La maison, lieu de sociabilité, dans les communautés urbaines européennes, de l Antiquité à nos jours
152 pages
Français

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La maison, lieu de sociabilité, dans les communautés urbaines européennes, de l'Antiquité à nos jours , livre ebook

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Description

Ce colloque discute la dichotomie public/privé: la maison n’est pas seulement un lieu d’intimité mais aussi de sociabilité. En procédant d’abord à une généalogie historiographique de ce concept, les intervenants cherchent d’abord à légitimer l’application d’un concept social à une sphère privée : la maison. La réflexion sur « Les espaces de sociabilité » s’inscrit dans un projet plus vaste sur les « usages de la maison », au sein du Pôle des Sciences de la Ville (Paris VII). Le colloque eut lieu en mai 2004, avec le soutien des laboratoires Identités, Cultures, Territoires et Phéacie. Pratiques sociales et conduites ritualisées permettent de définir les structures et les évolutions du lien entre noyau familial, amis et autres.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 août 2006
Nombre de lectures 0
EAN13 9782304054484
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sous la direction de
Florence gherchanoc
La maison, lieu de sociabilité, dans des communautés urbaines européennes, de l’Antiquité à nos jours.
Colloque international de l’Université Paris VII -Denis Diderot, 14-15 mai 2004
Éditions Le Manuscrit Paris


© Éditions Le Manuscrit, 2006
ISBN 13 : 9782304054484 (livre numérique)
ISBN 13 : 9782748176384 (livre imprimé)
introduction


La maison à l’intersection du privé et du public : la sociabilité en question
La « maison » urbaine – au sens de « domus » (demeure, domicile) –, dans laquelle vit une famille, est un lieu de vie autonome (maison individuelle, appartement) dans une unité résidentielle (immeuble collectif, îlot d’habitations). Espace de vie spécifique, elle est souvent considérée comme le domaine privé par excellence, fondement matériel de la famille et pilier de l’ordre social. À ce titre, elle est généralement appréhendée comme lieu d’expression du privé par opposition à l’espace public, comme en témoigne un extrait de la Préface de l’ Histoire de la vie privée :
Nous sommes donc partis de cette évidence que, de tout temps et partout, s’est exprimé dans le vocabulaire le contraste, clairement perçu par le sens commun, qui oppose au public, ouvert à la communauté du peuple et soumis à l’autorité de ses magistrats, le privé. Qu’une aire particulière, nettement délimitée, est assignée à cette part de l’existence que tous les langages disent privée, une zone d’immunité offerte au repli, à la retraite, où chacun peut abandonner les armes et les défenses dont il lui convient d’être muni lorsqu’il se risque dans l’espace public, où l’on se détend, où l’on se met à l’aise, en « négligé », délivré de la carapace d’ostentation qui assure, au dehors, protection. Ce lieu est de familiarité. Il est domestique. C’est aussi celui du secret. Dans le privé se trouve serré ce que l’on possède de plus précieux, qui n’appartient qu’à soi, ce qui ne regarde pas autrui, ce qu’il est interdit de divulguer, de montrer, parce que trop différent de ces apparences que l’honneur exige de sauver en public 1 .
Ce tableau du privé et de l’espace domestique proposé par Georges Duby feint d’ignorer que la notion même de « privé » se construit au xix e siècle en Europe occidentale, tout d’abord « au sein de la société anglo-saxonne, alors à l’avant-garde de l’élaboration d’une culture bourgeoise » 2 , et que celle-ci n’est pas sans poser de problèmes. Il est vrai que la maison et l’espace domestique relèvent par certains aspects du personnel, du repli et du secret etc. Néanmoins, de nombreux travaux d’historiens remettent en question cette dichotomie 3 et élaborent de nouvelles formules qui se veulent plus éclairantes : le « semi-public », le « public dans le privé » ou encore le « privé dans le public » – ce qui montre bien que ni le « privé », ni le « public » ne sont des aires clairement délimitées. Est-ce à dire que le privé n’existe pas ? Sans aller jusque-là, il est somme toute aisé de remarquer que la terminologie employée ne rend pas compte de façon satisfaisante d’un certain nombre de phénomènes, en particulier, en ce qui nous concerne, d’usages et de pratiques festives qui ont pour cadre l’espace domestique et de la capacité d’ouverture de la maison. C’est pourquoi, pour dépasser – sans, pour autant, la rejeter –cette appréhension de l’espace en termes de « privé » et de « public », nous avons jugé plus opérateur de partir du concept de « sociabilité » 4 .
Ce concept est relativement neuf en Histoire. Forgé en 1966 comme objet d’histoire par Maurice Agulhon, il est, depuis, sans cesse reformulé, enrichi et appliqué à de nouvelles catégories, à de nouveaux espaces géographiques et à différentes périodes historiques. Notion élastique et floue, son emploi est plus ou moins limitatif et fonction des contextes auxquels on la soumet. Dans les dictionnaires, la notion de sociabilité recouvre deux emplois. C’est, d’une part, une disposition innée de l’espèce humaine à vivre en société (1665 ; définition reprise au milieu du xviii e siècle). C’est, d’autre part, une aptitude de l’individu à fréquenter agréablement ses semblables (à partir du xviii e siècle) – qualité et trait de caractère qui caractérisent l’homme sociable (celui avec lequel il est aisé de vivre) 5 . Comme le remarque M. Agulhon, ces deux définitions, ainsi formulées, ne correspondent pas à des catégories historiques : « l’une [est] trop large et l’autre trop étroite. Les objets de l’histoire sont dans l’entre-deux, au-delà de l’individu singulier et en deçà de l’espèce […]. Cependant, […] l’application du mot « sociabilité » à des groupements humains est à peu près aussi ancienne que le mot lui-même » 6 . Dès le xvii e siècle, le terme « sociabilité » sert à qualifier un trait de psychologie collective. Au xviii e siècle, il est employé pour désigner une catégorie philosophique ; la « sociabilité » est synonyme d’« humanité » et de « civilisation » et liée à une idée de progrès s’appliquant à l’espèce humaine. Il faut attendre le xx e siècle pour que cette notion devienne une catégorie historique appliquée à un groupement (domaine) plus restreint et aux contours précis, comme les associations – auxquelles déjà tout le xix e siècle a porté un intérêt marqué –, afin « de dégager les institutions ou les formes de sociabilité spécifiques et d’en faire l’étude concrète » 7 . Ainsi, la densité et la vitalité des groupes organisés, quels qu’ils fussent d’ailleurs, sont censées exprimer au plus haut degré l’aptitude générale d’une population à vivre intensément les relations publiques (sociabilité) 8 .
La notion de « sociabilité », ainsi désignée, comprise hors du cadre de la famille et en dehors des pouvoirs établis, mais dans le domaine public, rénove le vocabulaire et la littérature historiques. Dès 1967, E. Le Roy Ladurie l’admet dans l’ Histoire du Languedoc 9 , et bien d’autres après lui. Par opposition à la « Grande Histoire académique », qui délimitait ses champs de recherche et ses domaines d’études (la religion, la politique, l’économie, la Révolution), naît une histoire qui se veut totalisante et décloisonnée. Aussi, progressivement, le mot « sociabilité » est-il récupéré par les historiens des mentalités pour désigner les formes élémentaires de la vie collective. Il se substitue aux expressions « vie quotidienne », « civilisation » et « histoire des mœurs » – des registres, néanmoins, trop vastes pour appréhender la sociabilité. De ce fait, c’est dans la perspective tracée par M. Agulhon après Max Weber 10 qu’est organisée, à Rouen à partir de 1983, une série de colloques sur le thème de la sociabilité par le GRHIS (Groupe de recherche en histoire) et l’ARS (Association de recherche sur la sociabilité). Le premier, en novembre 1983, est intitulé Sociabilité, Pouvoirs et Société . Il s’attache à dégager les modalités d’utilisation du concept de sociabilité en histoire au regard des contextes considérés, des époques et des aires géographiques ; il définit des lieux et des gestes ritualisés propres à l’homme sociable en Europe de l’Antiquité au xx e siècle 11 . Ainsi, une structure de sociabilité est un groupement permanent ou temporaire, quel que soit son degré d’institutionnalisation, auquel on décide de participer, et au sein duquel les pratiques collectives sont l’expression même de la sociabilité – la « convivialité » étant une des manifestations de la sociabilité 12 . Dans ces structures émergent des relations sociales de type public, en particulier des relations de pouvoir qui sont analysées dans leur rapport à la société globale. En 1987, un autre colloque s’intéresse à la sociabilité en liaison avec la notion de parenté suivant trois axes : « Cité des pères, cité des frères », « Sortir de la famille » et « Stratégies familiales et sociabilité » 13 . Il en ressort que l’espace de sociabilité se dessine comme « un domaine intermédiaire entre le pôle familial et la sphère politique, [un] espace de rencontre et de construction de liens sociaux, lieu d’élaboration et d’apprentissage de rôles et de comportements socio-politiques au-delà des rôles familiaux […]. Dans cet entre-deux, entre famille et cité, se substituant aux structures de parenté ou relayant les stratégies familiales, les relations de sociabilité donnent à leur tour accès à la puissance ». La référence à la parenté est concevable comme modèle de sociabilité, mais de sociabilité primaire, modèle explicatif de la constitution d’espaces de sociabilité. « Structures de parenté et modèles familiaux ont largement permis de penser, dire et vivre la cité conçue comme une grande famille ». Néanmoins, « l’espace de sociabilité est le lieu d’apprentissage de relations autres, même si elles recouvrent parfois encore la nomenclature de la parenté. La substitution de relations de sociabilité aux structures de parenté déficientes, révolues ou reniées, débouche dans le réel ou l’imaginaire, sur de nouvelles formes de vie ensemble ». En outre, « stratégies familiales et sociabilité interfèrent ou rivalisent, lorsqu’il s’agit de conquérir le pouvoir ou de maintenir la puissance. Et, quand des stratégies de sociabilité relaient ou remplacent les stratégies familiales, de nouveaux rôles, d’autres comportements s’élaborent qui, modifiant la vie publique et familiale, transforment la société » 14 . L’« objet d’histoire sociabilité » s’est précisé. De la densité et de la vitalité des groupes organisés (associations) aux pratiques collectives ritualisées, aux rythmes et espaces de sociabilité, à la parenté comme modèle des relations de sociabilité, les recherches s’orientent en 1990 vers la sociabilité à table – à savoir, l’étude des pratiques alimentaires, des comportements et manières de manger dans un cadre plus large que celui de la famille et de l’espace domestique 15 . Dès lors, la sociabilité caractérise l’aptitude et l’art de vivre ensemble. « Elle implique la convivialité et l’ensem

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