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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 janvier 2009 |
Nombre de lectures | 153 |
EAN13 | 9782336256344 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Illustration de couverture :
Daniel Serrec, Bordeaux.
www.artabus.com/frenchlserrecl .
La diabolisation de la femme
On brûle une sorcière
Alain Piot
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan 1 @wanadoo. fr
9782296078833
EAN : 9782296078833
À Maudy, ma bruixa bien-aimée
Sommaire
Illustration de couverture : Page de titre Page de Copyright Dedicace Préface - Qu’est-ce que la sorcellerie ? Prologue introduction - Un homme parmi les femmes 1 ère Partie : - On brûle une sorcière
Chapitre 1 - Sorcières d’aujourd’hui et de toujours Chapitre 2 - Sorcières d’hier Le temps des bûchers Chapitre 3 - Les corps parlent Chapitre 4 - Dies irae pour deux sorcières Chapitre 5 - Loudun ou l’inversion des rôles Chapitre 6 - Par le feu
2 ème Partie - La diabolisation de la femme
Chapitre 7 - Le diable obtient un statut Chapitre 8 - Délires d’Inquisiteurs Chapitre 9 - Délires de juges démonologues
3 ème Partie : - D’héritage en héritage
Chapitre 10 - Paul peut-être, au fond, hérétique ? Chapitre 11 - Augustin en héritage Chapitre 12 - Ce diable de Luther Chapitre 13 - La femme autorisée
Conclusion - Le Grand Pan est mort Bibliographie Ouvrages cités Remerciements L’HARMATTAN, ITALIA
Préface
Qu’est-ce que la sorcellerie ?
Yvonne Knibiehler 1
Nous voudrions croire, nous occidentaux, que les progrès de la pensée scientifique ont eu raison du diable, de ses pompes, de ses oeuvres et de ses acolytes. Pourtant, même en Occident, ceux qui croient encore à « l’empire du mal » ne sont pas rares, et ne se laissent pas oublier.... En même temps, si l’on écoute les anthropologues, « la pensée sauvage» conserve aujourd’hui une emprise considérable sur nos élaborations mentales et sur nos comportements.
Mais pourquoi l’auteur de ce livre focalise-t-il sur les femmes ? Alain Piot est l’époux d’une personne handicapée, non voyante. Il a participé avec elle à la fondation d’une association très militante 2 , en vue de soutenir des femmes qui subissent, comme une double malédiction, leur handicap et leur appartenance au sexe faible. Certaines assument, en plus, la condition d’immigrées : or, dans les pays d’Afrique qu’elles ont quittés, le handicap est souvent considéré comme maléfique. L’auteur de ce livre partage à la fois la souffrance de ces femmes et leur admirable énergie. C’est là, assurément, sa principale motivation. Il veut nous obliger à réfléchir avec lui sur ce qu’il appelle la diabolisation des femmes. Il y parvient aisément, car son écriture est à la fois dynamique et limpide, on le lit avec émotion. Les trois parties de son ouvrage nous conduisent, en marche régressive, du présent vers le passé. La première partie suggère que la « chasse aux sorcières» est intemporelle et s’est poursuivie au 20 ème siècle ; la seconde partie analyse le moment fort de la diabolisation, à savoir les 15 ème , 16 ème et 17 ème siècles; la troisième partie, recherche les origines anciennes de ce phénomène, présenté comme un héritage.
Dans un premier temps, Alain Piot s’interroge à propos de certaines «chasses aux sorcières » relativement récentes. Sa vaste culture lui permet de multiplier les exemples significatifs. Les femmes tondues au lendemain de la Libération étaient-elles perçues comme des sorcières ? Et les victimes du maccarthysme ? Plus loin de nous, que faut-il penser des protagonistes du film de Carl Dreyer, Dies irae ? Et comment comprendre « l’inversion des rôles » que l’on observe dans l’histoire des « possédées » de Loudun, ensorcelées par un prêtre ? Ces divers exemples obligent à réfléchir à la fois sur la permanence et sur les aspects déconcertants d’un phénomène qui échappe à toute rationalité. Qui a peur ? Est-ce du diable que l’on a peur ? Sinon de qui, de quoi ?
En vérité, d’autres exemples, qu’Alain Piot n’évoque pas, tendent à mettre en évidence une tendance nouvelle à l’inversion des rôles. De nos jours, les «apprentis sorciers» appartiennent à deux catégories. Les uns sont les traders qui pratiquent le culte du veau d’or, en spéculant sur des valeurs virtuelles, au risque de plonger la planète entière dans la ruine et le désarroi. Les autres manipulent les gamètes et les embryons humains : ils procurent aux femmes des moyens sûrs d’éviter les grossesses, ils savent féconder les filles vierges et les femmes ménopausées, ils fabriqueront peut-être bientôt des utérus artificiels, des êtres hybrides, des clones. Les sorcières d’antan n’ont jamais disposé de pouvoirs comparables. Et pourtant aucune véritable chasse aux sorcières n’est organisée contre ces magiciens. Il serait peut-être temps de se demander si les sciences entretiennent des rapports avec le démon, et quels sont ces rapports.
La seconde partie du livre, la mieux documentée, m’a paru aussi la plus agréable à lire. Alain Piot reprend attentivement toutes les études concernant la chasse aux sorcières, domaine déjà bien exploré. Sa mise au point est éclairante. Le début et l’expansion de ces violences sont bien insérés dans le contexte d’une révolution culturelle qui donne au démon un véritable statut, et qui invite à le traquer de préférence parmi les filles d’Eve, en raison même de leur sexe. La panique des inquisiteurs, qu’ils soient prêtres ou juges, invente des coupables, les réduit aux aveux, et les livre au bûcher. On regrette un peu que le déclin, puis la disparition de la chasse aux sorcières, au seuil de l’âge des Lumières, ne soient pas aussi bien élucidés. Certains travaux historiques permettent pourtant de voir comment, à partir de la Renaissance, le monde des femmes est progressivement passé sous le contrôle des pouvoirs masculins, subordination rassurante pour le sexe fort.
Les travaux de Jacques Gélis 3 montrent que les chirurgiens et les médecins s’emparent peu à peu des savoirs concernant la naissance : ils n’écartent pas les sages-femmes, mais avec l’aide des pouvoirs publics, ils les contraignent à s’organiser en corporations étroitement surveillées. Or le rôle social des sages-femmes était capital, quoique informel (Alain Piot ne l’ignore pas) : elles encadraient pleinement la fonction maternelle en accompagnant les femmes à ces moments sensibles de l’enfantement où les filles d’Eve sont particulièrement vulnérables et dépendantes. Matrones et sages-femmes restaient attachées à une complicité féminine traditionnelle : elles transmettaient des recettes empiriques ou magiques de contraception, d’avortement, de remèdes et de poisons discrets. Leur mise sous tutelle a permis de démanteler des pans entiers d’une culture féminine autonome. La fonction de reproduction est devenue l’affaire des hommes. La médicalisation galopante de l’obstétrique au 20 ème siècle a confirmé cette transformation.
Les recherches d’Eliane Viennot 4 sur la loi salique analysent une autre victoire masculine : les juristes de la Renaissance ont construit une doctrine écartant les femmes de tout pouvoir souverain. Après la Fronde, il n’y aura plus, en France, de femmes engagées dans les luttes politiques, il n’y aura même plus de grandes reines. Pendant la Révolution, Marie-Antoinette, sera encore qualifiée de sorcière. Mais ensuite, les tricoteuses, au temps de la Terreur, et plus tard les pétroleuses, au temps de la Commune de Paris, ne sont plus des sorcières, seulement des femmes cruelles, criminelles, «dénaturées». Quant aux premières féministes, elles ont fait peur, elles aussi 5 ; mais leurs adversaires se sont contentés de les tourner en ridicule, autant qu’ils ont pu.
La dé-diabolisation des femmes coïncide avec la progression de la modernité.
Alain Piot consacre la dernière partie de son ouvrage à réfléchir sur les origines de la diabolisation des femmes. Avec d’autres auteurs, il soutient l’idée que la diffusion du monothéisme a joué un rôle déterminant : l’élimination des grandes déesses fait place à un Dieu tout puissant forcément masculin. Cependant les chapitres qu’il consacre à l’apôtre Paul, à Augustin, évêque d’Hippone, et à Luther paraissent un peu décalés par rapport au su