La hâte, un tempo pour aujourd''hui

Henri Mialocq

Description

Pourquoi, avec la psychanalyse, la philosophie et même la physique, penser la hâte comme un tempo pour un aujourd'hui ? Un aujourd'hui déjà tant précipité et stressant. Pourquoi lui donner de l'importance quand il s'agirait au contraire de donner du temps au temps, de prendre les choses et les gens avec mesure et apaisement ?

Sujets

• Psychiatrie
• Psychanalyse
• Psychologie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 26 octobre 2018
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782140103865
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

une In : la mort. Parce que cette In nous contraint à nous décider en toute urgence,

et de la In de vie qu’auprès d’adolescents et d’adultes en souffrance

Henri M IALO Q C

LA HÂTE, UN TEMPO POUR AUJOURD’HUI

Études psychanalytiques

La hâte, un tempo pour aujourd’hui

Études Psychanalytiques Collection dirigée par Alain Brun et Joël Bernat La collectionÉtudes Psychanalytiquesveut proposer un pas de côté et non de plus, en invitant tous ceux que la praxis (théorie et pratique) pousse à écrire, ce, « hors chapelle », « hors école », dans la psychanalyse. Dernières parutions Jean-Tristan RICHARD,Handicaps, institutions et psychanalyse, 2018. Béatrice BÉRARD, Lydie CAMUS, Laurent KOELBLEN, Marie-Sarah NÉJADI, Dorit PERL, Christine ZIMAMOU- PRIGENT,Perversion – Variations sur un thème, 2018. Catherine COMBASE,Histoire de Psyfa – Psychanalyse et famille, 2018. Radu CLIT,Du trauma à l’écriture, un point de vue sur la création littéraire de Herta Muller, 2018. Claude NACHIN,Abrégé de psychanalyse, 2017. Cléopâtre ATHANASSIOU-POPESCU,L’observation d’un bébé de zéro à deux ans dans sa famille. Commentaire psychanalytique, 2017. Abderrahmane SI MOUSSI et Mira OURARI-SI MOUSSI,La psychothérapie psychanalytique en Algérie, Névrose individuelle et névrose collective,2017. ASSOCIATION LA MAISON VERTE, Prévention, vous avez dit prévention ?, 2017. Dominique WINTREBERT, Georges HABERBERG et Élisabeth LECLERC-RAZAVET (dir.),Rencontres avec la castration maternelle, 2017. Guillemette BALSAN,Temps et mélancolie, Après coup l’adolescence, 2017. Franca MADIONI (dir.),Figures du vide. Psychopathologie et hypermodernité, 2017. Vladimir MARINOV,Le démiurge et le funambule. Brancusi & Giacometti,2017. Michelle MORIN,De la création en art et littérature, 2017. Christiane CHARVET-BERNARD,Une voix s’est tue. Parlons. Le déclin d’une civilisation n’est pas une fatalité, 2017.

Henri M IALOCQ

La hâte, un tempo pour aujourd’hui

Du même auteur Maltraitance en EHPAD. Chroniques de ces petits riens qui nuisent au quotidien, L’Harmattan, 2012. La trajectoire du désir : de Jacques Lacan à Thérèse d’Avila, L’Harmattan, 2015. © L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-15980-5 EAN : 9782343159805

Introduction Se hâter ! Étrange invitation, dans notre monde où tout va déjà si vite. Pourquoi insister sur ce qui apparaît le plus souvent comme une façon de vivre, inappropriée et coûteuse dans une époque caractérisée par la précipitation et la fuite en avant ? Comment penser que la hâte aurait une valeur intrinsèque et opportune dans la temporalité individuelle et sociétale ? Pourquoi se hâter quand tout au contraire inclinerait à prendre le temps de réfléchir, de différer ou de donner du temps au temps pour que les choses et les gens, les décisions et les actes soient mûris, assumés et riches de la responsabilité de l’acteur ? Parce que la hâte n’est pas exclusive de tout cela ; qu’elle endosse les réalités dans leurs temporalités propres ; qu’elle n’évite à aucun moment la responsabilité de l’acteur ; qu’elle s’inscrit en fait dans la reconnaissance de la réalité de la vie et de la mort. La hâte est articulée au sentiment d’urgence qui caractérise en filigrane, de façon latente, mais effective, l’être au monde de tout un chacun. La hâte : une temporalité de l’urgence dans l’existence humaine, liée à la mort. La hâte non comme une fuite en avant, mais comme la reconnaissance de la finitude dans un temps donné, et l’émergence dans le temps qui reste, du « précipité de l’essentiel ». Le temps de la hâte, pour chacun de nous, se vérifie dans l’acte de se décider. Il s’agit pour tout être humain, au moment où il doit prendre des décisions, de les situer dans une durée déterminée, limitée, bordée par différents

7

impératifs. Certes la question de la mort n’y est pas explicite, pour autant celle de la fin, oui. Il y a toujours selon nous dans le « se décider » une dimension d’urgence qui incite à se hâter. La hâte : Vérité du sujet ? Vérité du temps de la vie ? Vérité de ses actes et de ses décisions ? Non pas tant une vérité, mais plutôt une modalité d’ajustement. Une fenêtre en fait dans l’aperception du temps ; subtile, complexe, focalisée sans être exclusive de la noblesse de cette autre forme du temps qu’est la lenteur par exemple. Ce qui fera vérité c’est la question de la mort. Nous prendrons donc le temps, celui qui nous est donné, dans une durée déterminée, qui nous contraint à nous hâter de parcourir l’essentiel de ce que nous avons à vivre et en ce qui concerne notre propos, à dire et à conclure, sans jamais complètement le fermer. La hâte sera le contenu et le tempo de notre propos. Qu’en est-il de la hâte en psychanalyse ? Elle traverse tout autant le contenu de ce qui est dit que la réalité de son dispositif : Une psychanalyse n’est jamais terminée, pour autant elle n’est pas interminable ! Ne s’agit-il pas de se hâter d’en finir avec elle ? Un analysant qui parle de la hâte dira : « Avant je prenais du temps avec mes enfants. Maintenant je travaille ; j’ai moins de temps ; je prends mieux du temps avec eux ; je me sens légitime à me reposer et à être avec eux… et j’ai le sentiment d’une certaine urgence ; tout à l’heure, demain je serai au travail… je dois régler ceci… maintenant… ». On retrouve l’idée de la hâte dans la littérature : « Les veines sont coupées, obturées, travaillées, – Harfung et Virgilio vont vite, mais il semble que la rapidité soit le portant de l’action, qu’à ralentir, leurs mains risqueraient de

8

trembler –, puis, c’est impressionnant le cœur est extrait du corps […] une machine remplace pour deux heures, le cœur de Claire » . Le roman colle au plus près de la réalité pour 1 aller chercher ce tempo qui touche certains moments clefs de la vie humaine. Il y a aussi nombre de témoignages qui racontent combien remettre au lendemain est risqué, parce que demain il sera peut-être trop tard. La bible marque cette caractéristique de la hâte en des moments essentiels de l’histoire du peuple croyant : A propos de la pâque des Hébreux en Egypte : « Mangez-la ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous la mangerezà la hâte; je traverserai le pays d’Egypte cette nuit-là, je frapperai tout premier-né au pays d’Egypte, de l’homme au bétail », (Exode 12, 8-12). Le récit des bergers qui se rendent à la crèche adorer le sauveur nouveau-né : « Allons donc jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. Ils y allèrenten hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans une mangeoire », (Luc 2, 15-16). L’épisode de Zachée, après la dernière annonce de la passion de Jésus, dans l’évangile de Luc : « Quand Jésus arriva à cet endroit, levant les yeux, il lui dit : Zachée descendvite, il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison.ViteZachée descendit et l’accueillit tout joyeux », (Luc 19, 5-6). Ces extraits mettent en exergue combien la hâte caractérise aussi bien leurs modalités que leurs contenus. Les actions restent intrinsèquement liées à l’urgence qu’elles supposent on pourrait dire qu’elles supportent. La hâte est là, selon l’expression de Jean-Philippe Pierron, le temps de « l’imminence de l’éminent » ;elle accentue la vérité de ce qui est vécu ; elle est le tempo de l’histoire humaine.

1 M. de Kérangal,Réparer les vivants, Gallimard, 2014.

9