Mon nom est Nobody
92 pages
Français

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Mon nom est Nobody , livre ebook

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Description

Deux femmes, cinq hommes dans la rue, des sans-abri n’ayant rien d’autre à partager que leur mendicité. Au gré du hasard, des liens étroits se créent à travers le groupe qui deviendra une famille paradoxale.
Issu de milieux différents et par instinct de survie, chacun se bat à sa façon pour tenter de se libérer du carcan de l’itinérance. Tous des êtres humains formant une sorte de meute nageant à contre-courant dans une société souvent mal ajustée à leur réalité.
Avec l’aide d’âmes charitables, certains finiront par s’en sortir. Hélas, tous n’auront pas cette chance. Par découragement, ils opteront pour l’irréparable en posant des gestes déchirants pour mettre fin à leurs souffrances et à leur détresse...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 décembre 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782925009535
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

AVANT-PROPOS
L’itinérance, phénomène social de tous les temps est souvent jugée de façon impitoyable et incomprise par ceux imbus de préjugés. Accepter avec abnégation de demeurer victime de circonstances malheureuses, et comme solution choisir libéralement la mendicité comme mode de vie peut paraître à certains égards une forme de masochisme ou d’insouciance morbide. Cependant, les données réelles de cet enjeu appartiennent uniquement à ceux qui en sont les victimes ou les initiateurs. Subir ou accepter de vivre dans la misère, le froid, la faim et la pauvreté peut paraître inconcevable pour les personnes bien nanties, mais pour ces êtres vulnérables, c’est parfois leur dernière échappatoire.
Ces visages cicatrisés par le temps qui espèrent un sourire, ces mains noueuses qui se tendent vers l’aumône pour survivre, ces humains au cœur meurtri qui savent pleurer, mais dont les larmes ont séché sont des pères, des mères, des frères, des sœurs. Ont-ils le droit de réclamer d’être considérés comme un maillon de la grande chaîne humaine sans être jugés arbitrairement selon leur apparence ou montrés du doigt pour leur présumée inertie à vouloir briser les liens de leur asservissement ? Qui peut mesurer le poids réel de la souffrance qui se cache sous le masque d’un sans-abri ? Qui peut évaluer la profondeur du malaise que porte parfois le clochard dans son baluchon ? Dans ce roman, certaines âmes bien pensantes sensibles au phénomène ont osé un sourire, une parole encourageante, une petite tape sur l’épaule, des gestes qui se sont avérés efficaces pour stimuler, pour redonner confiance et pour encourager à aller de l’avant. D’autres, hélas, n’ont pas eu le privilège de telles rencontres et, par dépit ou désœuvrement, sont demeurés esclaves de leur impuissance à se réformer.


Chapitre 1
La nuit s’annonçait humide et froide ; novembre prenait sa place et s’installait lentement comme un visiteur indésirable.
Dissimulée derrière un épais brouillard, la noirceur étendait son voile de conquérant et recouvrait la voûte du ciel. Dans le parc, sous un arbre dénudé de ses feuilles, malgré l’air glacial, deux itinérants étaient assis sur un vieux banc de bois usé. Yves Ladouceur, surnommé le Prof. Petit, bedonnant, aux cheveux grisonnants, traînait dans sa besace de toile jaune décolorée une revue Readers Digest écornée et périmée qu’il consultait à répétition.
Son acolyte, Julien Labonté, était un jeune étudiant décrocheur, déluré, aux cheveux longs. On l’appelait le Doc parce qu’un jour, comme un habile rebouteur, il avait replacé l’épaule disloquée de Ti-Ben le Tousseux, itinérant par choix. Ce dernier s’était blessé lors d’une échauffourée avec un autre sans-abri qui l’accusait de s’approprier son territoire. Ils en étaient venus aux coups. À la suite d’un violent uppercut en plein visage, Ti-Ben avait embrassé le trottoir et, en tombant, son épaule s’était déboîtée.
Yves et Julien, quelque peu éméchés, philosophaient et grelottaient parce que trop légèrement vêtus pour affronter le glacial nordet qui faisait tourbillonner les feuilles mortes qui gisaient sur le sol. Malgré le froid, ils tuaient le temps avant de regagner leur refuge à ciel ouvert sous le vieux pont, pour aller étendre leur corps endolori et leur cœur meurtri sur leur grabat de fortune.
Soudain, le Prof annonça le signal de départ :
— Il doit bien être 6 h. Il faudrait penser à rentrer, mon chum.
— Rentrer où ? avait demandé le Doc d’un air dépité.
Affublé de leur mendicité et de leur détresse, le duo se mit en route vers leur abri de fortune. Ils avançaient, traînant la résonnance de leurs pas lourds qui brisaient le silence.
— Nous autres, mon ami, avec les noms de famille qu’on a, Labonté et Ladouceur, c’est pas étonnant qu’on se soit tous les deux ramassés dans la rue ! lança soudainement Yves le Prof d’un air moqueur. Labonté, Ladouceur ! répéta-t-il en secouant la tête. Les profiteurs nous repèrent vite. Peux-tu bien me dire comment on est arrivés là, toi étudiant et moi professeur ? On est pourtant des gars intelligents, on a fait des études, on avait des familles, on vivait quand même bien, on n’était pas des « deux de pique ». Un jour, sans réfléchir, on a tout troqué ça pour des chimères. Consentants ou victimes ? Le résultat reste le même.
— Toi, t’as l’don de déconner ! répliqua le Doc, agacé. À t’entendre, on ne dirait pas que tu as été professeur. Nos noms de famille n’ont rien à voir avec le fait que nous soyons devenus itinérants. On aurait pu s’appeler Lapierre ou Taillefer, ça n’aurait rien changé. C’est la maudite vie qui est la responsable. La vie ou le hasard, appelle ça comme tu veux. Elle te pousse vers la rencontre fortuite de personnes sans conscience et sans morale, au moment où tu es dans la dèche, que tu es le plus vulnérable et influençable pis que tu cherches le moyen de t’en sortir. Ces personnes se présentent à toi comme des bouées de sauvetage. Tu ne réfléchis pas, tu leur fais confiance et tu te laisses entraîner par leur damné pouvoir de persuasion. Ils te manipulent si habilement que tu finis par croire que tu es un nobody sans ambition si tu refuses leurs alléchantes propositions. Ils te font un lavage de cerveau en prétextant t’offrir une occasion soi-disant en or que tu ne peux pas refuser. T’es incapable de résister devant leur insistance et leur prétendue promesse de t’en sortir rapidement, sans avoir à fournir trop d’efforts. Ils font miroiter devant toi les avantages d’être pris en charge et protégé par leur système véreux et hop ! sans réfléchir, tu écartes toute logique et tout bon sens. Tu prends le risque et tu acceptes de jouer leur jeu. Que ce jeu s’appelle drogue, argent, besoin de pouvoir, ambition ou autre, te voilà pris au piège. Et, à ton insu, tu glisses lentement vers ta déchéance. « Signe ici en bas, mon pote, ça n’sera pas long que l’ cash va rentrer. T’sais, j’veux pas t’bousculer, mais comprends, y en a des dizaines qui attendent chaque jour qu’on leur vienne en aide. Nous autres, notre devise c’est : Service efficace et rapide, pas de « tataouinage ». Essaie d’trouver un organisme de charité qui peut régler aussi rapidement tes problèmes et te sortir de l’marde, mon chum, renchérit un deuxième. Tu te sens bousculé. Tu cherches à excuser ta faiblesse et ton manque de jugement, tu hésites, puis finalement, tu te dis : « ben quoi » ? Ça peut arriver à tout le monde, pis c’est juste temporaire, même si, au fond, tu sais fort bien que ça ne t’excuse pas et que leur baragouinage, c’est de la foutaise. Tu fais taire ta conscience et tu apposes ton nom sur le maudit bout de papier. Le lendemain, tu te rends compte que tu viens presque de signer ton arrêt de mort.
— Oui, en effet ! répliqua le Prof. Et quand tu prends conscience dans quel merdier tu t’es embarqué, tu te rends compte que la porte pour y entrer a été passablement invitante, facile d’accès et grande ouverte. Mais celle pour en sortir elle, a été cadenassée à double tour. Tu cries AU SECOURS, mais ceux qui, la veille, t’appelaient « my Buddy » ont disparu, sont devenus sourds à ta requête et ne t’ont pas laissé le code pour déverrouiller la porte de sortie. Le jour où je m’étais fait tabasser et voler les revenus de ma vente de coke de la veille, après m’avoir menacé, ils ont pris la poudre d’escampette au moment où les policiers sont arrivés. Tous partis, aussi vite que la phrase écrite à la craie par l’élève au tableau noir disparaît sous la traînée de la brosse à effacer du prof. Ni vu ni connu, personne pour me défendre. Pourtant, c’était ces mêmes gars qui, la veille, se disaient mes amis et à qui je remettais chaque soir les profits de ma vente de stupéfiants pour recevoir en retour un petit bonus ridicule. Une récompense vingt fois plus petite que les risques que je prenais. T’es jamais gagnant à ce jeu-là, mon vieux. Tu crois avoir trouvé la solution à ton mal de vivre et tu t’aperçois que tu es de retour à la case départ avec un problème amplifié. Ils étaient tout le temps à mes trousses pour me rappeler le maudit montant de ma dette à rembourser et les échéanciers

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