Habiter le monde
302 pages
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Habiter le monde , livre ebook

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Description

Comment les humains pensent-ils et aménagent-ils leurs espaces de vie ou, pour mieux dire, comment habitent-ils le monde ? C’est pour répondre à cette question que l’enseignant en architecture Patrick Pérez, disparu en 2019, se fait anthropologue et part à la rencontre de deux sociétés amérindiennes très différentes l’une de l’autre, les Hopi d’Arizona et les Lacandon du Chiapas.


C’est le fruit de cette (en)quête qui est livré ici, à travers des textes au style élégant et expressif, mus par un même objectif : donner un sens à l’altérité, amener la lectrice ou le lecteur à comprendre ce que sont les Autres, dans toute leur singularité et leur complexité. Une magistrale leçon d’anthropologie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 août 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782902039159
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À la lectrice, au lecteur
Maurice Godelier Médaille d’or du CNRS Prix de l’Académie française L’anthropologie est la seule science sociale qui impose aux chercheurs de s’immerger de façon prolongée dans les modes de vie et de pensée d’une autre société que la leur et dont ils n’avaient jamais eu l’expérience dans leur existence. Peu à peu, l’anthropologue, s’il a réussi à nouer des liens d’amitié et de travail avec ceux qui l’avaient accueilli parmi eux, découvre et comprend leurs façons de penser et d’agir, et peut alors en témoigner parmi nous. Ce n’est pas seulement de leur temps présent qu’il va témoigner, car une grande part de l’identité d’une société est faite d’un passé toujours présent et de récits, de moments de gloire ou de blessure, à vif dans la mémoire. Dans le monde où nous vivons, et où l’hégémonie séculière de l’Occident est en train de disparaître, mais n’est pas oubliée de ceux qui l’ont subie, où des puissances nouvelles revendiquent de continuer à se moderniser sans plus s’occidentaliser, la connaissance de ce que font et sont les sociétés autres que les nôtres, est plus que jamais importante et doit être partagée par les jeunes générations. C’est pour ces raisons que l’initiative de créer une nouvelle maison d’édition, Dépaysage, et de la consacrer en priorité à la publication d’ouvrages d’anthropologie est à la fois une entreprise courageuse et importante. On n’en saura jamais assez sur les autres, et grâce à eux, sur nous-mêmes.
Éditeur
Amaury Levillayer, PhD
Réalisation éditoriale Joël Faucilhon — numérisation Charles Gounouf — traduction et révision des épigraphes Marie-Laure Jouanno — conception graphique et réalisation © Olivier Mazoué — éléments graphiques et logotypes
Pour la réalisation de ce livre, les éditions Dépaysage ont reçu le soutien financier de l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse et du Centre d’anthropologie sociale (Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires – université Toulouse-Jean Jaurès, CNRS, EHESS et ENSFEA).
Édité par© Éditions Dépaysage, 2021
ISBN (papier) : 978-2-902039-14-2 ISBN (epub) : 978-2-902039-15-9
En application de la loi du 11 mars 1957 (article 41) et du code de la propriété er intellectuelle du 1 juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.
Habiter le monde
Espaces, paysages et architectures chez les Hopi d’Arizona et les Lacandon du Chiapas
Patrick Pérez
Textes réunis par Annick Hollé, Marlène Albert-Llorca et Guillaume Rozenberg
Pour annick, Ushà et Màëlle, Longs périples dans le désert, attentes improbables, cérémonies somptueuses, Indiens souvent trop sérieux, camping spartiate et fricots improvisés, autant de fragments d’une vie que vous avez aussi partagée. Merci !
Après-midi de détente avec des enfants lacandon, en février 2000. Le cahier de terrain de l’ethnologue n’est jamais très loin...
Préfàce —Patrick Pérez (1962-2019), d’ici et de là-bas
« À la faveur d’une commande pour un volume consacré à l’anthropologie de l’image, je me penchai sur les rapports des Hopi aux images. Je fus très marqué par l’interdit de l’image sur les mesas – il est interdit de photographier, dessiner, peindre – et j’en souffris longtemps dans mon travail tant au plan ethnographique que pédagogique. Ne jamais pouvoir réaliser, étudier ou montrer des images – tout du moins dans un respect scrupuleux des interdits locaux – formait une contrainte difficile lorsqu’on a l’architecture et l’espace en général pour objet ; cet interdit, que j’ai intégré éthiquement depuis et que je suis heureux de respecter (car j’en ai compris le sens), dévalorisait en outre mon expérience ethnographique. En effet, l’image fonctionne dans notre culture comme une preuve des lieux, des êtres et des expériences du monde (même s’il s’agit souvent d’une fiction culturelle) : montrer des “images du monde hopi” eût été une manière rapide et performante de fabriquer du prestige ethnographique ; ne jamais en montrer renvoyait inversement à un terrain difficile et paradoxal, voire refusé : les Hopi le savent et instrumentalisent ce fait culturel. Voilà pourquoi je décidai de creuser cette question, un peu douloureuse à vrai dire, inscrite dans une forme de réflexivité sur une expérience de terrain compliquée. J’avais aussi accumulé beaucoup d’anecdotes à ce sujet, anciennes et récentes, les unes cocasses, les autres dramatiques, mais 1 toujours pleines d’enseignement . » Transformer la difficile et paradoxale, sinon douloureuse expérience de terrain en élucidation de l’Autre, sans jamais se départir d’une certaine distance réflexive : ce pourrait être une définition de l’art de l’anthropologue. Un art que Patrick Pérez pratiquait avec passion, comme tout ce qu’il faisait : enseigner (il était de ces professeurs qui enthousiasment les étudiants), jouer de la musique (membre d’un ensemble baroque, il maîtrisait la flûte traversière à un niveau professionnel), cultiver (dans le jardin de sa maison de campagne, il avait planté une grande variété d’arbres fruitiers, originaires des zones tempérée et subtropicale). Ou encore fabriquer : le jour de ses funérailles c’est d’un clavecin ouvré de ses mains que la musique s’éleva. Le baccalauréat brillamment obtenu, Patrick s’engage dans un double cursus d’architecture (le jour) et d’informatique fondamentale (le soir). Recruté en 1989 comme ingénieur de recherche au Laboratoire d’informatique appliquée à l’architecture (Toulouse), il se sent vite « mécontent d’une vie sédentaire et repliée sur elle-même, plus attiré par les études humaines et l’espace bâti que par les joies de la programmation des ordinateurs ». Il se tourne donc, l’année suivante, vers l’anthropologie. L’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) ayant une antenne à Toulouse, il entreprend un diplôme d’études approfondies sous la direction de Daniel Fabre, directeur d’études à l’EHESS et codirecteur, avec Jean Guilaine, préhistorien réputé, du Centre d’anthropologie des sociétés rurales. La cohabitation d’anthropologues et d’archéologues au sein de ce centre l’attire certainement. Une de ses convictions les plus constantes, en effet, est que la plus grande partie des faits culturels s’inscrit dans une temporalité longue qu’il convient de restituer en s’appuyant sur des sources historiques, voire sur des données archéologiques. En d’autres termes, anthropologie sociale et anthropologie historique sont, à ses yeux, deux faces indissociables de l’anthropologie. Son mémoire de diplôme porte sur le récit de voyage en Amérique du conquistador Álvar Nuñez Cabeza de Vaca (1488-1559), qui se trouve être un lointain ancêtre de la famille Pérez. Ce travail marque le début d’une relation intense, riche tout à la fois d’enchantement et de désenchantement, avec l’anthropologie et avec les mondes amérindiens. Patrick entame en 1994, sous la direction de Jean-Pierre Albert, une thèse sur les représentations spatiales chez les Hopi d’Arizona. Cette même année, il est reçu au concours d’enseignant des Écoles d’architecture et il
prend ses fonctions à l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse. Dès lors, il mène de front recherche et enseignement à plein temps, celui-ci adossé à celle-là, autour du projet d’une « anthropologie de l’habitat », ce terme recouvrant l’ensemble des « productions architecturales et paysagères » permettant aux humains d’aménager et d’ordonner leur milieu de vie. Patrick développe ce projet par des enquêtes sur trois terrains. Après l’expérience hopi, il se rend à partir de 1998 chez les Lacandon du Chiapas (Mexique), puis, dans les années 2010, dans le bassin du fleuve Oyapock, entre Guyane française et Brésil. Dans le même temps, avec les étudiants, à Toulouse, il « explore les productions architecturales et paysagères actuelles ou anciennes, tant locales qu’exotiques, tant somptuaires ou extraordinaires que vernaculaires ou banales », passant avec eux « de longues heures à étudier des plans et coupes de bâtiments, des relevés de mobilier dans les pièces, des cartes et des images satellitaires, des dispositifs de vue in situ, des paysagesde visu(peintures, dessins, photographies…) », dans l’idée que les maisons, immeubles, villages, quartiers de ville, chemins, terroirs, paysages, maquettes, jouets, pots, dessins, etc., doivent être replacés dans leurs contextes, physiques et techniques, pour mieux « aborder ensuite la question des structures sociales, politiques, économiques, philosophiques et cognitives qui les sous-tendent, les motivent et leur donnent vie ». Une pédagogie, en bref, où « ce sont les faits d’espace et d’architecture qui introduisent aux interrogations des sciences humaines et sociales, et non l’inverse ». Au Centre d’anthropologie sociale (ex-Centre d’anthropologie des sociétés rurales), il coanime, aux côtés de Marlène Albert-Llorca, le séminaire de recherche « Nature(s) et société(s) : savoirs et pratiques », de 2005 à 2016. Les participants gardent un souvenir très vif de ses exposés et de ses interventions. Il y déploie une impressionnante érudition, qui ne s’arrête nullement aux frontières de l’anthropologie mais comprend aussi bien la linguistique, la biologie, la philosophie. Le séminaire est un des lieux où il peut formuler ses hypothèses, parfois surprenantes, toujours stimulantes, jamais gratuites. Car Patrick ne cède pas à la facilité, exigeant autant de lui-même que des autres. Il a du reste le goût du débat, le goût du combat d’idées, évoquant à l’occasion avec nostalgie les grandes controverses anthropologiques d’antan – sur le totémisme par exemple. Régulièrement, se prolonge dans les couloirs, parfois une heure durant, une discussion entamée pendant le séminaire. Intransigeant sur le plan scientifique, Patrick est aussi inflexible sur le principe du respect de l’Autre. L’anthropologie, est-il convaincu, implique même, quand les circonstances l’imposent, un engagement politique. En 2012, il apprend par des amis hopi qu’un certain nombre de leurs masques rituels vont être mis aux enchères à Paris. Il déclenche alors une bataille acharnée pour faire annuler ce projet et obtenir que ces masques soient restitués à ceux pour qui ils sont, non des artefacts purement décoratifs, mais des objets sacrés, et même des personnes que les Hopi appellent leskàtsinàm. « Je rêve, écrit-il à l’époque, que la nuit, dans l’inquiétante lumière sépulcrale des vitrines ou sur les manteaux de cheminée de collectionneurs cossus et cyniques, les yeux vides de beauxkàtsinàmse remplissent de larmes. » Un anthropologue qui meurt, c’est une partie du mystère de ce que sont les Autres qui disparaît avec lui. Restent ses écrits. Attentif aux détails les plus infimes de l’existence de ses interlocuteurs – gestes, bruits, ambiances –, Patrick savait les rendre sensibles grâce à son style, élégant et expressif. Mais il ne se préoccupa jamais beaucoup de faire œuvre (ni, au demeurant, de faire carrière, soucieux qu’il était de garder sa pleine liberté d’action et de pensée, sans jamais s’inféoder). « Pas le temps », répondait-il quand nous l’interpellions au sujet de la diffusion de son travail, désolés que ne fût pas mieux promue cette si belle anthropologie. Le présent volume réunit une série de textes, dispersés dans des revues et ouvrages collectifs, concernant les Hopi et les Lacandon. Ont été écartés les travaux dérivant de ses enquêtes, plus récentes, sur les populations de l’Oyapock ; écartés, aussi, parce qu’ils nous ont paru plus éloignés du cœur de sa recherche, les travaux de
restitution d’habitats néolithiques conduits en lien avec des archéologues. Le titre choisi,Hàbiter le monde, nous a semblé fidèle à l’esprit de l’anthropologie de Patrick, irriguée par une curiosité ethnographique qui allait bien au-delà de l’habitat, aussi large que soit l’acception donnée à ce terme. Car comme toute bonne anthropologie, celle de Patrick s’attache à manifester le lien qui unit divers aspects et dimensions de l’existence sociale. Chaque anthropologue est mû par une quête intellectuelle et existentielle qui lui est propre. Chez Patrick, ce souffle qui anime l’anthropologue transparaissait partout. On le voyait dans son regard dès qu’il parlait d’anthropologie. On l’entendait aussi dans son rire. Lorsque Patrick racontait une anecdote sur une de ces invraisemblables pratiques indigènes dont les anthropologues sont férus, il partait souvent, au terme de son récit, d’un rire très particulier. C’était un rire où se mêlaient la fascination pour l’altérité et la délectation face au défi interprétatif qu’elle proposait. Ce rire résonne en chacun de ses textes. Marlène Albert-Llorca et Guillaume Rozenberg, Centre d’anthropologie sociale de Toulouse.
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