Le temps de Tamango
107 pages
Français

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Le temps de Tamango , livre ebook

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Description

Au XXIème siècle, des intellectuels africains tentent une reconstitution des évènements des années 70. A travers ce roman de politique-fiction, l'auteur sénégalais fait un bilan des vingt première années de l'indépendance. La multiplicité des temps et des points de vue narratifs nous offrent cette vision à facettes d'une société en décomposition.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 1981
Nombre de lectures 32
EAN13 9782296726734
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

BOUBACAR BORIS DIOP
 
 
LE TEMPS DE TAMANGO
 
suivi de
THIAROYE TERRE ROUGE
 
 
Préface de
MONGO BETI
 
 
 
 
 
 
Editions L'Harmattan
7, rue de l'Ecole Polytechnique
75005 Paris
 
 
 
© L'Harmattan, 1981
ISBN: 2-85802-185-6
ISSN : 0223-9930
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Je dédie ce livre à Hamidou Dia pour
lui exprimer toute ma reconnaissance,
et à mon père Amadou Charles Diop pour
lui dire toute mon affection.
 
 
 
PRÉFACE
 
 
Voici un roman dont la lecture ne laissera personne indifférent. On imagine déjà l'agacement de tous ceux qui refusent au créateur africain le droit à l'expérimentation esthétique, à la recherche audacieuse et surtout à la profondeur. Ceux-là crieront au pédantisme, à l'artifice et même à l'extravagance. Le lecteur africain sera sans doute d'un avis très différent. Ayant refermé le livre, il cèdera aussitôt, quasi certainement, à la tentation de le rouvrir, première victoire de l'auteur. Saisi d'une sorte de fascination effarée, il voudra fiévreusement renouer avec un univers agité et tourmenté, avec ses personnages angoissants, qu'il voudra scruter davantage, écouter à nouveau, palper peut-être, comme des inconnus rencontrés dans le mystère d'une nuit que les éclairs de l'orage illuminaient de zébrures intermittentes.
C'est que les problèmes soulevés par l'auteur, plus ou moins explicitement, directement ou obliquement, sont non seulement cruciaux, mais aussi d'une actualité brûlante. Pourquoi la décolonisation a-t-elle été un tel échec dans la portion de l'Afrique marquée par la colonisation française ? Pourquoi vingt ans après 1960, l'année prétendue de l'Afrique, sommes-nous toujours, nous autres «  francophones » , soumis à une colonisation qui ne se donne même pas la peine de dissimuler ses desseins et ses méthodes ? Comment faire pour nous émanciper définitivement, à l'instar des peuples frères du continent noir ? L'âge d'or est-il donc pour demain ? Notre romancier, me semble-t-il, désire harceler jusqu'à l'aveu, par coupes fugaces, la conscience de sa génération, héritière elle-même des générations qui ont enduré les ravages du long viol de la colonisation française. Personnellement, j'ai toujours pensé que c'était là l'objet obligé de notre contemplation, la raison d'être de nos romanciers pour très longtemps encore, je n'ose dire pour toujours, et même qu'il est abusif d'appeler cela engagement, comme si l'on pouvait imaginer que nous ayons le choix, que nous puissions parler d'autre chose sans nous déconsidérer. L'auteur va peut-être encore plus loin que «  l'engagement » de ses aînés, en posant les questions en des termes dont la hardiesse n'avait pas été assumée avant lui. Certes, beaucoup de peuples ont été colonisés, et même, à la limite, tous les peuples ont été colonisés à un moment de leur histoire. Pourtant aucun peuple n'avait jamais sans doute été conquis, occupé, dominé aussi profondément, aussi mystérieusement que nous l'avons été et le sommes toujours d'ailleurs à tous égards par l'économie française, la culture française, l'armée française, la diplomatie française, la presse française, l'opinion publique française, l'ethnologie française, l'université française ... Jusqu'à quels insondables abîmes la domination française a-t-elle réussi à se frayer la voie au tréfonds de nos âmes ? Jusqu'à quel point nous a-t-elle détraqués en tentant de nous remodeler à sa guise ? Ne nous a-t-elle pas livrés à une démence durable sinon irréversible ? N'a-t-elle pas, en définitive, brisé en nous le ressort de toute survie dans la dignité, de toute ambition d'un salut collectif ? Ces interrogations, l'auteur excelle à les suggérer ou à les mettre en situation, de même qu'à évoquer les personnages qu'elles habitent, tourmentent ou déchirent, en une fantastique charge qui n'épargne aucune classe, aucune catégorie, aucun type, y compris l'intellectuel révolutionnaire, cible particulièrement malmenée. Ce président cuistre, habile à parer le délire de sa mégalomanie de frauduleux aphorismes empruntés à une culture dont il ne fait l'étalage mondain que pour mieux la renier dans les faits, est-ce encore une clef, puisque chacun le reconnaît sans peine, tant il est vrai que chez nous la réalité dépasse la fiction ? Ce personnel politique noir assez pleutre pour se laisser souffleter sans broncher par un subordonné français, avili au point que dans son sein l'aptitude à essuyer de bonne grâce les outrages du maître, à faire bonne figure dans l'humiliation, passe pour un atout inappréciable dans la course pour les honneurs et les charges, nous savons tous, nous autres Africains « francophones  », que c'est à peine caricatural dans nos pays. Ces prostituées et aventuriers blancs au langage outrancièrement ordurier, que l'idiome très particulier du néocolonialiste désigne sous le nom affriolant d'assistants techniques ou coopérants et qui n'ont renoncé à aucun de leurs préjugés les plus insultants à l'égard des Noirs, quel lecteur africain, les retrouvant ici dilatés, rendus plus vrais par l'art, ne sentira son cœur saigner tout comme quand il les côtoie dans la rue là-bas ? Idéalistes dévorés de chimères sublimes, militants désespérés jusqu'à la démence par le blocage de notre destin à jamais tissé d'échecs apparemment, intelligentsia avide de consommation à l'instar d'un Occident en même temps abhorré et captivant, quelle fresque dans ces deux cents pages : Quel monde ubuesque nous donnant enfin la clé du drame pluridimensionnel de l'Afrique dite francophone ! Cette vision est neuve ; je le redis parce que je le crois vraiment. Son mérite le plus frappant est de s'écarter des interprétations traditionnelles qui privilégiaient par trop la domination économique de l'Occident ou la permanence de l'occupation militaire et policière. C'est en nous-mêmes désormais que se trouve le foyer d'une fureur qui obscurcit les chemins de notre libération et nous en détourne. Impossible de parvenir aux sommets radieux qui nous appellent sans nous être préalablement guéris d'un virus, inoculé jadis de l'extérieur, certes, mais exerçant désormais ses dévastations dans l'autonomie. Réussirons-nous jamais ? Oui, car l'auteur situe sa méditation à une époque où nous avons enfin conquis cette liberté si désirée. Il a imaginé, non sans cocasserie, qu'au vingt et unième siècle des intellectuels d'un pays africain tentent la reconstitution d'événements qui semblent se dérouler dans les décennies soixante et soixante-dix du siècle présent. Moins crédible, certes, moins entraînante que la science-fiction, la politique-fiction, ici du moins, offre l'avantage rare, en mettant en contraste deux époques qui symbolisent le jour et la nuit, d'une dramatisation qui m'a paru extrêmement féconde littérairement, intellectuellement, moralement. Seul peut-être ce procédé pouvait nous faire prendre conscience de la monstruosité qu'auront été les vingt premières années de l'indépendance de peuples que la spiritualité française avait en réalité voués pour toujours à la servitude et dont la cécité organisée se débat dans le marécage d'une culture condamnée à la décadence par la sclérose de sa décrépitude. Immergés dans ces flots boueux, nous nous donnons l'illusion de respirer un air sain, de voir clair, de nous mouvoir librement. Nous mangeons, pas toujours à notre faim il est vrai, nous chantons parfois, il nous arrive de faire l'amour, d'exercer une profession, et même d'élever des enfants, car nous nous évertuons à fonder une famille, à nous créer une postérité. En vérité, d'ici cent ans, peut-être seulement cinquante, nos descendants s'émerveilleront que nous ayons cru vivre en êtres humains au cours de ces années

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