Pour une nouvelle psychiatrie : Propositions
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Description

Pénurie de psychiatres, mécontentement des soignants, recherche clinique en berne, augmentation de la prévalence des troubles, parcours de soins douloureux, patients sacrifiés et familles en détresse, la psychiatrie est proche du point de rupture. Au-delà de l’état des lieux et du manque de moyens, de quelle psychiatrie rêvons-nous pour demain ? Quelles sont les innovations prometteuses ? Entourés des meilleurs experts – des psychiatres, mais aussi des chercheurs, une épidémiologiste, un directeur du Programme de santé mentale de l’OMS, un procureur général –, Patrick Lemoine et Boris Cyrulnik débattent de questions incontournables aujourd’hui : la prévention des troubles chez les enfants et les adolescents, les psychotropes prescrits à outrance, le remboursement des psychologues, la reconnaissance de la psychiatrie en tant que discipline carrefour, la nécessité de s’ouvrir à d’autres approches, même celles dites « alternatives ». Il est temps de faire de la psychiatrie une vraie priorité, mais aussi de la refonder et de la renouveler. Patrick Lemoine est psychiatre. Spécialiste du sommeil, docteur en neurosciences, professeur associé à l’Université de Pékin, il a publié plus d’une trentaine d’ouvrages, parmi lesquels La Santé psychique des génies, Docteur, j’ai mal à mon sommeil, La Santé psychique de ceux qui ont fait le monde. Boris Cyrulnik est neuropsychiatre, directeur d’enseignement à l’université de Toulon et professeur à l’Université de Mons en Belgique. Il est l’auteur de très nombreux ouvrages qui ont tous été d’immenses succès, parmi lesquels, tout récemment, Le Laboureur et les Mangeurs de vent. Contributions de : François Ansermet, Frank Bellivier, Philippe Courtet, Bruno Falissard, Vivianne Kovess-Masfety, Michel Lejoyeux, Jean-Arthur Micoulaud Franchi, Norman Sartorius, Sylvie Tordjman, Jean-Olivier Viout 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 avril 2023
Nombre de lectures 2
EAN13 9782415005238
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB, AVRIL 2023
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-4150-0523-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Composition numérique réalisée par Facompo
Introduction

Les deux premiers tomes de notre trilogie, La Folle Histoire des idées folles en psychiatrie et Histoire de la folie avant la psychiatrie , étaient principalement consacrés au passé de notre spécialité médicale, laquelle est par nature dédiée à la compréhension, au diagnostic, à la prévention et au traitement des maladies mentales. C’est donc de l’avenir dont il va ici être question, en se fondant sur l’état des lieux psychiatrique du pays. Les meilleurs experts – chacun dans son domaine – ont été invités à réfléchir au futur de leur pratique. Et à livrer le produit de leur réflexion. Entre psychanalyse et thérapies cognitives et comportementales, biologie et pratique d’expert auprès des tribunaux, épidémiologie et politique de santé, pédopsychiatrie et troubles du sommeil, sémiologie et psychopharmacologie, tous les domaines auront été explorés.
Alors, où en est la psychiatrie dans notre pays et dans le monde ? Force est de constater qu’à part des exceptions notables, le niveau des publications en France n’est plus ce qu’il était. La recherche clinique est quasiment en panne.
Le mécontentement des soignants est à l’opposé, au zénith, ils le font savoir dans les médias et il faut bien reconnaître que la pénurie de psychiatres est dramatique. Dans certaines régions, ce sont 70 % des postes qui ne sont pas pourvus, générant des fermetures de lits ou une absence de praticiens dans certains services. Faut-il incriminer les pouvoirs publics et un supposé manque de moyens ou bien faut-il constater que nombre de psychiatres ne font pas assez de psychiatrie et beaucoup trop de psychothérapie, ce qui les met en concurrence directe avec les psychologues ? Est-ce normal ? Faut-il prendre totalement en charge ces derniers, ce qui permettrait aux psychiatres de retourner à leur cœur de métier, celui pour lequel ils ont été formés ?
Les autorités devraient-elles contrôler davantage, voire sévir à propos des prescriptions inappropriées de psychotropes au long cours ? Pourquoi la France est-elle un des seuls pays au monde à nier l’utilité de la stimulation magnétique transcrânienne dans la dépression, les TOC, les addictions, le trouble bipolaire et de ce fait à la dérembourser alors qu’il s’agit d’une des seules alternatives aux médicaments ? Pourquoi continue-t-elle à mépriser les approches plus physiologiques, moins agressives telles que l’utilisation des compléments alimentaires, des plantes qui sont interdites d’expérimentation contrôlée en double aveugle avec tirage au sort ? Pourquoi l’utilisation reconnue excessive des psychotropes, benzodiazépines, antidépresseurs, antipsychotiques, ne fait-elle pas l’objet d’une campagne nationale à l’image du fameux « Les antibiotiques, c’est pas automatique ! » Pourquoi au cours des études de médecine et dans les écoles d’infirmières, aucun temps, pas une seconde d’enseignement n’est-il consacré au sommeil qui pourtant concerne un tiers de notre vie et conditionne notre longévité comme notre immunité, sans parler de notre mémoire ?
Le problème de la déstigmatisation de la spécialité et bien sûr plus encore des patients si souvent ostracisés vient – forcément – en filigrane. De même, se pose la question des moyens : sont-ils vraiment aussi limités que se plaisent à le dire les professionnels et leurs syndicats ? Ne serait-ce pas aussi une question d’organisation des services publics ou privés ? Les psychiatres ne devraient-ils pas accepter de mieux déléguer ? La téléconsultation ne devrait-elle pas être plus utilisée dans une spécialité où point n’est besoin de toucher les patients ? Quid de la psychanalyse quasi-abandonnée dans le monde entier à l’exception de l’Argentine et… de la France et encore un peu en Italie ? Faut-il la bannir des prétoires comme un grand nombre d’experts judiciaires l’ont demandé ? Doit-on contraindre certaines facultés de psychologie de ne pas se cantonner à cette seule approche ? Le consensus semble encore bien loin d’être atteint à ce sujet !
Devrait-on prioriser d’urgence la psychiatrie ?
Lisez ce qui suit, vous ne serez certainement pas déçus du voyage !
Pour une prévention éducative et culturelle de la psychiatrie à venir
par Boris Cyrulnik

Un cœur est un cœur, quel que soit le cardiologue. L’objet cœur est situé en dehors de lui. Ce n’est pas le cas de l’objet folie ou trouble psychique qui n’est pas en dehors de celui qui en parle.

Souffrir selon sa culture
Lorsque César, au milieu d’une phrase s’arrête, tombe à terre, convulse, se mord la langue puis se relève pour finir sa phrase, tous les témoins qui espèrent une promotion témoignent qu’ils ont vu le haut mal qui a visité l’empereur. J’ai pu observer à Sabbioneta, près de Mantoue en Italie, le crâne du seigneur Vespasio Gonzaga (1531-1591). J’ai vu l’énorme trépanation bordée d’une épaisse boursouflure osseuse qui prouvait que le seigneur avait longtemps survécu. Les archives expliquaient qu’il souffrait de céphalées et qu’il était convaincu qu’on cherchait à l’empoisonner. Était-ce un délire, une crainte justifiée ? La trépanation l’a-t-elle convaincu qu’on lui voulait du bien ?
Dans l’Égypte et la Palestine chrétienne des III e  et IV e  siècles, la tristesse était un péché, l’acédie une faute punissable quand un moine ne parvenait plus à adorer Dieu. Avicenne, philosophe et médecin musulman au XI e  siècle, expliquait la tristesse par un excès de bile noire, notion qui persiste aujourd’hui quand on parle d’idées noires. Au XIII e  siècle, saint Thomas d’Aquin exprimait son mépris pour la tristesse vice de l’âme et Jean Wier, médecin rhénan du XIV e  siècle, avait découvert que c’était le diable qui modifiait les métabolismes afin de provoquer des hallucinations, ce qui disculpait les sorcières et leur évitait le bûcher. Pour supprimer ces illusions de l’âme, il fallait absorber de la belladone, du pavot, de la jusquiame et du chanvre indien, comme on le redécouvre aujourd’hui où les toxiques végétaux comme le peyotl ou le cannabis redeviennent des médicaments.
Pendant tout le Moyen Âge, la souffrance était la norme, notre passage sur Terre se faisait dans une vallée de larmes, alors qu’aujourd’hui c’est une maladie soignée dans tous les hôpitaux. Il serait considéré comme immoral de ne pas la soigner. Quand Pinel et Poussin, en 1788, ont enlevé les chaînes des fous, ils ont parlé de traitement moral parce qu’en effet leur moral s’améliorait quand on enlevait leurs entraves. Une autre phrase révolutionnaire a été prononcée en 1793 quand le président du tribunal révolutionnaire a condamné à mort Lavoisier en disant : « La République n’a pas besoin de savants. » Dans ce contexte social, il voulait simplement dire : « On ne veut plus de ces imposteurs intellectuels qui cherchent à nous écraser avec leurs phrases prétentieuses. Nous préférons les non-savants, les barbiers, les chirurgiens qui savent mettre une attelle et nettoyer une plaie. » Cette phrase reprend sens aujourd’hui quand on reconnaît que les aide-soignantes soignent, elles ne font pas un petit métier. Ce savoir d’artisan a été à la source des grands progrès médicaux du XIX e  fondés sur l’hygiène et non pas sur une recherche fondamentale : changer les langes d’un bébé et surtout se laver les mains quand on passe d’une salle d’autopsie à une salle d’accouchement. Quand Semmelweis a publié son enquête en 1861, il a montré que dans les services où les savants négligeaient cette hygiène, la mortalité des femmes restait élevée, alors qu’elle chutait quand le médecin acceptait de se passer les mains à la chaux. Ce travail a fait l’effet d’une accusation contre les universitaires, mais a augmenté l’espérance de vie des femmes.
L’idéologie, au sens d’agencement des idées qui font voir le monde, organise la manière dont un psychiatre fabrique son objet. À l’époque de Louis XIV, il y avait tellement de vagabonds et de bandes armées que le simple fait d’être seul était une folie. Au moment de la loi de création de l’Hôpital général (1656), l’errance était une maladie mentale qu’il fallait protéger en l’enfermant dans un hôpital. Mettre au monde un enfant hors mariage entraînait des difficultés sociales telles que les troubles psychologiques suivaient inévitablement. Les enfants étaient appelés « bâtards » parce que, sans cesse rejetés et humiliés, ils devenaient bagarreurs comme on le dit encore aujourd’hui dans nos banlieues. La sodomie qui a tellement préoccupé le Moyen Âge a été suivie aux XIX e et XX e  siècles par l’indignation que provoquait l’onanisme, source de tous les maux. La pédophilie a longtemps été considérée comme un péché mignon, une aventure charmante où des rois et des écrivains se sont illustrés. Quand un homme souffrait trop du travail à la chaîne ou au fond des mines, on le considérait comme une « femmelette ».
En 1914-1918, quand les soldats revenaient des tranchées avec d’énormes troubles neurologiques et psychiques, on les appelait « traîtres » ou « boches de l’intérieur ». Le traitement adapté consistait à leur envoyer des chocs électriques afin qu’ils préfèrent retourner au combat. Le trouble psychique était impensable dans un contexte où la violence avait une valeur socialisante qui valai

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