Les armes "à létalité réduite"
302 pages
Français

Les armes "à létalité réduite" , livre ebook

-

302 pages
Français

Description

Utilisées pour maîtriser des individus violents ou réguler des émeutes urbaines, les armes de neutralisation momentanée - dites "à létalité réduite" - ont recours à des techniques diverses - chimiques, électriques ou cinétiques - avec la préoccupation d'éviter le corps-à-corps et de préserver la vie humaine, tant des agents de la force publique que celle de leurs adversaires. Voici une réflexion sur ces matériels nouveaux : leur applicabilité sur le terrain et l'acceptabilité de leur utilisation dans les pays démocratiques.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2010
Nombre de lectures 270
EAN13 9782296254725
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES ARMES«À LÉTALITÉ RÉDUITE»

5

PREFACE
Dans sa contribution àune encyclopédie consacrée au
crime età la justice, David H. Bayley,un despèresfondateurs
de lasociologie de la police, considère que la police « désigne
en général despersonnesemployéespar un gouvernementqui
sesontautoriséesàutiliserla force physique afin de maintenir
1
l’ordre etlasécurité publics».A l’instarde la
plupartdeschercheursquisesontintéressésauxphénomènespoliciers, comme,
2
en France, Jean-LouisLoubetdel Bayle,il place l’usage (légal)
de laviolence et sa légitimation aucentre de l’activité de police,
dans une approche que l’onretrouve égalementdansles règles
de droitetl’idée d’«usage de la force » ouencore
dansl’analy3
se néo-marxiste et son conceptd’« appareilrépressif d’Etat».
La «violence policière » en général etlesarmes« à
létalitéréduite » en particulier sontdoncunevoie d’entrée
pertinente pourl’étudesociologique de la police. Ce phénomène,
quirecouvre des réalitésfortdifférentes selon lesépoquesetles
systèmes sociaux, cristallise lesjugementsdevaleuretles
réactionsaffectivesquesuscitentd'emblée la «violence » etla «
police ». L'expression «violence policière » évoque généralement,
nonuntype deviolence, mais unesorte de pléonasme plusou
moinsinavoué, neserait-ce que parce que l'usage de la force
physique est souventlevoletle plusmarquantde l'activité
poli4
cière . Ce constatpeutexpliqueren partie pourquoi, en France,
comme en Belgique ouen Suisse, ce phénomène demeure le
parentpauvre des recherches surlaviolence comme de celles

1
BAYLEY D.H.,“Police History”, in S.H. Radish (ed),Encyclopedia of
Crime and Justice, The Free Press, NewYork, 1983, pp. 1120-1131, p. 1120.
2
LOUBET DEL BAYLE J-L.,Police et politique. Une approche
sociologique, L’Harmattan, Paris,2006.
3
ALTHUSSER L., «Idéologiesetappareilsidéologiquesd’Etat»,La
Pensée, n°151, 1970, pp. 4-39.
4
DIEU F., «Élémentspour une approchesocio-politique de laviolence
policière »,Déviance et Société,vol. 19, n°1, 1995, pp.35-49.

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LES ARMES«À LÉTALITÉ RÉDUITE»

surla police. On a l'impression que le chercheura
desdifficultésàreconnaître qu'ils'agitlà d'une forme deviolence à part
entière comme le meurtre, leviol oulesuicide.
Troisdifficultésattendent, il est vrai, celui qui projette
de faire de laviolence policièreun objetderecherche.
L'usage de laviolence parla policesuscitetoutd'abord
des réticences, dansla mesure où, comme l'a observé David H.
Bayley,sla coni «trainte physique, le contrôlesocial
etlarépressionsont sansaucun doute nécessairesà lavie ensociété,
1
ilsnesontpaspourautantplaisants» . Aussi l'homme de larue
associe-t-ilsouventcetype deviolence àun
instrumentd'oppression auxmainsd'un pouvoirconservateur, quand ce n'est
pasà quelques scènes sordidesde grévistesmatraquésoude
suspectsabattusou«tasés»sans sommations. Laviolence
policière, qu’elle aitla forme de l’usage d’une arme de poing ou
d’un pistoletà impulsion électrique, nes'accompagne pasainsi
de l'imagerie héroïque qui permetdetransformerlesbatailles
sanglantesen faitsd'armes salvateurs, lerécitdes violences
guerrièresenune histoire militaire. Parce quesa mission la
conduitàsetrouverimmédiatementconfrontée auxdésordres
sociaux, la police estgénéralementassimilée à ce qui divise la
société, aucontraire de l’image d'unitésymbolisée parl'idée
d'unane «tion en armes» quevéhicule l'armée, notamment
lorsqu'elle faitappel à la conscription, prolongée, à l’heure de la
professionnalisation, parcelle de «brasarmé »mobilisé dans
desmissions(humanitaires) de maintien de la
paixetd’assistance auxpopulations. Ainsi,si le militaire occupeune place
privilégiée dans une histoire événementielle
dontlerécitcontribue grandementà forgerla conscience nationale, le policier
n'est, quantà lui, que le participantanonyme d'une histoire du
quotidien qui ararement sa place danslesmanuels scolaires. Et
lorsqu’il estconvié à occuperquelquesinstantslesdevantsde la
scène, c'est souventà l'occasion de
certainespagescontroverséesde l'histoiresociale etpolitique, comme l'évocation de la
période de l'Occupation oudesévénementsde mai68. Cette
représentation n'estpas sansconséquencesurla perception par
la population de laviolence policière. En effet, alorsque
l'emploisurle champ de bataille desarmeslesplusmeurtrièresne

1
BAYLEY D.H.,Patterns of Policing. A Comparative International
Analysis, RutgersUniversityPress, NewBrunswick, NewJersey, 1985, p.6.

LES ARMES«À LÉTALITÉ RÉDUITE»

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soulève pasd'objectionsparticulièrespuisqu'il estquestion
(apparemment) de défendre la communauté nationale, il n'en est
pasde même lorsqu'ils'agitderecourirà la force physique pour
maintenirl'ordre à l'intérieurdu systèmesocial. Dans une
approche passionnelle entretenue pardesévénements tragiques,
comme la mort sous une porte cochère de Malik Oussekine (6
décembre 1986) ouletabassagesousl'œil de la caméra de
RodneyKing (3mars1991), l'évocation de laviolence policière
seréduitalorsfréquemmentà lastigmatisation des« bavures».
Obstacle auquelse heurte courammentl’étude
desphénomènesadministratifs, latradition du secret revêt un caractère
exacerbés'agissantde laviolence policière. En ce qui concerne
la police, l'ouverture en direction desmilieuxde larecherche,
observée, en France, depuisle débutdesannées80, a permis
d'atténuerle jugementformulé, ilya déjà quelquesannées, par
Jean-William Lapierre,selon lequel la police est« plusdisposée
àrecueillirdes renseignements surlesautresgroupesqu'à en
1
donner sur. Poelle-même »urautant, cettetradition du secret
n'en demeure pasmoins- aumêmetitre que le pessimisme, le
sentimentd’un isolement social, lasolidarité, le conservatisme
oule machisme -un deséléments
tendancielsdetoutesub-cul2
ture policière ,appréhendée commeun ensemble devaleurs
communes, maisnonuniformesenraison même de
l’hétérogénéité de la profession policière. L'analyse de ce que Jérôme
3
Skolnick a appelé la « personnalité au travail despoliciers» a
montré que lesecretestnonseulement une obligation juridique
et une nécessité fonctionnelle en matière d'investigation, mais
représente aussi pourcesderniers un facteurde cohésion
pro4
fessionnelle etcorporative .Comme l’avaitnoté William
Westleydi« lassimulation, c’estla loyauté entre lesmembres
dugroupe, carellereflète lasolidarité avec celui-ci etcomporte
un profondsensde participation. La dissimulation, c’estla
solidarité, carelleregroupe lespoliciersdans un frontcommun
face aumonde extérieuretcréeun consensus toutaumoins sur

1
LAPIERRE J.W,Analyse des systèmes politiques, PUF, Paris, 1973, P.225.
2
REINER R.,The Politics of the Police, HarvesterWheatsheaf, Londres,
1992, pp. 107-137.
3
SKOLNICK J.H.,Justice without Trial : Law Enforcement in a Democratic
Society, John Wileyand Sons, NewYork, 1966..
4
BITTNER E.,The Functions of the Police in Modern Society,
Oelgeschlager, Cambridge, Mass, 1970, pp.63-76.

8

LES ARMES«À LÉTALITÉ RÉDUITE»

1
ce pointAin» .si, la police a-elleune propension,selon cet
auteur, àse comportercomme «un groupesocial fermé, dans
lequel l'action collective estorientéeversl'autoprotection et
l'agressivité à l'égard dumonde extérieur». Lasolidarité
accouche alorsd'unetendance au secretqui «sertde boucliercontre
lesattaquesdumonde extérieur, contre la publicité négative de
la presse qui entraîneraitla perte du respectenversla police,
contre lescritiquesdupublic, dontlespolicierspensentqu'ils
souffrentdéjàtrop, contre lesdélinquantsavidesd

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