La lecture à portée de main
152
pages
Français
Ebooks
2009
Écrit par
Daniel Bonetti
Publié par
L'Harmattan
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152
pages
Français
Ebook
2009
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Publié par
Date de parution
01 mai 2009
Nombre de lectures
198
EAN13
9782296373907
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Publié par
Date de parution
01 mai 2009
Nombre de lectures
198
EAN13
9782296373907
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
L’arbreeffeuillé
etautresbrindillesCollection«Psychanalyse,littérature,écriture »
DirigéeparCosimo TRONO
«Les poètes sont nos maîtres»disait Freudcar«ils disenttout
de même leschosesavant lesautres» ajoutait Lacan ! La
collection Psychanalyse,littérature, écriture part du constat que la
psychanalyse actuelle est devenue étrangère au discours poétique
et littéraire au sens large. Lesanalystes,dansleur grande majorité,
écrivent désormaisenayant pour modèle lesdisciplines
scientifiques.L’écrivance -au sens où l’entendait Barthes- a
remplacé l’écriture.Le refoulement de la dimension littéraire de
l’analyse a conduit lesauteurs à ne plusdonner libre cours à une
écriture subjective, seuleàmême de dévoiler la part inconsciente
de l’auteur, et,par cela même, interpeller celle du lecteur. La
collection tente unrééquilibrage de l’axe de la parole vivante dont
l’écrit se doit d’en sauvegarder la source. Il en va de la
transmission de la psychanalyse comme discipline langagière, donc
écrivante.Alamanière de sa voie royale,le rêve!
PENTAEditions
«Iln’yade psychanalyse que dans son questionnement de
l’Autre-Scène. Leséditions PENTA se proposent d’interrogercette
psychanalyse dite–à tort–appliquée (à tort car «iln’y a de
psychanalyse appliquée que sur le divan»dit Lacan), en
investissant sescadres extérieurs quiluiinsufflent,avec la clinique
du cabinet,ses plusbrillantes avancées:l’art,la littérature, la
philosophie et lesphénomènes de société. Loin de
l’autoengendrement stérilisant,la psychanalyse à venir se doit de se
référer à ces autres discours quiexpriment les malaises
(Unbehage n,disait Freud) quibouleversent lesassisesidentitaires
del’homme moderne etde sescultures.»Daniel Bonetti
L’arbreeffeuillé
etautresbrindilles
PENTA
Editions[…] il divenire analista è ormai inseritoin una credenza, elemento
questo testimoniatodal fattoche chicrede di esser divenut o
analista non ha più coscienza di essere analizzante.E vive come se
potesse fare a menodell’analisi, evitando così quella struttura
dell’infinitochel’analisticomporta.
GiovanniSias,La finzioneeilvaloredell’interpretante
Il est radicalement impossible que« moije»pense au sens d’u n
penser pulsionnel. Car en m’identifiant,enme prêtantunêtre
stable et immuable,j’abandonne le processusde penser. L’être
stable élude la pensée mouvante et la pensée mouvante évite l’être
stable.
ChristianFierens, Commentpenserlafolie
Tout texte«dérive» ce dont il parle, il le déplace.Tout texte est
traduction,il estdonc inadéquationdebase.
Georges-ArthurGoldschmidt,Quand Freudvoit la mer
7Quij’essuie ?
Elle te tendit le dessin. Sans unmot.C’està tes yeux qu’elle
s’adressait,comme unphare lointain, la nuit,quidarde seséclats
delune,appels muetsà toutbateau qui veille.
9L’arbreeffeuillé etautresbrindilles
Tu pris le papier dans tes mains hésitantes etyplongeas ton regard.
Tuvis une lettre, sur la gauche, tout en haut.Ungrand«j»
surmonté d’unpoint rouge.Sur la droite du dessin, quatre formes
rectangulaires etcolorées. Tuluidis:« Qu’as-tu dessinélà ?»
« Desessuies », répondit-elle.Ensuite, elle se tut.« Sais-tu ce que
celaveutdire ?»luilanças-tu,enposant le doigt sur la lettre, si
bien tracée.Doucement,elle murmura:« j… j…,j… », en y
mettantde la voix.
Alors ton regard se mit à glisser. Tu lesentis décrire une courbeen
partant du«j»endirection desformes colorées.C’est le lecteur en
toi quifut surpris. Tu lus: «J’essuie.» Tu le luirendis, le luifis
entendre:« Comme c’estcurieux,ondirait que ça dit : je suis. »
Elle s’anima tout à coupd’unregard vif et brillant.Elle dit:« Ah
oui !Je suis Rosa.»
Elle s’était nommée.Ce prénom de rose,ce rose quiannonçait la
couleur. Rosa quifleurissait au jardin deses signes. Dutréfonds de
ton cœur, unchantte remontait quidisait:« Je meurs de ma petite
sœur –De monenfant et de moncygne… »
Àchaque« essuie »correspondaitune écriture.Des mots venus
d’ailleurs,imprononçables.
MaisRosa,elle,ne savait pasécrire.Enfin, elle bredouillait avec
sespetitsrestes issusd’une scolarité à la dérive. Elle ne savait pas,
tout en sachant le minimum. Et ce peu,qu’elle n’ignorait pas,
forçait son savoir insu,à ton adresse.La séance s’acheva là-dessus
ettelaissa comme ungoûtde maréehaute.
Quelque temps plus tard,il y eut comme une suite, u n
prolongement.Elle fitunautredessin. Tel’apporta.
10Quij’essuie ?
Cette fois, Rosa se montra plusdiserte Elle dit:« C’estlavague,
avecles“essuies”.Ilyadeuxcrochets pourla tenir.»
Tu fusfrappé par cesdeux crochetsétrangesqui te rappelaient,
maisdansl’inversion de sa forme, l’écriture de la lettre«j» de
l’autrefois.
De plus, le point rouge sur le «j »se retrouvait maintenant
transformé en cœur, deux cœurs gonflésd’amour qui te parlaient
de la langue, de cette vague quiondoyait entre lesdeux crochets
quifiguraient sans doute la chaîne de sesmots. Sousla vague, les
« essuies ». Plusd’écriture sibylline pour accompagner ces formes
colorées,désormaisaux contours pluslâches.Les «essuies »
semblaient ruisseler comme une pluie de mer,plongeant dans les
profondeursdudessous.
Tu pensais à l’encre de ta plume, dessinant desravinessur la peau
grumeleuse dupapier.
Tu pensais aux arabesques que tamaind’enfanttraçait dans le
sable humide de la plage.Tu pensais à tes essais de signature
quand,adolescent,il tefallaittrouver tonstyle,tamarque.
Tupensaisencore àd’autres choses,dans tonsilence recueilli.
11L’arbreeffeuillé etautresbrindilles
Rosa,elle,accorda,comme par mégarde,à chacune de ces formes,
desnoms. Lesprénomsdes enfantsqu’elle connaissait… Et d’u n
phono immémorial dégoulinait encore une voix quidisait:« Je
suis sûr quela vie estlà– avec sespoumons de flanelle…»
Un matin, en cette année-là défalquée de ta mémoire,cette voix,
commeun rot,sortit deta bouche.
Quidéchira,en unéclair,la toilefeutréedusilencede la classe.
Un grand fracas de rire retentit, brisa la torpeur du jour. Leurs
yeuxseruèrent verstoi,penaud et mortifié,quiavais lâchéça.
Une voyelle,arrachée de teslèvres,unpetit«e»tremblant comme
unebulledesavonàpeine envoléede son anneau doré.
Et cette voix voyelle mitlejour en éclats au cœurde ta syntaxe et
lesaccords de genre tout àcoup ne surent plus surquelpie d
danser.
On se gaussa de toi. On te persifla. On te poussaà dire ce que tu
nesavais pas:pourquoi t’avais dit ça et pas«i »,«u»ou«o».
Ça riait departout,bourdonnait dans tesoreilles.
Ce qui pliait en toi avait trouvé son point de rupture.Etlahonte
s’abattit sur toi.
12Le moindreespoir
«Y a-t-il le moindre espoir pour qu’une parole soit prise au volet
maintenue ? »
Il se disait cela quiluipassait comme unfrôlement d’aile.Surpris
par la question. Et pourtant,s’ilposait l’œil uninstant,sur le
buisson frémissant,à portée de son regard,et quede là une
présence le considérât,elle n’eût constaté que sa marche inaltérée,
unpieddevantl’autre. Aucunediscontinuitédanssadémarche.
Vu du buisson rien ne s’était passé: unhomme quimarchait et
l’herbe, sècheencet hiver ensoleillé, bruissait et se pliait sousses
pas.
Il s’entendait ou plutôt entendait lesmots, la musiqued’une voix,
enluietautourdelui, etla phrases’amusait,musardait,s’étiolait.
«Y a-t-il le moindre espoir… L’énoncéinterrompu en cette
scansion ouvrait la terre sousses pieds, et sesmotsdisparaissaient,
sa voixs’amenuisaitjusqu’àla plainteassourdie.
Pour que… La voix,encet instant,resurgissait,allumée tout à
coupd’unsoubresaut stellaire, trouvant dieu sait quelle irrégularité
du sol pour renaître,reprenant de plusbelle,comme après u n
rebond.
Uneparole soit prise…La voixtenait là son horizon, visaitu n
pointducield