Aant Propos
J’expliquai un jour à une petite fille, avec laquelle j’ai créé un lien indéfectible ces dernières années, l’expression « être un mouton noir ». Du ha ut de ses huit ans, cette dernière me répondit, mirettes d’ébène fixées sur les miennes u n poil abasourdies : « Sandrine. Si t’es un mouton noir, tu vas pas me laisser tomber. T’écris pour défendre les enfants comme moi ».
Tu as le droit de penser, ami Lecteur, que ceci est bien niais. Candide. Indigne d’être raconté. Eh bien soit. Je veux bien narrer l’irracontable réalité, une évidence tellement simple, qu’on en est venus, tous, à l’oublier, sciemment, cachée sous un e chape de silence : nous avons omis d’écouter nos enfants.
Si nous souhaitons avancer, nous nous devons de tendre l’oreille à ces gamins pas plus grands que trois pommes. Je n’oublierai pas d’être noire de geai, de ma plume pointue, pour oser papoter du détail qui déraille dans notre société défaillante, de par une encre révélatrice. Une ribambelle d’arguments ont été avancés sur le déclin de notre société.
De notre côté, Olivier et moi,défendons cette idée : tant que nous nous entêterons à fermer l’ouïe aux paroles de nos gamins, nous glisserons i néluctablement vers un immense échec. Irréversible. Ils usent d’un langage, celui de la f antaisie, des mots dénués de brillant et d’apparat. Or nous avons cessé, géants maladroits, depuis nos immenses idéaux bigarrés, de nous mettre à leur portée. Accompagnée de mon acolyte, nous avons décidé, nos humbles plumes en main, de saisir le message de ces enfants , qui souhaitent renouer avec nous les Géants, pour le transposer ici-même.
Ainsi, par le biais d’ un contexte qui parle de lui-même, celui d’animateurs œuvrant au sein des écoles, en partenariat avec les équipes d’instituteurs, ces professionnels de l’animation, les « soldats de l’éducation de terrain », à ce jour méco nnus, méprisés, que nul daigne écouter, nous souhaitons démontrer que l’acharnement éducatif qui s’apparente à du gavage d’oies par les ramifications d’unesapience écœurante, est une omerta destinée à faire taire les voix de nos enfants ; un silence destructeur infligé à des équi pes divisées, qui ont perdu tout sens d’une communication saine et salvatrice. Le matraquage de masse divise pour mieux régner. La méthode ?
Des dossiers pédagogiques à n’en plus finir. Un pro gramme scolaireposé sur les rails de la normalité. Des instituteurs soumis à un travail d’usine, des animateurs qui triment pour faire du chiffre, la qualité mise au ban, et le bât qui blesse, c’est encore et toujours la parole tue. Celle de l’instant, qui échappe àl’Administration aveugle. Aliénante.
Entre hargne des pros et mordant des parents d’élèves, si nous baissions la tête, que verrions-nous ?Je laisse la parole aux fous de l’Éducation, aux enfants surtout, eux qui subissent le silence que nous leur infligeons. Gardons ceci en t ête : pensons à être un peu moins géants. Pour que nos mômes puissent, à leur tour, devenir grands. Ou nous risquerions de les écraser.
Cette histoire est basée sur le parcours de l’auteu r, décrit à travers des anecdotes et expériences regroupées et analysées par les bons soins d’Olivier Lambert et Sandrine Ducasse.
Tout personnage cité est bien sûr fictif. Les enfants dont on parle dans cet ouvrage ont été créés de toute pièce, témoins ancrés en ces pages d’une voix qui hurle et aimerait se faire entendre, celle de tous nos gamins, que nous sommes en train d’effacer, lentement, méthodiquement.
« Plus globalement, notre enrichissement doit être essentiellement culturel, spirituel, éthique, plutôt qu’un enrichissement purement quantitatif qu i se traduit par un accroissement de quantité d’énergie utilisée, ou de produits financiers mis sur le marché. Il faut rompre avec cette pensée productiviste, motivée par le ‘toujours plus ».