Naître à l autisme
107 pages
Français

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Naître à l'autisme , livre ebook

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Description

Sitôt la naissance d'un troisième enfant qu'elle n'avait pas désiré, la mère détourna son regard du nourrisson, forçant le regard de celui-ci à faire retour sur lui-même. A la relation fusionnelle s'opposa une "relation fissionnelle" marquée de froideur affective. Mère et nourrisson se portèrent un regard mutuellement absent, un désintérêt et une indifférence réciproques générant un trouble autistique chez l'enfant livré à ses angoisses psychotiques. Cet ouvrage livre le témoignage du propre autisme infantile vécu par l'auteur rapportant l'inquiétante étrangeté d'un vécu personnel, vu et décrit de l'intérieur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 janvier 2010
Nombre de lectures 285
EAN13 9782296931381
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0474€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Naître à l'autisme
 
L'enfant refusé
Jane Murano
 
 
Naître à l'autisme
 
L'enfant refusé
 
 
RÉCIT
 
L’H ARMATTAN
   
 
© L'HARMATTAN, 2009
5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattanl@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-10691-8
EAN : 978229609106918
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
« Je n'avais pas le droit d'exister.
J'étais apparu par hasard, j'existais
comme une pierre, une plante, un
microbe. » La Nausée J.P Sartre
 
Introduction
 
 
Alors moi-même mère de quatre enfants, une ancienne amie de lycée m'invite à boire le café chez elle pour me présenter le deuxième enfant qu'elle vient tout juste de mettre au monde.
« C'est encore un garçon » me dit-elle sur un ton à la fois ironique et de cruelle déception.
Pour son mari qui avait déjà eu deux garçons d'un précédent mariage, après lui avoir donné elle-même un troisième fils, dont la couleur des yeux bleus d'une extraordinaire beauté était sa fierté, elle avait rêvé lui donner enfin une fille.
Cuisant échec personnel pour cette amie au narcissisme exacerbé, lequel en prit un sérieux coup.
Pendant que nous prenions le café au salon, j'entendis très faiblement le nourrisson appeler à bas bruit.
Je dis à mon amie « le bébé a appelé ».
« Mais non » me dit-elle sur un ton agacé.
J'insiste...
Nous allons voir le bébé ensemble dans sa chambre aux volets clos pour la sieste, volets que la mère n'ouvre pas, opérant le change du nourrisson dans la pénombre à la lumière électrique.
L'observation de l'attitude de cette mère vis-à-vis de son nourrisson, me disant tout en le manipulant sans égard et sans soin, sans regard ni douceur « T'as vu, il a les yeux couleur merde », de même que l'observation du comportement passif, inexpressif et mou du nouveau-né fuyant le regard maternel, générèrent un profond malaise sur le coup, provoquant dans l'après-coup réactivation d'un vécu traumatique, reviviscences de soins maternels maltraitants amenant à 20 ans de travail analytique dont le présent récit rend compte du résultat ; compte-rendu supervisé par quatre psychiatres qui, l'ayant jugé utile, m'ont incitée à le rendre publiable.
 
I
 
 
C'est la nuit.
Je suis à l'angle du toit d'une maison, près d'une lucarne, debout et au bout d'une étroite plate-forme à droite de laquelle un vide ne permet plus l'accès aux toits voisins. J'enjambe périlleusement ce vide et me retrouve sur un autre toit.
Là, je passe par la cheminée et tombe dans des tuyaux descendants et tournants Je glisse inexorablement de plus en plus vite, affolée de ne pouvoir freiner la glissade. A un moment, le conduit se rétrécit. Il fait un coude entravant la descente. Le passage est difficile. Je suis un peu coincée. J'ai du mal à me faufiler. Je dois ramper en m'écrasant (ça me fait penser à la spéléo). J'ai l'impression de passer à travers un vide-ordures tant le passage est étroit. Tout à coup, je suis projetée en avant (impression qu'on a brusquement ouvert les vannes d'un égout).
J'arrive dans la cuisine d'une maison qui n'est pas la mienne. Tout le monde dort. Je sais que je suis entrée par effraction et que je suis là, clandestinement.
Je traverse cette maison sans faire de bruit et vais me cacher derrière la porte d'entrée, retenant mon souffle, terrorisée de peur que quelqu'un ne m'y découvre et me demande « qu'est-ce que tu fais là ? ».
Après ce rêve d'angoisse venant raviver sous cette forme-là le souvenir d'une traumatique naissance indésirée, je fis un autre rêve quelques jours après avoir pris connaissance de la notion de « bon sein » et de « mauvais sein » chez Mélanie Klein dont l'effet produisit instantanément, en même temps qu'une violente détonation, un profond dégoût pour le sein maternel.
 
Voici ce rêve :
J'introduisais en les agitant très violemment mes deux mains ensemble dans la bouche de mon conjoint (paisiblement endormi à côté de moi) en même temps que résonnaient ces mots de terreur : « pas dedans, pas de dents ! » ; « pas de dents, pas dedans ! ».
A mon réveil, je parlais de ce rêve à mon mari avec l'angoisse profonde que mon geste pût avoir été réellement effectué, l'agressant de la sorte en pleine nuit. Mon mari me rassura, mais je conservais tout de même l'impression très forte d'avoir plutôt réellement vécu la chose que de l'avoir rêvée.
 
Ce rêve d'angoisse avait ravivé sous cette forme-là le souvenir traumatique de l'allaitement maternel ; souvenir du sein intempestif et rageur, sein invasif et intrusif, sein enfoncé de force jusqu'à la garde ayant eu pour effet de faire vomir le nouveau-né plutôt que le nourrir.
 
II
 
 
Derrière un frère aîné à peine âgé de deux ans et demi et une sœur âgée de sept mois seulement, je m'annonçais à l'état embryonnaire ; troisième enfant qui n'eut pas le temps d'être désirée.
Contrainte par l'interdit religieux et surtout par crainte du châtiment, la mère très catholique et fort pratiquante fut forcée de mener sa grossesse indésirable jusqu'à son terme, au terme duquel, mission accomplie devant Dieu d'avoir donné la vie, elle expulsa enfin l'indésiré rejeton.
Sitôt ma naissance, il ne fut donc pas question de classique « relation fusionnelle duelle mère-enfant » mais de relation fissionnelle duelle opposant mère et nourrisson.
Forcée que fût ma mère de ne pas interrompre sa grossesse, forcée qu'elle fût de me mettre au monde, de même que forcée de me donner les soins élémentaires ; je fus de mon côté forcée de quitter mon placenta, forcée également de subir les soins maternels, soins donnés sans soin, sans douceur ni regard, sans égard ni respect par une mère agacée, agressive et pour tout dire par une mère maltraitante.
Bien qu'il ne fût conservé aucun souvenir conscient de ces soins maltraitants, longue est la liste des traces qu'ils laissèrent.
Il résulta notamment de la trace laissée par la maltraitance des soins corporels que je maltraitais moi-même mon propre corps.
Je ne savais pas prendre une douche autrement que courbée en arc de cercle, autrement que recroquevillée sur moi-même. Je ne savais pas savonner mon corps autrement que rageusement, pressée et nerveuse. Je ne savais pas me brosser les dents, non plus, autrement que dans la position cassée en deux et non pas droite, autrement que tête plongée la première dans le lavabo et non pas debout face au miroir.
Il résulta de la trace laissée par la maltraitance des soins nourriciers que je ne savais pas me brosser les dents autrement que rageusement, pressée et nerveuse ; l'effet étant de provoquer, en retour, des haut-le-cœur parfois accompagnés de vomissements, réitérant les semblables haut-le-cœur et vomissements provoqués par le sein maternel enfoncé rageusement dans la bouche du nouveau-né par une mère agacée, pressée et nerveuse.
Le moment de la toilette, du combat, était un moment si redouté que je le repoussais toujours au plus tard possible. Le moment de manger, aussi, était un moment redouté que j'évitais phobiquement. Je préférais rester à jeun du lever au dîner (en famille) que d'avoir à être confrontée (seule) à la nourriture. Je préférais ne pas me nourrir du tout que d'avoir à ouvrir la bouche, évitant de la sorte la phobie qu'elle fût (comme lorsque j'étais nourrisson) totalement dépourvue de dents ou que, adulte, je pusse les perdre en mangeant, perdant de facto toute défense contre toute intrusion.
Le souvenir archaïque de la terreur d'avoir la bouche contrainte par le sein maternel de s'ouvrir de f

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