De l Afrique à l hexagone
264 pages
Français

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De l'Afrique à l'hexagone , livre ebook

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Description

Voici un récit qui, au-delà de sa nature autobiographique, est aussi une évocation de l'histoire des migrations entre l'Afrique et l'Europe des dernières décennies, des convulsions de l'Afrique, prise dans les mailles de ses propres turpitudes et dans le rets de la politique internationale des grandes puissances, depuis le crépuscule des colonies jusqu'à ce jour.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 72
EAN13 9782336277158
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De l'Afrique à l'hexagone
Les espérances d'une enfance, les désillusions d'une génération

Kodjo Léon Amégan
© L’Harmattan, 2009 5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@ wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296107946
EAN : 9782296107946
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace Avertissement Remerciements LOME : PRIME ENFANCE PORT-GENTIL LOME : ENFANCE ET ADOLESCENCE OSHWE PARIS SAINT-MAUR DES FOSSES LIMEIL-BREVANNES VILLIERS-SUR-MARNE OZOIR-LA-FERRIERE Epilogue
A mes frères et sœurs, En souvenir de notre mère.
Aux Big Size, En souvenir de nous.
Avertissement
Les patronymes de cette autobiographie autres que le mien et ceux des membres de ma famille, de ma femme, de mes instituteurs et professeurs ou de personnages publics (artistes, sportifs, hommes politiques…) sont de pure invention. Toute homonymie, toute ressemblance avec ceux de personnages et de personnes existantes ou ayant existé ne seraient que pure coïncidence et ne pourraient en aucun cas engager la responsabilité de l’auteur.
Remerciements
Je tiens à remercier infiniment Isabelle Monin Soulié d’avoir bien voulu assurer, à titre amical et gracieux, la relecture du manuscrit.
Ozoir-La-Ferrière, le 30 septembre 2009 Kodjo Léon Amégan
LOME : PRIME ENFANCE

Emilia, dite Epourri

Papa, Yéma sur ses jambes, et moi

La famille Amégan
L’image de mon père est le souvenir le plus lointain de mon enfance. Je me revois encore, certaines aubes, à califourchon sur ses épaules ; ainsi me promenait-il devant la maison familiale pour calmer mes pleurs matinaux. Quel âge avais-je ? Deux ans ? Trois ans ?
Amézonli – mon père donc – était un homme fort élancé, à la peau noir foncé, aux gestes plutôt lents, au port altier, à l’allure compassée. Sa silhouette était reconnaissable de loin par ses familiers et ne passait pas inaperçue auprès des inconnus : il portait toujours un costume et un casque colonial blancs, visiblement objets de soins réguliers. C’était un personnage dont l’aspect frappait ceux qui le croisaient, non pas tant à cause de ses pieds nus – la population circulait couramment sans chaussures – mais du fait du contraste de cette nudité partielle et de la vêture soignée de tout le reste de son corps.
Amézonli, c’était son vrai prénom, mais très peu de gens l’appelaient ainsi ; on lui préférait ses deux pseudonymes ; le premier, ‘’Kuku” (prononcer ‘’coucou”), rappelait son statut professionnel de cuisinier (‘’kuku” est une naturalisation togolaise du terme anglais ‘’cook ‘’) ; le second, ‘’Boko” (premier ‘’o” fermé, deuxième ‘’o” ouvert), référait à ses activités principales au plan social et accessoires au plan financier. En effet, Amézonli était un boko , c’est-à-dire, dans la tradition togolaise, à la fois prêtre, géomancien et guérisseur.
Une précision tout de suite, afin de prévenir toute confusion. Lors d’une discussion avec mes nièces en compagnie de mon frère cadet Yéma, j’en vins à faire état de cette fonction de notre père ; elles tiquèrent d’apprendre que leur grand-père avait été un boko . Je me rendis compte que mon éloignement du pays depuis une quarantaine d’années m’avait dissimulé l’évolution sémantique de ce terme, qui désignerait désormais un sorcier, un jeteur de sort ou tout autre détenteur de pouvoirs maléfiques. Je dus expliquer à ces jeunes filles, afin de dissiper le malaise perceptible à leurs regards, la fonction originelle du boko  ; elles n’avaient donc pas à rougir de leur grand-père : il n’avait pas du tout appartenu à cette caste redoutée, celle des sorciers.
Amézonli était un caractère pondéré ; toujours calme, il ne haussait jamais le ton, n’élevait jamais la voix. A nos bêtises d’enfant, sa seule réponse se résumait en une sempiternelle phrase, une sorte de mise en garde désabusée tournée vers notre avenir, une phrase que, par dérision, nous aimions répéter entre nous et qui peut se traduire à peu près ainsi : ‘’ça vous regarde” ou ‘’c’est votre problème”.
Je ne me rappelle pas l’avoir jamais vu administrer une véritable punition corporelle à aucun d’entre nous. Cette aversion pour des pratiques éducatives courantes à l’époque – fessées, coups de fouet, coups de férule – n’excluait pas toute sanction de sa part, une sanction qui, chez lui, s’exprimait par quelques légères gifles d’agacement épisodiques ou prenait la forme d’une manie apparemment jubilatoire : il affectionnait, plus ou moins longtemps après nos manquements, au moment où nous nous attendions le moins, donner au passage, au sinciput du coupable, un coup bref et sec de la pointe de son poing droit, puis continuer sans mot dire son chemin, sourire en coin. Aussi, avions-nous pris l’habitude de nous prévenir les uns les autres chaque fois que ses déambulations l’amenaient dans le voisinage de l’un d’entre nous, en criant à la probable victime : « Rrrr… pan ! », cette onomatopée étant censée imiter la descente et l’impact du coup de poing sur le crâne expiatoire. Et l’intéressé de s’écarter vivement du chemin du châtiment !
Mon père avait deux épouses. Ma mère était la seconde.
Ma mère, Emilia, était physiquement fort différente de mon père. Taille moyenne. Teint légèrement clair (surtout à côté de mon père). Alerte. Rieuse. Contrairement à celui-ci – un boko , rappelons-le –, elle appartenait à une honorable famille catholique de Lomé. Habitant dans la même rue Brazza, elle au numéro 19, lui au 35, leur rencontre avait dû se passer le plus naturellement du monde. En revanche, leurs premiers pas, puis leur alliance n’avaient pu se dérouler avec la bénédiction immédiate de la famille de ma mère. Imaginez-vous donc ! La fille d’un chrétien de renom épouser un boko  ! Quel sacrilège ! Outre le scandale de cette entrée en polygamie !
Elle n’en était pas à ses premières frasques. Aînée d’une famille de huit enfants dont cinq filles, elle fut la seule (à l’exception de l’oncle Michel, cas spécial sur lequel j’aurai l’occasion de revenir) à ne pas avoir honoré ses parents d’un mariage religieux ; pis, elle connut plusieurs hommes dans sa vie ; mon père était le quatrième.
De chacun des trois premiers, elle avait eu un enfant : d’abord, deux garçons ; ensuite, une fille : Simon Quashie, Godfried Têko et Modoukpè (Adèle) Akpaloo. A mon père, elle en a donna quatre autres : Alougba (Marie), Kodjo Konka (Léon, moi), Yéma (Emmanuel) et Nyonouvi (Florentine). Les parenthèses indiquent les prénoms moins courants, du moins au sein de la famille. Ma mère avait donc au total sept enfants.
Mon père, sur ce plan non plus, n’était pas en reste. Sa première épouse qui, de son côté, avait eu quatre enfants d’un premier lit (Séwavi, Têlé, Toukoui et Edoé, tous nés Agbodjan), lui donna une fille, Hanouvi, encadrée de deux garçons, Attisso (Jean) et Simon (à ne pas confondre avec le fils aîné de ma mère).
Pour clore ce chapitre des enfants, il nous faut y ajouter un ‘’grand frère” : Akakpo (Augustin). Aucun lien de sang n’unissait celui-ci à la famille ; il n’en faisait pas moins partie intégrante. Ma mère, je m’en souviens vaguement, un jour me donna des éclaircissements sur les rapports de ‘’ fo ” (grand frère) Akakpo avec la famille Amégan ; je dois avouer que le cumul des années a fini par obscurcir – comme maints autres – ce coin de ma mémoire vieillissante.
Quoi qu’il en fût, Akakpo Bédjra (son patronyme) était notre frère : cela était clair et pour nous, et pour lui, et pour tout notre entourage. Cette différence patronymique, notoire, ne posait problème à personne ; la tradition africaine – déliquescente, hélas! sur ce plan-là aussi – étendait la notion de fratrie aux liens affectifs forts, même en l’absence de tout fondement familial au sens strict.
Récapitulons !
La maison familiale Amégan abritait donc trois adultes, le père et les deux épous

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