Ville et santé mentale
196 pages
Français

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Ville et santé mentale , livre ebook

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Description

Les premières expériences de psychiatrie « de secteur » qui ont eu lieu en France après la deuxième guerre mondiale avaient pour point de départ le rejet de l’asile psychiatrique. En déplaçant les fonctions de refuge au sein de la ville, elles ont modifié le rapport entre ville et projet thérapeutique, en articulant l’offre de soins à une géographie urbaine (hôpital de jour, accueil, prise en charge modulée). Depuis, les mutations urbaines, l’évolution de la psychiatrie, enfin l’ouverture d’un champ de la santé mentale qui interroge la souffrance « sociale », invitent à faire la somme de ces expériences et à engager une nouvelle réflexion sur la ville, grâce au prisme de la santé mentale.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 novembre 2009
Nombre de lectures 0
EAN13 9782304054422
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sous la direction de Aurélia Michel
Ville et santé mentale
Projections, politiques, ressources
Collection « Sciences de la ville »
Éditions Le Manuscrit Paris


© Couverture : Jean-Baptiste Piranèse, Le Champ de Mars de l’antique Rome , 1762.
© Éditions Le Manuscrit, 2009
ISBN 13 : 9782304030600 (livre imprimé) ISBN 13 : 9782304054422 (livre numérique)


Remerciements
Cet ouvrage est issu d’une rencontre qui a eu lieu le 29 et 30 mai 2007 à l’Université Paris Diderot, organisé par le Pôle de Recherches Sciences de la ville. Ce colloque a pu avoir lieu grâce à l’appui des responsables du Pôle, Evelyne Cohen et Paul-Laurent Assoun, qui ont soutenu ce projet dans le cadre de l’axe de recherche « Ville et sujet ». Je les en remercie vivement, ainsi que les personnes qui m’ont encouragée et entourée dans l’organisation du colloque : Danielle Sivadon, Michel Joubert, Viviane Kovess-Masfety, Donato Severo. Pour ces derniers, je les remercie également d’avoir participé au comité scientifique de la rencontre, avec Catherine Deshayes et Françoise Gaillard. Pour l’organisation du colloque, j’ai pu compter sur l’aide de Marcela Garbalena et Gabrielle Viennet et au plan logistique, sur Marlène Paumard et Solange Pawou-Molu.
D’autant plus qu’ils sont absents de cet ouvrage, j’en profite pour remercier les participants du colloque qui n’ont pas contribué à la publication finale : Paul-Laurent Assoun, Marcela Garbalena, Jean Furtos, Jean-Pierre Martin, Sandrine Motamed, André Rougement, Max Kohn, Roberto Bianco-Lebrun, Caroline Debry, Thomas Saïas et Tim Greacen.
Les photographies de Samuel Bollendorff* avaient apporté un éclairage essentiel à la rencontre, tout comme les films réalisés par Marcelo Masagaõ*. Je les remercie tous les deux pour avoir donné une troisième dimension graphique à nos échanges, et regrette de n’avoir pu la concrétiser dans le cadre de ce volume.
Pour leur collaboration comme discutants et présidents de séance, je remercie également Claire Levy-Vroelant, Catherine Vauconsant, Pascal Dibie, Evelyne Cohen, Paul-Laurent Assoun, Lion Murard, Catherine Richard, Eva Samuel, et Laurent El-Ghozi, ainsi que Ann Lovell pour son soutien discret.
L’édition de cet ouvrage a été réalisée avec l’aide de Marlène Paumard, ainsi que celle de Solange Pawou-Molu. Enfin, je souhaite particulièrement remercier Catherine Richard, qui a permis de donner une suite scientifique à cette rencontre en impulsant le groupe de recherche « Ville et santé mentale », et dont les activités postérieures ont démontré - s’il était besoin - que les colloques pluridisciplinaires servent à quelque chose. Je termine donc en évoquant chaleureusement mes collègues et amis qui se sont lancés dans cette aventure, Magali Coldefy, Benoit Eyraud, Delphine Moreau, Pauline Rhenter et Livia Velpry.
* Extraites de l’exposition Silence(s) .
* Um pouco mais, ou pouco menos [Un peu plus, un peu moins], réalisé par Marcelo Masagaõ et Gustavo Steinberg, 17 mn, Brésil 2001 ; O Zero não é vazio [le zéro n’est pas vide], réalisé par Marcelo Masagaõ et Andrea Menezes, 56 mn, Brésil, 2004.


Introduction : Urbanisme et psychiatrie, une histoire de la ville
par Aurélia Michel 1 *
En quoi l’analyse des problématiques de la santé mentale et de la psychiatrie nous ramène à celle de la ville ? C’est en se penchant sur l’histoire de l’Association de Santé Mentale du treizième arrondissement à Paris (ASM13) qu’est apparu l’intérêt du regard de la psychiatrie dans une science de la ville. Un programme de recherche sur le treizième arrondissement, mis en place par le Pôle de recherches Sciences de la ville 2 , a permis de rassembler les matériaux d’une histoire du treizième à travers la lecture de l’ASM13. Pionnière d’une psychiatrie « hors les murs », l’ASM13 a fait le projet, depuis sa fondation en 1958, de s’installer en ville, « dans la communauté », « dans la cité ». Depuis, elle cumule une somme d’expériences, cliniques, institutionnelles et humaines, qui constitue un savoir sur le contexte du treizième dans toutes ses dimensions matérielles, sociales, spatiales et symboliques. En cinquante ans, les praticiens et les équipes ont cherché à s’implanter dans un environnement, ils en ont analysé les ressorts et se sont confrontés à ses transformations (Michel 2008). Ils sont donc porteurs d’une « science de la ville » encore à extraire.
Pour cela, considérons, avec d’autres, l’histoire de la psychiatrie comme un curseur d’analyse de la folie et de sa place dans la société, mais aussi, de la même façon, de la place de la folie et du trouble dans la ville. Le parcours d’une psychiatrie asilaire vers la psychiatrie de secteur, qui se diffuse à partir des années soixante en France et ailleurs, est celui d’un retour vers la ville et d’un changement de paradigme sur la folie et la maladie mentale. On parle aujourd’hui de psychiatrie intégrée dans la cité (Roleandt, Desmons 2002) : quelle peut être la signification spatiale de cette intégration ? Comment se traduit dans ce nouveau contexte spatial et institutionnel la fonction de refuge propre à la psychiatrie ?
En outre, la prise en compte d’un environnement social et spatial complexe autour du patient, celle de la vulnérabilité du sujet sur le plan social et dans l’espace social, ont débouché peu à peu sur la notion de santé mentale. En se référant au champ de la santé mentale, nous proposons ici de considérer un espace où s’articulent psychique et social, ainsi que les gouvernances – médicales, cliniques, institutionnelles, juridiques, politiques, architecturales – dont il fait l’objet. En analysant cet espace d’intersections, nous proposons de produire une connaissance à la fois de la ville et de la santé mentale.
Les travaux qui ont souhaité mettre en évidence le lien intrinsèque entre réalité urbaine et psychiatrie, ou encore les conditions urbaines de la santé mentale, ont servi de support à la rencontre qui a eu lieu à l’Université Paris Diderot en 2007 et dont cet ouvrage est le fruit : ceux réunis par Michel Joubert (2000) permettent de raisonner sur un champ de santé mentale dont la ville et ses agencements constituent un aspect incontournable. Les travaux de l’ORSPERE 3 , également, ont permis de rapprocher la gouvernance de la santé mentale de celle de la ville, entendue comme territoire politique. Enfin, signalons le rapprochement réalisé entre problématique spatiale et psychiatrique dans un colloque et l’ouvrage qui en a été tiré : Architecture et Psychiatrie (Kovess, Severo et al. 2004).
L’enjeu du colloque organisé par le Pôle Sciences de la Ville en 2007, et l’ambition de cet ouvrage qui en est issu, est de saisir la ville et ses mutations à travers les troubles qu’elle accueille ou produit, ainsi que leur prise en charge. Pour ce faire, il nous faut revenir sur les relations qu’a entretenues la ville contemporaine avec la folie d’une part, et sa prise en charge d’autre part, depuis leur naissance commune au début de l’ère industrielle.
Fuir la ville
Le début de l’industrialisation et des sciences médicales modernes convergent, fin dix-huitième et début dix-neuvième, dans une nébuleuse qui donne également naissance à la ville contemporaine.
En ce qui concerne le contexte de la naissance de la psychiatrie, on peut évidemment s’appuyer sur l’analyse de Michel Foucault et de son histoire de la folie (Foucault 1961). Il en ressort schématiquement deux gestes fondateurs : celui, mythique, de Philippe Pinel à la Salpêtrière en 1793, qui « libère » les insensés des criminels, classe et sépare les maladies mentales, et renonce à la médicamentation pour le « traitement moral » à travers la relation entre le patient et le médecin. Le docteur Esquirol, qui prend la suite de Pinel, réalise le projet de la psychiatrie moderne en créant les conditions matérielles du classement des maladies et du traitement moral, c’est-à-dire l’asile. L’aliénisme, comme on l’appelle dès lors, consiste en un dispositif, en particulier spatial, pour « trier » les malades selon leur diagnostic et ainsi les faire accéder plus efficacement au traitement moral. L’ « asile » est l’espace refuge dans lequel on peut restituer des relations sociales harmonieuses, pour les patients entre eux et surtout avec les soignants. Cet espace dédié se substitue à un environnement dangereux pour le malade, éventuellement pour ses congénères si son trouble est perturbant à son tour.
Quel est, au début du dix-neuvième siècle, cet environnement dangereux, ce « milieu » perturbateur, voire pathogène ? Tous les observateurs contemporains partagent le constat que la ville naissante, par la poussée industrielle et économique, constitue une sorte de monstre engendré par une fièvre de l’humanité, et à laquelle il échappe. C’est d’ailleurs ainsi que l’on caractérise cette nouvelle ville : c’est ce qui déborde de ses enceintes « classiques » (Pinol, Walter 2003). Verrues autour des vieilles villes, faubourgs puants et misérables, phénomène incontrôlable, la ville devient laide et dangereuse. On retrouve les récits des premiers médecins hygiénistes 4 , les descriptions de Londres chez Charles Dickens 5 , les descriptions de Tocqueville ou Engels des faubourgs industriels européens 6 . Tous s’appliquent à décrire ce que tous cherchent à fuir : les riches qui s’installent sur les hauteurs aérées, mais également la pensée sociale, qui, première à prendre acte des conséquences spatiales de l’économie industrielle, cherche à élaborer l’espace de l’homme, hors de la ville. Dans l’utopie sociale, la ville empêche de penser et c’est ailleurs que l’on pourra bâtir les espaces dont l’homme – et l’industrie – a besoin. Les espaces imaginés par Considérant, à partir des idées de Fourier, mais aussi celui réalisé par Godin dans le familistère, sont les espaces de l’harmonie sociale 7 . Grâce à eux, les relations sociales perdront leur caractère injuste

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