Le Japon d Amélie Nothomb
184 pages
Français

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Le Japon d'Amélie Nothomb , livre ebook

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184 pages
Français

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Description

Cet ouvrage est un voyage dans un paysage intérieur qui unit l'intense beauté à l'"inquiétante étrangeté", l'autre au plus intime, et permet au lecteur, à travers le reflet des oeuvres "japonaises" de l'écrivain, des plongées dans une culture "exotique', pour, au bout du chemin, le reconduire à lui-même. Amélie Nothomb a qualifié ce livre, qui est plus qu'une simple étude littéraire, de "passionnant et extrêmement brillant."

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 242
EAN13 9782296810716
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Japon d’Amélie Nothomb
© L’Harmattan, 2011
5- 7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55129-9
EAN : 978229655129

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Jean-Michel Lou


Le Japon d’Amélie Nothomb


L’Harmattan
Du même auteur
Le petit côté. Un hommage à Franz Kafka. Coll. L’Infini, Gallimard 2010.
Corps d’enfance corps chinois. Sollers et la Chine. Coll. L’Infini, Gallimard (à paraître en janvier 2012).
à Eugène et Gabriele Bachmann,
à qui je dois ma passion pour le Japon.
Introduction
« Le Japon l’a mis en situation d’écriture. »
Roland Barthes {1}
1. Le Japon existe-t-il ?
L’image du Japon donne lieu en Europe à des projections passionnées. Il se prête mieux que tout autre pays, Chine comprise, aux jeux de miroirs, aux identifications, aux projections narcissiques, à la curiosité passionnée – au malentendu dans les deux sens. Le caractère relativement homogène de sa population, son insularité, offrent la tentation d’une approche essentialiste, voire ethnique. Situé à l’extrémité géographique de l’Orient, Orient extrême, il apparaît encore un peu plus exotique que la Chine : une sorte de Finistère. Et puis : le Japon représente aussi un Autre de la Chine.
En outre, les Européens ont tendance à voir du Japon l’image de soi que produit ce dernier – ce Japon différent, unique, autrement autre - qui est au départ une idée littéraire émergée au 18 e siècle {2} et développée en mythe identitaire au 19 e ; aujourd’hui, le Japon se vend du Japon à lui-même, comme en témoignent par exemple les nombreux parcs à la Disneyland où l’on est transporté au Japon médiéval, les établissements de bains hypermodernes où l’on joue à l’ onsen {3} , les auberges où l’on pratique l’accueil traditionnel des hôtes, la pratique, répandue dans la littérature, le film, la bande dessinée, qui consiste à mélanger les éléments historiques (médiévaux ou autres) avec ceux de science-fiction ou de fantaisie {4} , etc., et à côté de cela il consomme les produits culturels occidentaux avec une largesse d’esprit liée à une certaine absence de discernement, traitant un peu une nouvelle théorie comme un gadget, un livre comme un parfum. Derrida, Dior {5} .
En retour, l’Europe renvoie au Japon sa propre image, comme dans un palais des glaces, Marguerite Yourcenar s’interrogeant par exemple dans son essai sur Mishima sur la « nipponité » de ce dernier {6} . Une grande partie de la littérature japonaise contemporaine illustre ce chassé-croisé : des écrivains comme Soseki, Mishima ou Haruki Murakami, pour prendre des exemples étalés sur un siècle, sont irrigués d’influences européennes tout en continuant à baigner dans des « sources » japonaises qu’ils renouvellent, et inspirent en contrepartie la création littéraire européenne. Mais si l’on remonte plus loin dans le temps, il semble que l’intégration des cultures étrangères soit un aspect fondamental de l’identité culturelle japonaise. Dans ces jeux de miroirs, l’« identité japonaise » se défile.
L’influence du Japon sur la sensibilité européenne se fait au début par l’intermédiaire des beaux-arts, et remonte aux premières apparitions d’objets d’arts japonais aux expositions universelles (1862 et surtout 1867, à laquelle le Japon participe officiellement). « Arles, c’est le Japon ! » s’écriait Van Gogh qui, comme la plupart des artistes d’alors influencés par le Japon, n’y a jamais été. Ce cri nous rappelle la fonction de l’ exotisme tel que Segalen lui a donné ses lettres de noblesse : par le détour de l’autre, retrouver le plus proche ; le peintre suggère aussi une parenté possible entre des lieux très éloignés. La peinture japonaise fait sur Van Gogh un effet de révélateur , sans lequel il ne serait pas devenu le peintre qu’il est.
Au « japonisme », où « se conjuguent la reconnaissance de l’autre et sa méconnaissance » {7} , et que Michaël Ferrier a résumé par les mots : « érotisme, peinture, réduction » {8} , aurait succédé un « second japonisme » ou « postjaponisme », qui installerait le mythe d’un Japon postmoderne « perçu comme la terre promise d’une hypermodernité consacrée à la consommation, à la mode, à la technique, au simulacre, au virtuel, eux-mêmes considérés comme les éléments constitutifs d’une humanité encore à venir », et qui ne serait que le « pur décalque inversé » {9} du premier mythe du Japon pré-moderne inauguré par le japonisme. L’Europe, dans son regard sur le Japon, aurait donc échangé un exotisme pour un autre.
Moi-même, nullement spécialiste du Japon, je ne suis pas immunisé contre les tentations de ces deux japonismes. Rien qu’en parlant du « Japon » sans utiliser les guillemets, je peux insidieusement laisser croire que je désigne par-là une sorte d’essence, dont l’insularité dessinerait d’ailleurs les contours nets, et non pas « cet empire partiel et pluriel (…) formé d’îlots de significations » {10} qu’il est en réalité. Comme pour le premier japonisme, ma fascination pour le Japon est avant tout d’ordre esthétique, et je ne rejette pas quelques poncifs du japonisme comme les attributs de « petit », « concis », « cruel », etc., ni ne crains de partager avec beaucoup d’autres mon admiration pour le « haïku » ou le « zen ». Quant au second japonisme, je ne suis pas loin de voir comme lui le Japon à la pointe de la post-modernité, dont sa tradition rencontrerait les tendances : éclectisme, curiosité pour l’autre, assimilation indifférenciée des éléments extérieurs, hybridité, hédonisme, absence de métaphysique, sens de l’éphémère… Ce parti pris laissera des traces dans ce livre, notamment dans les chapitres à propos du kire-tsuzuki et du troisième espace amoureux, qui ne sauraient tout à fait être exemptées du soupçon, respectivement, de « japonisme » et de « postjaponisme ».
Mais si l’on enlève à ces notions leur connotation péjorative en les retournant, comme Segalen l’a fait pour l’« exotisme » ou Senghor pour le « nègre », il reste une admiration où « se conjuguent la reconnaissance de l’autre et sa méconnaissance » ; or, n’est-ce pas le propre de toute connaissance nouvelle, naissant d’une dialectique entre le Même et l’Autre ? Le malentendu sur lequel germe l’échange interculturel, Forest l’a nommé, paraphrasant Proust : « la beauté du contresens », titre de son essai sur la littérature japonaise {11} .
2- Amélie Nothomb, « une vraie Japonaise »
Amélie Nothomb représente un cas particulier, puisqu’elle est immergée dès la petite enfance dans l’élément japonais. Pour elle, le Japon n’est pas exotique. Elle est donc inclassable, puisque les artistes européens, et plus spécialement les écrivains français qui ont été marqués par le Japon, ont accompli un chemin vers lui qu’elle n’a pas dû faire. Mais son entrée très personnelle sur le Japon la fait rejoindre les auteurs français contemporains influencés en profondeur par ce lieu, où ils vont chercher un regard décalé sur les choses, une sensibilité particulière, des pratiques d’écriture – chez qui le Japon est le signe d’une différence subtile du plus intime : Barthes, Butor, Perec, Quignard, Forest, Ferrier et quelques autres.
Amélie Nothomb est née au Japon, à Kobé {12} . Elle a passé les cinq premières années de sa vie au Japon, où son père était alors consul de Belgique ; elle a également séjourné en Chine, en Asie du Sud-Est, à New-York, au hasard des affectations de son père, effectuant sa scolarité dans les lycées français. Elle ne connaîtra la Belgique et l’Europe qu’à l’âge de dix-sept ans. Après des études littéraires à l’Université libre de Bruxelles, où elle écrit son mémoire sur Bernanos, elle retourne au Japon pour essayer d’y vivre ; mais après l’expérience désastreuse dans une grande entreprise japonaise narrée plus t

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