Les mythes, miroirs de nos sociétés
128 pages
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Les mythes, miroirs de nos sociétés , livre ebook

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Description

Le matriarcat des Amazones, la boîte de Pandore, l’héroïsme de Thésée ou les amours lesbiennes d’Artémis… La mythologie gréco-romaine est une source inépuisable de récits exceptionnels qui renferment des éléments de lecture pour repenser notre propre société. En effet, la manière dont ces mythes ont été créés, racontés et transmis à travers les âges, véhicule des stéréotypes qui s’ancrent - entre autres - dans les cultures du viol, de l’inceste, de la virilité encensée ou du sexisme décomplexé, qui caractérisent encore notre époque contemporaine.

Activiste féministe sur les réseaux sociaux à travers son compte @cestquoicetteinsulte, et autrice, Laetitia Abad Estieu s’attaque à treize mythes pour en donner sa propre réécriture, résolument inclusive, resituer les messages qu’ils transmettent dans le contexte de leur époque, et en tirer de nouveaux enseignements.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 novembre 2022
Nombre de lectures 13
EAN13 9782317033452
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les mythes, miroirs de nos sociétés
Treize légendes sous un nouveau regard
Laetitia Abad Estieu • Illustrations de Lucie Louxor
Sommaire Introduction Pandore Aux origines de la misogynie Thésée Le concept dévastateur de virilité Hippodamie Une culture de l’inceste Penthésilée Le fantasme du matriarcat Arachné La libération de la parole Leucippe La question du genre Britomartis L’épanouissement par l’adelphité Artémis & Callisto Calaïs & Orphée L’indéfinissable sexualité antique Hélène La femme parfaite n’est qu’un bel objet Cassandre Une histoire de la folie Déméter & Perséphone Révoltes & révolutions Échidna & Typhon Qui sont les monstres ? Remerciements Notes Page de copyright
Points de repère Couverture Page de Titre Page de Copyright Corps de texte

Introduction
En 1976, paraissait le livre Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim. Dans cet ouvrage, l’auteur tentait de démontrer que les contes ne sont pas de simples histoires, mais bien des manuels de survie pour les enfants, une manière de leur expliquer le monde à travers des histoires imaginaires. Je n’étais qu’une adolescente quand je suis tombée sur son livre et, malgré le fait que je n’étais pas du tout sensible, voire que j’étais opposée, aux thèses psychanalytiques qu’il développait, j’avais été profondément secouée par cette idée : les histoires pour enfants n’étaient peut-être pas si innocentes que ça.
Les mythologies grecque et romaine sont souvent la porte d’entrée qu’utilisent les enseignant·es de langues anciennes pour intéresser leurs élèves à leur matière. Moi-même, j’ai tout de suite été passionnée par ces histoires de divinités aux caractères bien différents du Dieu des religions monothéistes. Zeus multipliait les « conquêtes » (en réalité, des viols), Héra était profondément jalouse, Artémis refusait le mariage, Héphaïstos, malgré sa « laideur » (un simple boitement dû à une chute du haut de l’Olympe) avait épousé Aphrodite, la plus belle des déesses… Chaque mythe avait ses propres péripéties, tout en s’inscrivant dans un arc narratif plus important. Au final, la mythologie était, pour moi, l’équivalent d’une bonne série TV et je m’attachai vraiment à ses personnages.
Il faut dire que, pour des récits si anciens, la parité est clairement respectée : sur l’Olympe, la moitié des divinités sont des femmes, et leurs pouvoirs, leur caractère, leur vie captivent autant que celles des hommes. Même en dehors de mes cours de langues dites « mortes », je me passionnais donc pour les récits mytho­logiques, en arrivant à vouloir apprendre par cœur les généalogies de chaque déesse ou dieu.
C’est alors que je découvris qu’au contraire de Buffy contre les vampires , la série mythologique n’était pas l’œuvre d’une seule main. Des dizaines d’auteurs avaient chacun réécrit sa version des mythes, changeant les parents de tel dieu, les enfants de telle déesse, les circonstances de leur mort, ou même, oubliant leur existence. C’est ainsi que s’inscrivit en moi l’idée que chacun de ces auteurs transformait ces mythes en fonction de ce qu’il souhaitait y exprimer.
Devenue adulte, j’ai découvert les mouvements antispécistes 1 et féministes, qui ont totalement transformé mon rapport au monde. Ce processus de déconstruction de mon regard sur moi-même et sur la société dans laquelle nous vivons ne consiste pas seulement à cesser de consommer des animaux ou de réclamer la parité des salaires, mais bien de réfléchir à la manière dont notre monde a été façonné pour qu’un groupe qui n’est pourtant pas majoritaire (celui des hommes, cisgenres, blancs, hétérosexuels et valides), en devienne le principal décideur, créant, de toutes pièces, une pyramide de privilèges et de discriminations, pour pouvoir la dominer. Ce système n’est pas récent, il est même né il y a plusieurs millénaires, et il a eu un rayonnement considérable pendant les nombreux siècles de l’Antiquité, notamment en Grèce : le patriarcat, une forme d’organisation sociale, politique, culturelle, juridique, où les hommes cisgenres détiennent l’autorité, à l’exclusion de tous les autres genres, y était ainsi déjà profondément ancré.
À cette époque, les femmes (du moins celles qui disposaient du statut de personne libre et n’étaient donc pas esclaves) restaient majoritairement enfer­mées chez elles et n’avaient pas le statut de personnes majeures. Seuls les hommes (libres, également) avaient le droit de participer à la vie politique de la cité, femmes, enfants, étrangers et esclaves n’étant que des ombres sans droits, malgré leur travail absolument nécessaire à la survie de cette société. Et c’est bien ce patriarcat grec, foncièrement injuste, qui a produit la mythologie.
Car, il faut le rappeler, les mythes ne sortent pas d’un inconscient collectif, ils ne sont pas tombés d’une montagne : ce sont les récits d’auteurs antiques – presque exclusivement des hommes libres et de bonne famille –, qui ont été écrits à une époque donnée, pour faire passer, consciemment ou non, un message sur le monde et ses dynamiques. Tout comme les contes de fées, les mythes n’ont rien d’innocent. Si, à l’époque antique, l’idée que Zeus « enlève » (un terme qui traduit le viol) un nombre incalculable d’humaines, de nymphes ou de déesses, semblait peut-être un détail, une simple preuve que le dieu suprême avait des appétits sexuels à la hauteur de son statut, la lecture de ces viols répétés est, de nos jours, révoltante. Pourtant, on s’amuse toujours de ses « conquêtes » – qui sont des crimes sexuels – et on continue d’utiliser des mots qui ne traduisent pas la réalité. Et, si le terme viol n’existait pas en Grèce antique, il existe aujourd’hui, et c’est bien ce que commettent dieux et héros à longueur de mythes.
En tant que femme et féministe, ma redécouverte de ces histoires avec un regard moins naïf a été un vrai choc. Sous mes yeux, s’ali­gnaient des pages et des pages des pires dynamiques patriarcales : les femmes ne sont que des objets de désir, les héros sont des stéréotypes de ce que la performance de la masculinité produit de pire, viols et inceste sont partout. Lire la mytho­logie écrite par des hommes lorsqu’on est une femme ou une minorité de genre, féministe ou non, est d’une violence crue. Et pourtant… Et pourtant, certains de ces mythes contiennent des lueurs d’espoir, des preuves qu’un autre monde existe, des indices ténus d’une société sans patriarcat, et c’est ce que je vous proposerai aussi de découvrir.
Dans cet ouvrage, vous découvrirez treize mythes qui illustrent, selon moi, une facette de notre société, une dynamique dont nous devrions prendre conscience et que nous devrions repenser. Je n’ai cependant pas laissé ces histoires telles quelles : je les ai réécrites en choisissant mes mots pour qu’ils correspondent à mon regard féministe et à ma volonté d’inclusivité. Nul blasphème ici : la mythologie antique a elle-même été sans cesse réinventée et de nos jours encore, des autrices (telle Madeline Miller et ses réécritures des mythes d’Achille ou de Circé) continuent ce travail de réécriture. C’est dans leurs pas que j’espère marcher.
À la suite de ces histoires – parfois difficiles, il faudra vous y pré­parer – j’ai voulu remettre en contexte le mythe originel : qui l’a écrit, quand et dans quel type de société. Ainsi, je me propose de démystifier les mythes en rappelant qu’ils sont le résultat des écrits d’un type particulier de personne. Puis, je m’attache à développer le sujet de société relatif au mythe en question : comment traitait-on le sujet à l’époque ? Était-ce un vrai sujet en soi ? De nos jours, voyons-nous les choses différemment ? La façon dont ces auteurs présentaient ce sujet a-t-il influé sur nos sociétés actuelles ? Culture du viol, misogynie, inceste ou masculinité exacerbée, il y a de nombreuses choses à dire sur les messages cachés que nous transmettent ces mythes, et j’espère que vous ressortirez de la lecture de cet ouvrage avec les clés pour décoder les prochaines histoires de divinités que vous rencontrerez.
Tout n’est pourtant pas à jeter dans cette mythologie qui a bercé la jeunesse de nombre d’entre nous, et j’ai choisi d’insérer des récits de sororité, de résilience et de belles histoires d’amour, qui permettront d’apprécier la possibilité que certains de ces mythes puissent nous toucher, malgré leur archaïsme. Vous verrez ainsi qu’Arachné et sa toile ne sont pas si loin de nos comptes féministes en ligne…
Je veux croire qu’à la lecture de cet ouvrage, vous ressentirez de la colère, mais surtout de l’espoir et l’envie de tout changer (pour le mieux) que j’ai moi-même ressentie pendant son écriture. S’il nous faut être capables de relire nos mythes en comprenant d’où ils viennent et qui les a écrits, c’est aussi parce que nous pouvons ainsi les aimer sans qu’ils nous dupent. Nous pouvons choisir de continuer à apprécier ce qui n’est pas parfait, pour la beauté de l’art et de l’histoire. J’espère aussi que cela vous donnera l’envie, peut-être, d’écrire vos propres mythes, car si les auteurs grecs antiques ont pu, si cruellement parfois, influencer nos quotidiens avec quelques lignes écrites il y a des millénaires, imaginez ce que nous pourrions réaliser en exprimant nos convictions et nos rêves de sociétés idéales, sans peur et sans jugement. Pas besoin de publier de livres pour cela, seulement quelques lignes sur Internet, une conversation autour d’un café ou d’un dîner, suffisent parfois à planter les graines d’arbres millénaires qui porteront sur leurs branches des générations futures bienveillantes et éveillées.
Pandore
- D’après Théogonie et Les Travaux et les Jours d’Hésiode -
Le coup de tonnerre assourdissant, qui avait ébranlé la salle jusqu’à en faire vaciller ses colonnes de marbre, avait déjà clairement annoncé son arrivée, mais lorsque Zeus entra quelques instants plus tard, barbe et cheveux vibrants comme autant d’éclairs, l’assemblée divine fut terrifiée. Cela faisait une éternité que le dieu suprême n’était pas entré dans une telle fureur, e

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