et sa vie peut-être, eût été en danger. Aurait-il supporté l’idée que la multitude préfère un ordre mortellement ennuyeux à un jeu plaisant ? Jean Darboux chassa ce souvenir de son esprit avant de traverser l’avenue sur le passage clouté. Il ne le fit pas, en réalité, parce qu’il arrivait au terme de sa courte marche, mais parce que ce souvenir le dérangeait. Ce nR

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