Nous ne sommes pas des bonobos : Créateurs et créatures
110 pages
Français

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Description

Le langage fait de nous tous, êtres humains, des créateurs, et non des créatures, en privilégiant l’audace de la pensée contre la banalité de l’évidence. Il invite nos enfants à la conquête, et non à la triste imitation. Il nous élève vers une spiritualité lucide en repoussant la soumission servile. Il nous incite à franchir les fossés, à accepter les différences. Il diffère la violence et déjoue la manipulation. Il nous exhorte à regarder vers le haut, même et surtout s’il n’y a personne… Bref, le langage est ce bien précieux, que nous devons chérir et protéger, et qui nous distingue fondamentalement de toutes les autres espèces animales. Parler, lire et écrire ne sont pas des activités parmi d’autres, mais ce qui constitue notre singularité fondamentale dans tout le règne du vivant. Tout ce que vous avez voulu savoir sur le langage sans jamais oser le demander ! Alain Bentolila est professeur de linguistique à l’Université de Paris. Ses recherches l’ont conduit de la description des langues de tradition orale à l’analyse de l’apprentissage du langage et de la lecture. Il est l’auteur de nombreux ouvrages qui ont été de grands succès, parmi lesquels Le Verbe contre la barbarie, Parle à ceux que tu n’aimes pas ou encore Tout sur l’école.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 mars 2021
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738155085
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , AVRIL  2021
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5508-5
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Avant-propos

De la sauvegarde des langues minorées, interdites d’écriture, au combat contre la précarité linguistique programmée dès l’enfance, ma seule ambition aura été tout au long de ma carrière professionnelle de servir la cause du verbe en le plaçant au centre exact de l’humanisme. Ce livre est l’aboutissement d’un engagement constant et d’une longue réflexion. Je l’ai porté en moi durant des années avant d’oser vous l’offrir. Il a pour ambition de vous dire tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le langage, sans avoir jamais osé le demander… Parmi les questions que vous vous posez, j’ai choisi, dans cet avant-propos, de répondre succinctement aux plus essentielles, comme autant de promesses d’un plaisir de lecture partagé.
 
Le langage humain est-il comparable aux instruments de communication utilisés par les autres espèces animales ? Il existe un écart irréductible entre la communication animale et le langage humain. Quel que soit le dressage auquel on les soumettra, quel que soit le code qu’on leur inculquera, les animaux se contentent de communiquer le reflet le plus fidèle et le plus immédiat de la réalité qu’ils perçoivent. La communication animale, dont il n’est aucunement question de nier l’existence, se limite à transmettre ce qui est vu, entendu, senti ou voulu. Les abeilles, comme les grands singes, n’ont ni l’ambition ni les moyens d’évoquer un monde dont leurs sens n’attestent pas, immédiatement et directement, l’existence. En d’autres termes, ce que l’on appelle improprement « langage animal » n’est en fait qu’un instrument qui peut certes désigner, indiquer, avertir ou exiger, mais qui en aucun cas n’a ce pouvoir propre à l’humain de « créer » un monde. C’est le langage qui distingue et élève les hommes.
 
Le langage est-il un don de Dieu ? Un heureux hasard de l’évolution ? Aucune de ces deux hypothèses ne rend compte de la complexité et des ambitions du verbe. Je ne crois pas que le verbe soit « tombé sur les épaules des hommes », comme une révélation. De même, je me refuse à réduire cette formidable conquête humaine à la seule évolution des capacités neuronales de notre espèce. Le langage a commencé à l’aube de la bataille engagée par notre espèce pour dépasser les contraintes de l’espace et du temps : être ici et dire l’ailleurs, être maintenant et dire demain, hier ou… peut-être. Les intelligences singulières des hommes, réunies et exaltées par un langage commun, n’ont eu de cesse que de défaire, nœud après nœud, l’entremêlement mystérieux de la genèse et de la cohérence du monde.
 
Le langage est-il inné ? La théorie de l’innéisme suppose que les structures du langage sont présentes dès la naissance, prêtes à éclore dans l’eau tiède du bain linguistique. Elle minore l’effort et le désir d’apprendre, elle efface l’importance du soin apporté pour accompagner et guider cet apprentissage. À la voie quasi mystique de l’innéisme, j’oppose, pour ma part, mon émerveillement devant l’intelligence des petits « découvreurs » que sont tous les enfants. Leur étonnante puissance d’analyse, leur capacité surprenante de découvrir et d’appliquer les règles s’expliquent par leur volonté d’accroître leur pouvoir sur les autres et sur le monde. À ces petits enfants, des médiateurs bienveillants et exigeants ont à dévoiler les défis et les promesses du langage, tout autant qu’ils doivent leur fournir un corpus de qualité dont ils repéreront la régularité des règles et des mécanismes. On n’apprend pas le langage en grandissant ; en revanche, on apprend le langage pour grandir.
 
Le langage s’acquiert-il par simple imitation ? Créateur bien plus qu’imitateur, découvreur plutôt que suiveur, un enfant « construit » progressivement une langue dont il reconnaît les régularités et comprend les fonctions qu’elle doit remplir. S’il se contentait de reproduire mot après mot la parole de l’adulte, une vie entière ne suffirait pas pour maîtriser cet outil. Balbutiant ses premiers mots, il reprend à son compte et à son échelle le projet des premiers hommes d’imposer par le verbe leur pensée au monde. Il met ses pas dans ceux de ses ancêtres, avec la même ambition de nommer le monde, de tenir sur lui des propos et de les partager aussi précisément que possible. Ce sont les mêmes impasses dont il s’échappe, les mêmes ambitions qui le portent. En somme, un enfant conquiert le langage en reproduisant, en quelques années, le long parcours des premiers hommes constructeurs du langage.
 
Écrire sert-il uniquement à compter les moutons ?  Ce qui nous distingue des grands singes bonobos, c’est notre conscience d’être et, en même temps, notre certitude de devoir un jour n’être plus. C’est cette douloureuse lucidité qui a conduit l’homme à tenter de confier à un autre loin de lui, dans l’espace et encore plus dans le temps, une trace de sa propre intelligence. C’est l’espoir de la spiritualité qui a suscité la création de l’écriture, pas seulement le trivial comptage du bétail. Cette création a certes été tardive, quelques milliers d’années seulement, mais elle a été décisive, révélant à la fois la conscience de ce qui fait la fragilité de la condition humaine et la volonté de la dépasser. Si cet appel à l’écriture a résonné si tard dans l’histoire de l’humanité, alors que la construction du langage était depuis longtemps engagée, c’est sans doute parce qu’il a fallu du temps pour que le besoin d’élévation spirituelle se manifeste au sein d’une intelligence collective osant regarder la mort en face.
 
Lire, mais pour quoi faire ? Ce n’est pas parce qu’on sait déchiffrer laborieusement un texte que, pour autant, on en domine le sens. Ce n’est pas non plus parce qu’on est capable d’aligner sur un écran quelques bribes de mots que l’on peut exprimer une pensée rigoureuse. Lire, c’est construire son propre sens à partir des mots d’un autre et savoir défendre ce sens singulier avec ses propres mots. Cela suppose que l’on ait appris à équilibrer le droit d’interpréter librement un texte avec le devoir d’en respecter les conventions et l’organisation. Si l’on veut assurer la capacité de questionnement et d’interprétation de tous les enfants, il faut inscrire la capacité de comprendre avec justesse et de se faire comprendre avec précision au cœur de l’apprentissage et de l’usage de l’écrit.
 
Une langue n’est-elle qu’un ensemble de règles pour piéger les enfants ? En fait, les conventions arbitraires de chaque langue garantissent un dialogue fertile et construisent notre intelligence collective. Les hommes ont besoin, sans danger d’ambiguïté, de pouvoir s’interroger ensemble, de confronter leurs hypothèses, de construire des conclusions provisoires ou de les remettre en cause. Pour cela, ils ont besoin de pouvoir exprimer avec précision ce qu’ils pensent et en défendre sereinement la pertinence. Ce dialogue fécond n’est possible que parce qu’ils se sont mis d’accord sur des conventions linguistiques non négociables. Les règles combinatoires des sons qui distinguent les formes respectives des mots, les règles grammaticales qui organisent les phrases, les règles argumentatives qui donnent leur logique aux discours et aux textes ont été décidées collectivement, par chaque communauté linguistique, dans un seul but : permettre aux « parlants » de tisser lucidement leurs intelligences ensemble.
 
La grammaire muselle-t-elle la liberté d’expression ? Un jeune enfant doit comprendre qu’entre le conformisme d’un monde où ce sont toujours les loups qui mangent les chèvres et le pouvoir de la grammaire qui octroie à la chèvre le rôle de prédateur et impose au loup celui de victime, c’est toujours la loi linguistique qui l’emporte. La victoire de la grammaire, c’est aussi la victoire d’une jeune intelligence qui refuse la soumission. C’est la grammaire qui fait passer l’homme du statut de créature à celui de créateur. C’est elle, par exemple, qui permet contre l’apparente évidence de formuler la vérité scientifique ; c’est elle aussi qui ose dire l’étrange et l’inattendu de la poésie contre la banalité du quotidien.
 
L’orthographe française est-elle inutile (ou cruelle) ? Autant on peut juger utile de corriger certaines incohérences d’orthographe d’usage (« honneur », mais « honorable »), héritées des erreurs de quelques clercs égarés, autant il faut refuser que soient négligées les règles des accords nominaux et verbaux, car cela toucherait à la logique de la pensée. L’orthographe garantit la cohérence de nos phrases et porte l’histoire de notre langue. Grâce à elle, la langue française ne renie pas ses parents, elle leur rend régulièrement hommage, rappelant, par exemple, que l’hippopotame est le « cheval du fleuve ».
 
La langue française serait-elle sexiste ? J’ai personnellement une conscience aiguë du caractère inadmissible de la discrimination sexuelle. Je trouve absolument insupportable qu’elle sévisse encore aujourd’hui dans la vie politique, professionnelle ou familiale. Mais choisir le terrain linguistique pour mener cette bataille nécessaire, en mélangeant règle grammaticale et symbole social, c’est confondre les luttes sociales et le badinage de plateau de télévision. C’est surtout fai

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