Il s’était, de droit divin, exempté de la capitation et du vingtième ; c’était un cas spécialement prévu dans les livres saints ; seulement le haut clergé voulait bien, par excès de générosité, se taxer lui-même et offrir une fois seulement au monarque reconnaissant, une sorte d’aumône que l’on appelait don gratuit, ou de joyeux avènement.
À ces calamités publiques, il faut encore ajouter la grande famille des privilégiés, de qui les biens étaient exempts d’impôts, et dont le peuple s’épuisait à engraisser l’orgueilleuse nullité.
C’étaient : les officiers de la maison du roi, des enfants de France, des princes du sang.
Les Ministres d’État, leurs commis, secrétaires, maîtresses, laquais et protégés.
Les Ordres de chevalerie du Saint-Esprit, de Malte, de Saint-Louis, de Saint-Lazare, etc.
Toute la noblesse, depuis les princes du sang, les ducs et pairs, jusqu’au fils du laquais qui avait de quoi acheter le titre d’écuyer, de marquis, de comte, ou l’audace de s’en parer.
Les officiers de robe des parlements, cours souveraines, présidiaux, bailliages, élections, trésoriers, secrétaires du roi.
Les intendants des provinces, les receveurs des tailles, les officiers des eaux et forêts, des gabelles, etc.
Les gouverneurs, lieutenants-généraux, majors des places-fortes, la maréchaussée, les lieutenants du roi.
Les maires, syndics des villes, échevins, jurats, leurs lieutenants et archers.
Les fermiers et sous-fermiers des trois ordres du clergé.
Toutes les terres nobles…
Enfin, il faut citer encore, d’après le cardinal de Fleury, les exempts par industrie et par manège. Cette classe, disait-il, est la plus nombreuse et la plus nuisible à la prospérité de la chose publique ; ce sont ceux qui écartent d’eux le poids des impôts, par des présents corrupteurs, par le crédit de leurs parents, de leurs protecteurs où par les femmes… Le nombre de ces gens-là est infini…
À ces charges accablantes, ajoutez la morgue des privilégiés et l’impunité assurée à certaines classes, et vous comprendrez quel était l’état moral et politique de la France avant 1789. Et si, plus tard, vous voyez le peuple se livrer à des excès, commettre des fautes, abuser de sa liberté, pardonnez-lui, car il a souffert pendant quatorze cents ans !!!…