Histoires d empoisonneuses d hier & d aujourd hui
224 pages
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Description

Le poison est-il vraiment passé de mode ? Pas si simple ! Les faits regorgent encore d’assassinats subtils où des substances nouvelles sont en jeu. Depuis toujours, la jalousie, l’appât du gain, la vengeance ou l’ambition ont provoqué le meurtre. Les interrogations fusent à l’autopsie, et la police (aujourd’hui scientifique) recourt à toute une panoplie d’outils et d’analyses. Dès lors la question se pose?: comment prouver l’empoisonnement? Le poison au cours des siècles est devenu de plus en plus indécelable. Il se dissimule dans les plats, dans le vin, mais imprègne aussi bien des gants qu’une lettre, se vaporise sur des fleurs ou des fruits…

Quant à la palette des poisons, elle est vaste : l’arsenic, déjà utilisé par les Grecs?; la litharge ou «?pierre d’argent?»; l’eau-forte; les sublimés ou sel de mercure; mais également le venin de vipère, le sang de crapaud ou le verre pilé… et aujourd’hui de discrètes formes chimiques ou bactériologiques.

Bernadette de Castelbajac examine en autant de petits récits les cas d’empoisonnement les plus célèbres (ou moins connus) de l’Antiquité à nos jours, avec toujours cette même évidence: un bon poison vaut mieux qu’un long discours…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 113
EAN13 9782876233300
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CHAPITREI
Livie, l’impératrice du poison. — Comment Locuste empoisonne l’empereur Claude puis Britannicus au profit d’Agrippine et de son fils Néron. — Histoires d’empoisonnement au Moyen Âge. Les Borgia et la Renaissance. — Catherine et Marie de Médicis.
Le crime est vieux comme le monde et le poison l’accom-pagne. Rien n’est plus simple pour qui veut faire disparaître son ennemi sans attirer l’attention que d’utiliser le poison. Pas n’im-porte lequel! L’arsenic a toujours eu la faveur, si l’on peut dire, des empoi-sonneurs, pour la bonne raison qu’il est inodore, sans saveur, que dosé avec soin il peut tuer doucement en quelques jours ou se-maines, ou brutalement si l’on force sur la dose. L’entourage de la victime n’y voit que du feu… du moins jusqu’à une époque récente. Car maintenant, la toxicologie a fait de tels progrès qu’une dose excessive d’arsenic dans le corps est immédiatement décelée par les spécialistes, des mois ou même des années éven-tuellement après le décès. D’où des précautions accrues néces-saires aux apprentis empoisonneurs. Bien sûr, il existe d’autres poisons faciles à se procurer dans les pharmacies, par exemple des barbituriques ou même dans la na-ture, comme les champignons, ou encore chez les animaux, comme le venin ou la pourriture de la chair. L’important, c’est le
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dosage. Telle substance qui peut guérir par exemple d’une diar-rhée finira par tuer le malade si la dose est trop forte. Cette évi-dence n’est pas d’aujourd’hui: «Toute chose est un toxique et rien n’existe sans toxicité, seul le dosage fait qu’une chose n’est pas un poi-son. »C’est ainsi que s’exprimait Théophrastus von Hohenheim, autrement dit Paracelse. Pourquoi ce nom curieux? C’est lui-même qui s’était baptisé ainsi, se disant supérieur (paraen grec signifie « mieux que, plus que ») à Celse (célèbre médecin latin duIsiècle av. Jésus-Christ). er Cet alchimiste suisse vécut de 1493 à 1541, parcourant l’Europe pendant trente ans comme chirurgien des armées. Alchimiste, mais aussi chirurgien, gemmologiste, inventeur de la médecine expérimentale, guérisseur, créateur d’une science qui deviendra l’homéopathie, toxicologue… Le fait de ne mesurer que 1m50, ne lui donnait aucun complexe. Il disait avec aplomb:« Mes écrits dureront et subsisteront jusqu’au dernier jour du monde comme véri-tables etincontradicibles. »Il disait aussi:« Apprends, médecin, à ne tuer personne, sinon bêche la terre. »Ses études sur les médica-ments alors en usage, en particulier l’opium, le mercure, le sou-fre, l’antimoine, l’arsenic… firent sensation, et aussi scandale. Professeur à Zurich, puis à Bâle, il se fit expulser pour ses théo-ries révolutionnaires, et termina une vie, que l’on dit crapuleuse, dans un cabaret. Ou peut-être dans un hôpital, mais tristement et pauvrement.
Répertorier tous les empoisonneurs et empoisonneuses qui ont sévi au cours des siècles demanderait plusieurs volumes. Ici, nous présentons quelques-uns de ces criminels qui, par quelque trait particulier — leur personnalité, leur motivation ou l’étran-geté de leur comportement —, se distinguent de cette masse de meurtriers qui ont préféré le poison au poignard.
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À remarquer tout d’abord que le poison, par sa discrétion, sa facilité d’exécution, son efficacité pour qui sait l’employer, sa façon de faire planer le doute malgré de forts soupçons de crime, en fait l’arme favorite des femmes plutôt que des hommes. Parmi celles qui usèrent de ruse pour éliminer qui leur déplaisait, on peut citer l’intrigante Livie (58 av. Jésus-Christ, 29 apr. Jésus-Christ), impératrice, qui voulait voir son fils, Tibère, accéder au trône. Pour réaliser ce dessein, il fallait supprimer ceux qui en barraient le chemin. Elle commença donc par faire disparaître Marcellus, neveu de l’empereur, puis les deux fils de sa rivale Julie, l’un d’eux empoisonné par une « flèche venimeuse » et enfin elle se décida à supprimer son propre mari, l’empereur Au-guste.« Livie saupoudra de poison plusieurs figues d’un arbre dont Auguste aimait à cueillir les fruits de sa propre main; puis tous les deux mangèrent ensemble ces figues. Livie ne touchant qu’aux fruits sains, et présentant à son époux ceux qu’elle avait saupoudrés. »L’empe-reur succombe, et Tibère, son beau-fils, lui succède. C’est encore une femme, Agrippine, avide de pouvoir comme Livie, qui ne recule devant rien pour porter son fils au trône. Dans ce but, elle s’adresse à la reine des empoisonneuses, Lo-custe, dont la renommée faisait trembler ses contemporains. Même si elle ne fut pas la première dans l’histoire à exercer son talent, elle dépassa par l’ampleur de ses crimes et sa cupidité toutes les empoisonneuses qui l’avaient précédée. Locuste, entra au service de plusieurs souverains de la Rome impériale. Ses premiers méfaits officiels débutent lorsque la sinistre Agrippine lui demande son aide. Cette souveraine désire donc installer sur le trône son propre fils, Néron, né d’un premier ma-riage. Qui lui barre l’accès à cette couronne? En premier lieu l’empereur régnant, Claude, son propre mari. Agrippine règle le problème en un tour de main: elle lui fait adopter Néron, écartant ainsi le fils légitime de celui-ci, Britannicus, né lui aussi
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d’un premier mariage. Puis elle décide de supprimer l’empereur. Locuste prépare donc une drogue mortelle qui va être incorpo-rée à un plat que l’empereur apprécie tout spécialement: les champignons. Des champignons? C’est l’alibi rêvé : on croira à un empoisonnement accidentel. Les oronges sont donc imbi-bées de poudre d’amanite phalloïde, très toxique, dont le goût est aussi agréable que l’oronge. L’empereur y fait honneur, sans rien remarquer d’insolite. L’imprévu faillit tout faire basculer! Suivant une coutume de l’époque, l’empereur se chatouille la luette avec une plume afin de vomir ce qu’il a avalé, et de nouveau il s’apprête à poursuivre son repas. L’impératrice est inquiète. Faudra-t-il recommencer l’expérience? Mais le soir venu, Claude est la proie de vomisse-ments violents et Agrippine, rassurée si l’on peut dire, et avisée en même temps, lui fait prendre par son médecin et complice, Xénophon, un lavement contenant un produit fort toxique, la coloquinte. Cette plante comporte un alcaloïde puissant qui, à petite dose, est purgatif mais qui, plus fourni, provoque la mort. Cette médication appliquée à l’empereur est supposée faciliter les vomissements et ainsi expulser le mauvais champignon. En fait, ce n’est qu’un complément au traitement mortel. Au matin, l’empereur Claude décède. C’était en 54 après J.-C. Sur sa lan-cée, Agrippine fait encore périr Silanus et Narcisse, qui s’oppo-saient à ses intrigues. L’année suivante, c’est Britannicus qui va succomber. Néron, par les soins de son ambitieuse mère, a déjà pris le pouvoir de force, mais Britannicus reste une menace bien présente. Et Néron est jaloux… c’est lui qui décide de son élimination, avec comme complice, l’incontournable Locuste. Elle prépare donc, sous les ordres directs du tribun Julius Pollio, une mixture em-poisonnée. Ce fut d’abord un échec, comme nous le rapporte Tacite:
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« Depuis longtemps, on avait eu soin de ne placer auprès de ce der-nier [Britannicus] que des individus pour qui rien ne fut sacré; le pre-mier breuvage lui fut donné par ses gouverneurs mêmes: toutefois ses entrailles s’en délivrèrent, soit que le poison fût trop faible, soit qu’on l’eût mitigé pour qu’il ne tuât pas sur-le-champ. Mais Néron, qui ne pouvait souffrir cette lenteur dans le crime, menaça vivement le tribun et ordonna le supplice de l’empoisonneuse. » On raconte même qu’il la roua de coups avant qu’elle ne se re-mette finalement à l’ouvrage et présente un poison « capable de tuer aussi vite qu’un poignard ». Un chevreau, à qui on a fait in-gurgiter ce nouveau poison, décède au bout de cinq heures. Deuxième essai: un bouc s’écroule instantanément. Néron est satisfait, il ordonne de passer à l’acte. « C’était l’usage, explique toujours Tacite,que les fils de princes mangeassent assis avec les autres nobles de leur âge, sous les yeux de leurs parents, à une table séparée et plus frugale. Britannicus était à l’une de ces tables. Comme il ne mangeait ou ne buvait rien qui n’eût été goûté par un esclave de confiance, et qu’on ne voulait ni manquer à cette coutume, ni déceler le crime par deux morts à la fois, voici la ruse qu’on imagina. Un breuvage encore innocent, et goûté par l’esclave, fut servi à Britannicus; mais la liqueur était trop chaude et il ne put la boire. Avec de l’eau dont on la rafraîchit, on y versa le poison, qui cir-cula si rapidement dans ses veines qu’il lui ravit en même temps la pa-role et la vie. » Néron, à une autre table, rassura l’assemblée qui s’agitait: – C’est un événement ordinaire,dit-il,causé par l’épilepsie dont Britannicus est atteint depuis l’enfance; peu à peu la vie et le senti-ment lui reviendront… » » Après un court silence, reprend Tacite,la gaîté du festin recom-mença. » Il y eut quand même le début d’un problème, car le corps du défunt devait être exposé au public, ce qui aurait révélé, sur sa
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peau, les taches dénonciatrices de l’empoisonnement. Aussi Néron le fit-il enduire d’une substance qui était sans doute une sorte de plâtre. Mais la pluie tomba à verse et délaya cette subs-tance, sans que pour autant la foule ait le courage de manifester sa colère devant un tel crime. Pendant longtemps les savants ont tenté de découvrir la com-position du poison imaginé par Locuste. De nos jours, on pense que pour avoir ainsi foudroyé immédiatement sa victime, ce poi-son devait être de l’acide cyanhydrique, qu’elle aurait obtenu par la distillation de noyaux ou de fleurs de pêcher. Pour ses bons offices, Locuste reçut de l’empereur une im-punité totale, des terres considérables, et même l’autorisation d’initier des disciples à sa science. Mais l’empereur Galba, qui succéda à Néron, la fit mettre à mort. Quant à l’impératrice Agrippine, elle fut tout simplement poignardée sur l’ordre de son propre fils en 59 après J.-C.
Agrippine et Locuste furent les tristes héroïnes des crimes d’empoisonnement les plus marquants de l’ère romaine. Mais il est évident qu’elles ne furent pas les dernières à y avoir recours. À l’époque de l’empereur Trajan, les empoisonnements par l’aconit se multiplièrent à une telle allure qu’il interdit la culture de cette plante, une renonculacée qui avait la réputation de tuer les loups, sur toutes les terres de l’empire. Mais les criminels avaient bien d’autres produits de remplacement: le poumon d’une grenouille, mêlé à l’arsenic, le plomb ou le mercure, et cet étrange toxique appelé l’hippomanès. On pense, à propos de ce dernier, qu’il s’agit du fruit, une pomme, du mancenillier, un arbre dont on disait que rien que son ombre suffisait à faire périr l’imprudent qui s’y abritait.
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Revenons chez nous, en France, avec Frédégonde (545-599) et ses spéculations ambitieuses. D’abord suivante d’Audovère, er femme de Chilpéric I , Frédégonde réussit, après avoir fait étran-gler la seconde femme du roi, à l’épouser. Elle devient reine de Neustrie, mais cela ne lui suffit pas. Elle poursuit de sa haine Bru-er nehaut, dont elle avait fait assassiner le mari, Sigisbert I , roi d’Austrasie. Car Brunehaut reste tutrice de son fils, âgé de 15 ans. Pour les faire disparaître, elle envoie d’abord un premier émis-saire destiné à les faire périr d’une façon ou d’une autre, mais il est découvert, soumis à la question, et renvoyé à sa souveraine. Humiliée et furieuse, elle lui fait couper les pieds et les mains. « Après quelques mois, raconte Augustin Thierry dans lesRécits des Temps mérovingiens,quand elle crut le moment venu de faire une seconde tentative, recueillant tout ce qu’il y avait en elle de génie pour le mal, elle fit fabriquer sur ses indications, des poignards d’une nou-velle espèce. C’étaient de longs couteaux à gaine, semblables pour la forme à ceux que d’ordinaire les Franks [Francs] portaient à la cein-ture, mais dont la lame, ciselée dans toute sa longueur, était couverte de figures en creux. Innocent en apparence, cet ornement avait une des-tination véritablement diabolique: il devait servir à ce que le fer pût être empoisonné plus à fond, et de telle sorte que la subs—tance véné-neuse, au lieu de glisser sur le pli, s’incrustât dans les ciselures. Deux de ces armes, frottées d’un poison subtil, furent remises par la reine à deux jeunes clercs dont le triste sort de leur compagnon n’avait pas re-froidi le dévouement. » Ces malheureux devaient s’approcher du jeune garçon en lui demandant l’aumône et le poignarder. Mais les deux espions ne montrent guère d’enthousiasme. Ce n’est qu’en leur faisant ser-vir une boisson qui devait les exciter et leur donner du courage, en fait les griser, que Frédégonde pense parvenir à ses fins. À voir leurs yeux qui se mettent à briller, elle comprend qu’elle a bien dosé son breuvage.
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– Quand le jour sera venu d’exécuter mes ordres, je veux qu’avant de vous mettre à l’œuvre, vous buviez une coupe de cette liqueur, afin d’être fermes et dispos, leur recommande-t-elle. Ils partent avec leurs poignards empoisonnés et leur liqueur. Mais à la cour de Brunehaut, on est soupçonneux: les deux pau-vres malheureux sont arrêtés et périssent sous la torture. Frédégonde ne se laisse pas arrêter pour si peu dans son goût pour les poisons. Elle s’attaque ensuite à un seigneur franc qui vient lui reprocher d’avoir fait exécuter l’évêque Prétextat. Pour le supprimer, elle l’invite à un repas, mais, se méfiant, il refuse son offre. Au moment de repartir, alors que ce seigneur, accom-pagné de quelques amis, allait enfourcher son cheval, des servi-teurs proposent à chacun d’entre eux, selon la coutume du coup de l’étrier, une coupe pleine d’un breuvage habituel à l’époque: du vin mélangé de miel et d’absinthe. Le premier qui en but« vida, sans réflexion et tout d’un trait, la coupe de liqueur aromatisée; mais à peine eut-il bu la dernière goutte qu’une souffrance atroce et comme un déchirement intérieur lui ap-prit qu’il venait d’avaler le poison le plus violent. Un instant muet, sous l’empire de cette sensation foudroyante, quand il vit ses compa-gnons se disposer à suivre son exemple et à faire honneur au vin d’ab-sinthe, il leur cria: “Ne touchez pas à ce breuvage. Sauvez-vous, malheureux, sauvez-vous, pour ne pas périr avec moi.” » Ils prennent la fuite,« ces hommes qui n’auraient pas reculé de-vant un combat ». Celui qui avait bu du poison réussit à monter sur son cheval mais, quelques minutes plus tard, il s’écroule, mort.« Le bruit de cette aventure, ajoute Augustin Thierry, causa au loin un effroi superstitieux. »Peut-être, mais cela donna aussi des idées… Il en fallait plus pour arrêter les desseins criminels des sei-gneurs de l’époque. C’est également avec des poignards empoi-
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er sonnés que Chilpéric I fit assassiner son frère Sigebert. Chil-debert, son fils, fut empoisonné par Brunehaut, qui fit également empoisonner Théodoric, son petit-fils… et Aribert, empoisonné er par Dagobert I … On n’en finit plus. Il s’agit là des grands du monde de l’époque, mais dans le peuple, il est probable que les disparitions prématurées et provoquées ne manquaient pas. Ces Mérovingiens avaient le poison facile, mais ils n’étaient pas les seuls: Mahomet, le prophète, à la même époque, succombe après avoir mangé la chair d’une brebis empoisonnée, et son gendre s’effondre, percé par un poignard empoisonné… Merveilleusement inattendue dans ce défilé de morts vio-lentes et voulues, l’histoire de saint Benoît. L’ordre religieux qu’il avait fondé ayant provoqué l’admiration de ses contemporains, des moines lui demandèrent de venir réformer leur règle. Il se rendit dans leur couvent, mais ses directives furent jugées telle-ment austères que les moines décidèrent de le faire mourir. Ils mirent du poison dans une cruche contenant de l’eau. Benoît, avant de boire, fit un signe de croix sur le récipient. Et le réci-pient se brisa! Saint Benoît mourut bien plus tard en 547. Les années s’écoulent, une dynastie fait place à une autre, et les crimes continuent! Charles le Chauve meurt après avoir ab-sorbé une boisson préparée par son médecin Sidécias, et le der-nier des Carlovingiens, Louis V le Fainéant, ne résiste pas au poison administré par sa femme Blandine. Au début du Moyen Âge, on s’aperçoit que les toxiques les plus employés sont les sulfures d’arsenic, autant dire une com-binaison de soufre et d’arsenic. Ce sont, entre autres, le réalgar appelé aussi sandaraque, l’orpiment, combinaison naturelle de ce mélange soufre-arsenic, utilisé surtout en pharmacie et en peinture. On trouve aussi un acide arsénieux, l’alun blanc, notre arsenic ordinaire, qui était sans doute le poison utilisé par la reine Frédégonde, et la céruse, carbonate basique de plomb, ou
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« blanc d’argent », utilisée en peinture, et tellement toxique que l’usage en est interdit depuis 1915. Pour en revenir au Moyen Âge, nous avons le récit du moine Richer qui nous en apprend beaucoup sur les mœurs de cette époque, celle du roi Louis IV d’Outremer (921-954). À la table de ce souverain se trouvent un jour deux médecins. L’un s’ap-pelle Heroldus. Le nom de l’autre nous est resté inconnu — on sait seulement qu’il était natif de Salerne. Ces deux convives se prennent de querelle et celui de Salerne décide de se venger. Avant de passer à table au repas suivant, il enduisit de poison l’un de ses doigts et le plongea dans la sauce au poivre où son ennemi trempait ses morceaux. Heroldus se sentit mal, devina qu’il était empoisonné et avala des antidotes qui le remirent sur pied en trois jours. Pour prendre sa revanche, il utilisa un stratagème assez semblable en répandant un poison sur les mets de son ad-versaire. Ce dernier tenta en vain de se soigner avec ses propres médecines, mais en désespoir de cause, déjà à moitié mort, il im-plora son adversaire qui, sur l’ordre du roi, le guérit mais im-parfaitement. On dut amputer le pied de l’Italien, ce qui peut paraître curieux!
Qui veut attenter à la vie d’une autre personne en l’empoi-sonnant se heurte à une première difficulté: où s’approvisionner en poison? Pour la plupart des apprentis empoisonneurs, il suf-fit de se rendre chez ce que l’on appelait à l’époque un apothi-caire. En principe il ne dispose, dans sa petite boutique, que de médecines diverses, d’onguents, de pommades, de liqueurs mé-dicinales, de sirops… Dans son laboratoire attenant à la bou-tique il se livre à des mélanges qui se veulent savants pour guérir de l’asthme, de coliques vertes ou pas, de toux opiniâtres… il est rarement compétent, et encore plus rarement honnête, d’où l’ex-pression « compte d’apothicaire » pour un compte douteux. Ce
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