La Chambre des amants
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La Chambre des amants , livre ebook

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Description

D’où vient le désir d’enfant entre une femme et un homme ? Quels changements l’idée de cet enfant imaginaire entraîne-t-elle entre les deux amants ? Comment modifie-t-elle leur relation, leurs comportements ? Quelles traces cette « scène » inaugurale laisse-t-elle aussi dans le psychisme de chacun ? Et comment continue-t-elle, des années plus tard, à exercer son influence souterraine, lorsque le couple est devenu une famille ?À partir du concept éclairant et novateur de « scène première », le psychanalyste Philippe Gutton nous invite ici à mieux comprendre comment se fait la transition du couple à la famille, sur quels obstacles insoupçonnés elle bute parfois et ce qu’exige, pour être harmonieux, le passage du statut d’amant à celui de parent. Philippe Gutton est psychiatre, psychanalyste. Professeur des universités, il est l’auteur de nombreux livres désormais classiques, comme Le Génie adolescent, Le Pubertaire ou Adolescens. Il est également le directeur de la revue Adolescence, qu’il a fondée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 janvier 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738199577
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB, JANVIER 2011
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9957-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Introduction

Que se passe-t-il dans le psychisme des amants lorsque s’inscrit, pour la première fois, dans leurs fantasmes et leurs liens, le désir d’un enfant ? Le changement est profond. Est-ce une métamorphose ? Assurément, un point d’origine. Nous l’appelons expérience première, car c’est à partir d’elle que pourra être fondée, événement après événement, une famille réelle. Cette innovation, cette création est d’abord imaginaire ; c’est elle qui, à partir de l’état amoureux, va créer de la parentalité. Du pas de deux va naître le troisième, d’un état d’illusion éphémère un long terme.
Parentalité ? Le mot est validé par la pratique avant de l’être par les dictionnaires. Esquissons une définition. La parentalité est l’ensemble des processus psychiques, conscients et inconscients, concernés par l’expérience de la parenté. Le mot est encore aujourd’hui un néologisme, de même que celui de maternalité 1 qui englobe l’ensemble des processus psychoaffectifs qui se développent et s’intègrent chez la femme qui fait l’expérience de la maternité. Le terme de paternalité est rare. Depuis les années 1970, des chercheurs et, plus récemment, des psychanalystes comme Robert Clément 2 , Serge Lebovici 3 et ses élèves, Bertrand Cramer et François Palacio-Espasa 4 , Monique Bydlowski 5 , Sylvain Missonnier et bien d’autres travaillent sur cette notion.

Parenté et parentalité
J’insiste pour marquer une frontière claire entre ces deux concepts. Entre la parentalité et la parenté, il n’y a pas de causalité linéaire, mais un ensemble d’interactions complexes et diachroniques. La parentalité, c’est l’expérience psychique des liens, imaginaires et réels, entre parents et enfants La parenté, elle, « est fondamentalement un univers de liens généalogiques, biologiques et sociaux, entre des individus de même sexe ou de sexe différent et appartenant à la même génération ou à des générations différentes qui se succèdent dans le temps 6  ».
La fabrication d’un enfant est un grand thème de notre modernité : filiation génétique, conditions de fécondation, de gestation, de parturition, soins prodigués. Plus le pouvoir biologique croît, plus les faits de civilisation s’en servent, construisant des idéologies. À plusieurs reprises, je reviendrai sur l’évolution contemporaine qui éloigne la parentalité de la parenté biologique et, implicitement, de la sexualité.
Pour Maurice Godelier 7 , « le plus beau fleuron de l’anthropologie » est constitué par les systèmes sociaux de parenté, cet « ensemble structuré par des liens d’appartenance, d’affiliation et de filiation et de hiérarchie sous la domination du masculin, [cet] ensemble culturellement défini de conduites ». Diverses fonctions sont attribuées à la parenté par une société : engendrer, élever, nourrir, éduquer, doter d’un statut social (le nom des héritiers), responsabiliser, exercer des droits et devoirs d’autorité et de répression, interdire les rapports sexuels au sein de la famille. L’abord anthropologique de la parentalité, catégorisée exclusivement par ses fonctions, me paraît extrêmement critiquable. La réalité des comportements ne saurait être considérée par le clinicien comme reflétant entièrement la réalité interne, même élargie (identifications et projections). L’approche fonctionnelle que partagent bien des anthropologues désireux de réduire le parenthood au simple parenting implique ce que je nomme un déni de l’inconscient, de plus en plus à la mode aujourd’hui, et un déni des expériences de parentalité, thème central de ce livre. On ne peut soumettre le psychanalytique à l’anthropologie sociale sans compromettre le concept d’inconscient. Georges Devereux disait que la parenté n’est pas un concept de l’inconscient et il avait raison, même si, bien entendu, les civilisations donnent des colorations diverses à la parentalité et à l’histoire des familles. Si les interactions sont permanentes entre biologique, politico-sociétal et processus psychiques, distinguons clairement les champs de recherche avant de décrire leurs relations, qui ne doivent pas être des confusions. L’approche pluridisciplinaire, tout à fait souhaitable, n’est réellement efficace que lorsque les champs de chaque discipline sont suffisamment définis. Pour ma part, je travaille sur les interprétations, constructions et déconstructions, conscientes et inconscientes, dont les faits de parenté font l’objet dans l’intimité. Ce que la parenté fait, les individus et leurs groupes le traduisent à leur guise. C’est à ces processus de traduction que je m’intéresse.

Créer une famille
La parentalité est plus énigmatique que son usage médiatisé ne le laisse penser. Ce livre sera donc souvent interrogatif. Devenir parent entraîne et exprime une refondation inconsciente des enjeux de la vie et de la relation à l’autre. L’imaginaire de la vie d’un couple se renouvelle dans l’engagement concret de la procréation et des suites que constituent les soins parentaux et l’éducation. Devenir parent offre « une clinique renouvelée des origines » : acte de création de soi et d’un autre (même seulement imaginé). Être amant-parent est une expérience originaire. Le passé la construit, l’avenir s’y construit. Cette expérience contient une part d’engagement irréversible (rien n’est et ne sera plus comme avant) et un certain degré d’indétermination ou d’incertitude caractéristique des processus de transformations. La tentation est grande aujourd’hui de concevoir un enfant comme un effet de la parentalité (et inversement). La parentalité serait-elle causale ? Ce livre se veut une mise en garde contre les causalités psychiques ordinaires, thèmes de pseudo-scientificité et de culpabilité : « tel père, tel fils », « l’adultère fait le malheur des enfants », « un enfant désiré est toujours moins perturbé qu’un autre… ». La causalité psychique dans le champ de la psychanalyse n’est pas comparable à celle des sciences dures comme la biologie ou semi-dures comme la sociologie. Des fonctionnements familiaux inconscients sont à saisir derrière ce qui se joue dans le quotidien. Ils sont à la fois animés par les désirs de chacun (conflictualité, ambivalence et compromis) et les liens intersubjectaux qui leur sont communs, l’« intime-extime » disons-nous. Toutes les choses faites et dites ont un en deçà qui s’aliène quand il est mis en mots, qui a des racines profondes, archaïques. La parentalité, telle qu’elle s’exprime dans les cures individuelles et familiales, telle qu’elle apparaît dans les groupes de parole d’appui et d’accompagnement, exige une écoute profonde, un type d’attention spécifique. Je suis persuadé que nous, thérapeutes, pouvons beaucoup dans les pathologies de la parentalité, c’est-à-dire dans les disparentalités.
Première partie
Quand la chambre des amants devient celle des parents
Cette famille vient pour la troisième fois, avec un sentiment d’urgence lié aux problèmes que pose la violence du père. Les filles, adolescentes, relatent leur quotidien, leurs craintes, la tension qui règne à la maison. La mère, complice, donne avec elles des exemples, nombreux, à table, le soir lorsque la boisson le rend presque méchant, le dimanche surtout. Les motifs d’explosion sont infinis. Les récits fusent dans une polyphonie harcelante. L’accusé reste silencieux, observateur « off » un peu renfrogné, un peu souriant. Dans l’ensemble, les faits rapportés lui semblent banals et exagérés. Ils ne sont pas nouveaux, pourquoi venir maintenant ? La mère s’engage alors dans une grande biographie de la famille : l’amour initial qui fut un vrai coup de foudre, les transformations introduites par les naissances rapprochées et tellement désirées des deux filles, le modèle pesant du grand-père paternel incroyablement caractériel, leurs querelles de parents, l’ensevelissement de leur vie amoureuse, bientôt les violences. Elle a dû aller plusieurs fois au commissariat. Elle se demande si elle ne devrait pas partir avec ses filles. Et là, la colère du père survient. Il reprend tous les reproches de façon véhémente et en donne sa version ; il s’agite, se lève impulsivement. Sans un mot, son épouse lui caresse le poignet droit ; il reprend aussitôt son calme.
Entre cette femme et cet homme, derrière la violence des scènes familiales relatées, une certaine tendresse paraît courir, comme un fil rouge, depuis le début de leur histoire ; je le leur dis. Je mentionne comme exemple ce geste sur le poignet qui vient d’être fait, et son effet immédiatement tranquillisant. La séance change de style. La famille se rapproche devant moi. Il y est reconnu une certaine gentillesse ambiante, presque une prévenance, interrompue par des explosions récurrentes. Celles du père, surtout, mais peut-être aussi de tous les autres…
J’appelle scènes familiales inconscientes le réseau d’affects et de représentations qui, comme chez ce couple, au moment du petit geste fait par la femme sur le poignet de son homme, circulent sous le quotidien qui, le plus souvent, les masque. Ces représentations agissent en secret, elles s’expriment aussi parfois. On pense à la phrase, banale mais si riche d’implications, que Sophie Tolstoï note dans son journal intime, évoquant l’impasse de ses co

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