Le pain de Guillaume
207 pages
Français

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Le pain de Guillaume , livre ebook

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Description

Guillaume Tremblay est un jeune apprenti boulanger, chassé de sa seigneurie de l’Île-de-France. Vagabondant jusqu’à Paris, il y rencontre un homme dont le fils est parti dans la colonie française d’Amérique. Il s’embarque vers le Nouveau-Monde malgré sa peur. À sa descente du bateau, les autorités l’assignent au bourg de Trois-Rivières en lui conférant le titre de maître boulanger. Les années passent, Guillaume cuisine chaque jour un pain délicieux. Mais il souffre de la grande pénurie de la Nouvelle-France : le manque de femmes.
Et voilà qu’un jour le bon roi de France envoie au Canada des jeunes femmes sélectionnées avec soin, dans le but de les voir prendre époux rapidement. Guillaume se marie et confie à Jeanne, son épouse, la recette de son pain en lui faisant jurer que, quoiqu’il arrive, leur premier fils devra devenir boulanger. François naît quelques mois après le décès de Guillaume.
François devient boulanger à l’île d’Orléans. Il est ensuite appelé à remplacer le boulanger de Trois-Rivières et Jeanne, mourante, s’enivre d’une odeur
qu’elle n’avait jamais oubliée : celle du pain de Guillaume.
Ce troisième roman de près de 400 pages est présenté en deux parties : l’une
masculine (Guillaume) et l’autre féminine (Jeanne). La forme est classique, avec une narration à la troisième personne et des dialogues. Du point de vue historique, ce roman respecte beaucoup les conflits entre les Français et les peuples iroquois, présentant avec rigueur les moeurs de ces gens. La seconde partie du texte est nettement un roman d’amour, de la part d’une femme ne pouvant vivre aux côtés de celui qu’elle aime. Des personnages très bien définis et attachants. Un roman plein de rebondissements, fidèle à la vie sociale française (les trois ordres).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 novembre 2015
Nombre de lectures 9
EAN13 9782897262297
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Première partie L’espoir de Guillaume
AVRIL À JUILLET 1635 Guillaume Tremblay, dit le Poltron
G uillaume Tremblay sent son estomac se contracter et les membres de son corps fondre. Il s’écroule et vomit, avant de s’évanouir en un râle mortuaire, sans avoir eu le temps de remercier Dieu pour ses seize années de vie. Un mousse, de mauvaise humeur, nettoie le dégât tout en insultant le corps inerte de Guillaume. Il le ranime en passant sur son visage le chiffon imbibé de ses vomissures.
Guillaume se demande où il se trouve, avant de se rendre compte que son cauchemar, entrepris il y a déjà six semaines, se poursuit sans cesse au rythme étourdissant des vagues frappant le vaisseau. Il tangue, ses voiles claquent, le soleil impitoyable frappe le pont. Des marins entourent le mousse et s’amusent autant que lui de la faiblesse de ce peureux. D’ailleurs, depuis le départ, l’équipage n’a pas hésité longtemps avant de l’affubler du sobriquet « dit le Poltron », comme une particule de noblesse au bout de son nom – Tremblay – qui déjà, à lui seul, évoque le tremblement d’un homme sans courage.
Un lieutenant de bord disperse les matelots en les qualifiant de fainéants. Du bout de sa chaussure, il pique les côtes de Guillaume, qui réclame à voix éteinte la présence d’un prêtre et d’un chirurgien. L’homme empoigne Guillaume par le cou et lui maugrée son mépris dans un patois qu’il n’arrive pas à comprendre. Il le lève du sol et le pousse vers un mat, où le jeune homme s’accroche en implorant la miséricorde du Tout-Puissant. Le lieutenant le fait fuir en approchant d’un pas très décidé.
Guillaume rejoint sa couche, dans la sainte-barbe, où il se cogne contre tout. L’odeur d’urine et de vomissure lui donne un haut-le-cœur, alors qu’il pose sa tête sur son traversin humecté d’eau salée et des sueurs de son propre désespoir. À la vue des poux jouant à saute-mouton, il se redresse aussitôt et se frappe le crâne contre le bois de la couchette supérieure. Deux hommes entrent en riant fort des histoires drôles qu’ils se racontent. Ils louchent méchamment vers Guillaume, comme s’il était un intrus morose dans leur joie. Ils sont fatigués des plaintes de ce jeune homme, de ses hurlements nocturnes, de ses prières incessantes et de la peur de ce gaillard pourtant costaud, alors que la plupart d’entre eux paraissent plus petits et moins musclés. Sentant leur mépris, Guillaume fait semblant que tout va bien. Tout cela devient tellement embarrassant ! Même les rares femmes de la traversée rient en douce de sa faiblesse, lui dont le physique pourrait attirer leur chaste admiration.
En retournant sur le pont, Guillaume est accueilli par les sifflements moqueurs de deux mousses : « Guillaume Tremblay, dit le Poltron ! Guillaume Tremblay, dit le Poltron ! » Le jeune homme ignore leurs railleries. Après avoir avalé sa salive, il approche du rebord du navire pour regarder courageusement droit devant lui. L’horizon est éternellement le même depuis toutes ces semaines. Parfois, la mer s’immobilise et le Saint-Jacques y semble cloué. Il n’y a pas longtemps, le navire était demeuré sur place pendant trois jours, alors que les voiles refusaient de bouger et que le soleil accablait tout le monde. Les matelots communiquaient facilement à voix normale avec leurs confrères des trois autres vaisseaux de la traversée, comme s’ils ne formaient qu’un seul bâtiment. Guillaume se souvient surtout que la mer s’était déchaînée après cette accalmie insupportable. Les vents diaboliques avaient éloigné les quatre navires l’un de l’autre et les vagues pénétraient facilement jusqu’à sa couchette. Personne n’a pu oublier ces tourments, accentués par les cris insupportables du poltron.
Guillaume a perdu la notion du temps et de l’espace. Il ne sait plus trop si c’est le matin qui berce le navire ou si ce point dans l’infini, droit derrière lui, est sa chère France qu’il a bêtement quittée. En imaginant qu’il s’agit bel et bien de la France, il rêve à sa pauvre défunte mère Madeleine, à son bon maître Barthélemy Bertiaut et à la douceur du visage de Marie Ponsart, qu’il ne reverra plus jamais à cause de la méchanceté de son seigneur.
On lui a dit que les circonstances de la mort de son père n’ont jamais été élucidées. La disparition mystérieuse de l’homme est survenue alors que Guillaume était dans le ventre de sa mère. Il n’en fallait pas plus pour alimenter les ragots des serfs affirmant que Guillaume était un des nombreux bâtards du seigneur. N’avait-il pas la réputation d’être très près de ses paysannes, même de celles unies par le sacrement du mariage ? Ne pouvant travailler aux champs, la jeune femme est devenue blanchisseuse au château. On dit qu’à son décès tragique, elle portait un des autres enfants illégitimes du seigneur. Cette femme dévote et en bonne santé n’est certes pas tombée par accident dans ce puits…
Orphelin à neuf ans, Guillaume a été recueilli comme apprenti par Barthélemy Bertiaut, à qui Dieu n’avait pas donné la chance d’avoir un fils pour assurer sa descendance à la boulangerie du village. En plus de lui enseigner son art, le brave homme l’a éduqué et nourri avec la tendresse d’un père. Attentif, dévoué et soumis, Guillaume a appris très rapidement les mystères du miracle quotidien du pain. Le vieux Barthélemy n’avait pas à s’inquiéter : jamais les habitants de la seigneurie ne manqueraient de bon pain.
Quand Barthélemy est mort, attaqué par des brigands ayant réussi à s’infiltrer au village, le seigneur n’a pas voulu faire confiance à Guillaume, jugé trop jeune, à quinze ans, pour devenir maître boulanger. Bien que le vieux boulanger le considérait comme compagnon, Guillaume n’avait pas encore produit le chef-d’œuvre qui lui permettrait d’obtenir le titre de maître. Le seigneur s’était donc mis à la recherche d’un boulanger ou d’un compagnon un peu plus âgé. En attendant, Guillaume préparait le pain chaque jour, sans que nul n’ait à se plaindre de sa qualité.
Guillaume n’avait pas tout de suite compris pourquoi les chevaliers du seigneur étaient venus l’arrêter pour l’enfermer dans le cachot du château. Indisposés par le pain de la veille, le seigneur et sa dame priaient chaque saint du paradis pour que le Tout-Puissant n’emporte pas leur fils unique, gravement malade après avoir englouti le pain de ce même repas. Chaque jour, le seigneur venait narguer Guillaume, lui jurant de le tuer de ses propres mains si son fils trépassait. En cas de guérison, Guillaume serait à jamais banni de la seigneurie.
Seul au fond de sa misérable prison, Guillaume priait sans cesse la Vierge, lui demandant de le délivrer de ce destin. Quand il cessait ses litanies, le jeune homme essayait de comprendre ce qui avait bien pu se passer. Soudain, il s’était souvenu de la harangue vindicative d’un paysan, accusant le seigneur d’avoir engrossé sa fille de quatorze ans. Or, c’était précisément ce laboureur qui, la veille, avait livré un sac de farine. Pour se venger, cet homme avait-il voulu empoisonner le seigneur et sa famille ? Et Guillaume payait pour son odieuse hardiesse ? Le seigneur ne voulait pas entendre cette explication. Seul le boulanger, cuisant le pain, pouvait juger de la qualité de la farine du moulin. S’il n’avait pu déceler le poison, Guillaume se trouvait ainsi complice. Insistant trop, un chevalier avait mis le garçon aux fers pour lui administrer cinq coups de fouet. Humilié, affamé, affaibli, Guillaume avait été libéré dix jours plus tard, maudit par son seigneur et banni du seul lieu connu depuis toujours. Éconduit aux limites de la seigneurie, le pauvre ne voyait devant lui que l’infinie profondeur de la forêt habitée par des brigands et des démons.
Le tambour du navire tire Guillaume de ces pénibles souvenirs. Les passagers, à jeun depuis leur réveil, ne tardent pas à se réunir sur le pont. Le cuisinier leur distribue un peu de riz et des biscuits. Guillaume grignote sans appétit, alors que le vaisseau se remet à tanguer avec plus de vigueur. Il regarde du coin de l’œil les officiers supérieurs se délecter de leur pain sec et se sent prêt à tous les crimes pour en posséder une miche. Comme tous les autres, Guillaume n’en peut plus des biscuits, du riz, du mauvais fromage ou des légumes fanés.
Les passagers sont presque tous des soldats dans la force de l’âge, désignés pour accomplir leur devoir pendant trois années dans cette colonie baptisée Nouvelle-France. Comme s’il pouvait y avoir une autre France au-delà de cette mer parfois impitoyable ! Puis, quelques pères jésuites, désireux d’apporter la foi chrétienne aux indigènes de cette contrée mystérieuse. À leurs côtés, quelques engagés par une compagnie du roi pour rapporter des fourrures au pays. Enfin, cette curieuse famille Baudoin, avec le père, la mère et trois petits enfants. Guillaume ne peut s’imaginer pourquoi ces braves gens s’emba

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