Revue Défense nationale N° 869 - Avril 2024
140 pages
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Informations

Publié par
Date de parution 11 avril 2024
Langue Français
Poids de l'ouvrage 14 Mo

Extrait

RDN
Les armées françaises et les crises du Moyen-Orient, 1973-2003
« Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples. » Charles de Gaulle
Revue Défense NationaleMensuel - Avril 2024
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Éditorial epuis la fin de la guerre d’Algérie en 1962 et jusqu’au milieu des années 1970, desDmissiles du plateau d’Albion, puis des Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins l’horizon stratégique de la France se concentrait principalement sur la montée en puissance de la dissuasion nucléaire avec la mise en service desMirage IV, (SNLE) classeRedoutable. La principale menace était alors le Pacte de Varsovie dirigée par l’URSS, la guerre froide étant la réalité géopolitique avec un monde principalement bipolaire. Cette politique de défense confortait également le choix, voulu par le général de Gaulle, de l’indépendance et de la souveraineté de la décision militaire.
Le Proche et Moyen-Orient (PMO) s’est alors rappelé comme nouveau théâtre d’engagement à la fin des années 1970, suite à la guerre du Kippour en 1973 puis à l’effondrement du régime du Chah d’Iran et la révolution islamique qui s’ensuivit avec l’arrivée au pouvoir à Téhéran de l’Ayatollah Khomeiny. Dès lors, Paris s’est retrouvé engagé, tant au Liban qu’en Méditerranée orientale, dans la péninsule Arabique ou en océan Indien dans de nombreuses opérations obligeant nos forces à revoir leurs modes d’action et leur fonctionnement.
À l’heure où nos frégates patrouillent en mer Rouge et engagent le feu contre des cibles hostiles, où laFinulau Sud-Liban poursuit sa laborieuse mission à nouveau prise entre Israël et leHezbollahdepuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023, il est plus que pertinent de revenir sur cette longue période entre les années 1970 et le début e du XXI siècle où le PMO est devenu un des principaux théâtres pour l’engagement de nos armées. Ce numéro, construit en partenariat avec le Service historique de la Défense (SHD), dépasse le simple cadre de l’histoire pour contribuer directement à la compréhension de la guerre actuelle et de la complexité géostratégique d’une région toujours clé pour l’équilibre mondial. Là encore, comprendre le temps long est essen-tiel pour construire une stratégie crédible et efficace.
En ce printemps 2024, la confrontation imposée par la Russie, tant à l’Ukraine qu’à l’Europe, confirme le besoin de remontée en puissance pour nos forces, remontée certes confortée par la Loi de programmation militaire (LPM 2024-2030) mais qui doit s’accélérer au regard des inquiétudes actuelles. Là encore, nos armées sont enga-gées dans des réformes structurelles devant leur permettre de gagner en efficacité et en réactivité. Là encore, il n’est pas sans intérêt de se replonger dans notre propre passé pour mesurer combien cette capacité à se transformer est essentielle. Pour l’Armée de terre, la réforme conduite à la fin des années 1970 par le général Lagarde, alors Cémat, reste emblématique de cette nécessité. Certes, le contexte stratégique n’est plus le même, mais bien des leçons de cette ambitieuse refonte des forces terrestres méritent d’être relues aujourd’hui. Certes, il ne s’agit pas de reproduire ce modèle mais bien de s’interroger et de construire un système de forces capable d’embrasser un spectre de plus en plus large de menaces et d’y apporter un éventail de réponses opérationnelles les plus efficaces dans tous les champs et milieux.
Jérôme PELLISTRANDIRédacteur en chef
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Sommaire AVRIL 2024 -RDNn° 869
Préambule- 120 ans d’Entente cordiale entre le Royaume-Uni et la France: des relations bilatérales de défense concrètes et pleines de vitalité HÉLÈNE DUCHÊNE Les 120 ans de l’Entente cordiale sont l’occasion de souligner combien les relations bilatérales de défense sont concrètes et pleines d’une vitalité sans cesse croissante. Face aux menaces et à la guerre en Ukraine, Paris et Londres travaillent mutuellement pour affronter les défis du futur.
Préambule- L’Entente cordiale: «My word is my bond»! GEORGESHENRI SOUTOU L’Entente cordiale entre la France et le Royaume-Uni doit beaucoup au pragmatisme et aux relations inter-personnelles entre les dirigeants politiques et militaires des deux États. Cette entente fut essentielle à l’été 1914 et permit une coopération militaire efficace, notamment après que la Russie eut quitté la Triple Entente.
Les armées françaises et les crises du Moyen-Orient, 1973-2003 Armées françaises et crises récentes du Moyen-Orient: 19 unehistoire quiresteàécrire WALTER BRUYÈRESOSTELLS La reconfiguration du Moyen-Orient est une réalité constante avec une implication historique de la France comme acteur diplomatique et militaire. D’où le besoin de comprendre l’histoire « compliquée » de la région pour en tirer les leçons encore nécessaires aujourd’hui. C’est la proposition de ce dossier pour éclairer cette compréhension d’un passé récent encore prégnant.
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Sécuriser les routes du pétrole et endiguer l’Union soviétique: leredéploiement militaire français auMoyen-Orient, 1973-1978 NICOLAS BADALASSI De 1973 à 1978, sous l’impulsion des Présidents français, la diplomatie et l’engagement militaire vont s’accroître dans une région devenue majeure sur fond de guerre froide. Paris s’efforce de favoriser des média-tions et un meilleur équilibre pour renforcer une sécurité internationale fragilisée par le conflit israélo-arabe et ses conséquences sur le marché des hydrocarbures.
Kippour, 1973: laguerre quitransforma Israël etleMoyen-Orient FRÉDÉRIQUE SCHILLO La guerre du Kippour en octobre 1973 marque une transformation profonde et durable. Pour Israël, le mythe de son invincibilité s’effondre ; pour l’Égypte, l’honneur militaire retrouvé permettra le dialogue avec Tel-Aviv. Pour les Européens, dont la France, c’est le constat d’une marginalisation au profit des États-Unis.
La coopération militaire et la vente d’armements au Moyen-Orient dans les années 1970 VALÉRIE STIEGLER Les ventes d’armements et la coopération militaire avec le Moyen-Orient dans les années 1970 répondent à des objectifs politiques assumés par Paris. Bénéficiant de la rente pétrolière, les pays achètent des quantités importantes d’équipements dans un contexte régional de plus en plus tendu avec la guerre Iran-Irak.
Le redéploiement du dispositif naval français dansl’axe merRouge-océanIndien, 1973-1978 DOMINIQUE GUILLEMIN Durant la décennie 1970, la Marine nationale redéploie progressivement son dispositif avec un effort sur l’axe Méditerranée-mer Rouge-océan Indien, afin de sécuriser des voies maritimes essentielles. À partir de 1975, cette réorientation s’appuie sur la réouverture du Canal de Suez, préfigurant de futurs engagements.
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L’engagement français au Liban au sein de laFinul, 1978-1979 CHRISTOPHE MIDAN La France s’engage efficacement au sein de laFinulen 1978-1979, avec une réelle prise de risques, se tradui-sant par des accrochages violents et des pertes. Le mandat de l’ONU n’étant pas robuste, le détachement français est partiellement retiré en mars 1979, se limitant temporairement à des tâches logistiques.
D’unendiguement àd’autres: 1979-1991, lesarmées françaises auMoyen-Orient faceauxperturbateurs régionaux FRÉDÉRIC GLORIANT 1979 est une année charnière avec la chute du Chah d’Iran et la mise en place d’une théocratie imposée par l’Ayatollah Khomeiny. C’est aussi le début de l’intervention soviétique en Afghanistan. Ces profondes muta-tions stratégiques au Moyen-Orient poussent la France à agir au Liban ou autour de la péninsule Arabique.
La République islamique d’Iran face aux Occidentaux: unconflit stratégique ouconjoncturel? BERNARD HOURCADE Téhéran s’est imposé depuis 1979 comme un acteur régional majeur s’appuyant sur l’islamisme et son natio-nalisme perse. Son anti-occidentalisme brutal et revendiqué entre pourtant en contradiction avec les aspira-tions sociétales d’une société civile plus ouverte au monde, obligeant les Ayatollahs à un certain pragmatisme.
Dans l’US Navyau sein delaForce multinationale desécuritéauLiban en1983-1984 XAVIER PAÏTARD Dans l’imbroglio libanais, la Marine nationale et l’US Navysont engagées avec plus ou moins d’efficacité, en fonction de contraintes politiques complexes. À défaut de résultats concrets, leur coordination est très étroite, avec une volonté d’interopérabilité partagée par les amiraux, soucieux de la cohésion de leurs équipages.
L’engagement delaMarine nationale danslaprotection desvoies maritimes autour delapéninsule Arabique, 1980-1988 DOMINIQUE GUILLEMIN Le conflit Iran-Irak, avec ses conséquences sur les voies maritimes autour de la péninsule Arabique, oblige la France à déployer sa Marine dans la zone avec une efficacité reconnue. Cet effort majeur, en particulier en 1987-1988, permet de protéger les navires marchands français et de rétablir un dialogue stratégique avec l’Iran.
Laprésence militaire de la France auMoyen-Orient, de1991à2003: lafind’uneère? HÉLOÏSE FAYET La présence militaire de la France au Moyen-Orient a évolué au cours des dernières décennies avec une pos-ture plus subie que réellement décidée, traduisant un certain recul de l’influence de Paris, malgré la volonté permanente d’être un interlocuteur crédible. Les forces françaises ont également profité de ces engagements pour se transformer et gagner en opérationnalité.
La coopération militaire franco-américaine au Moyen-Orient entre1979 et1992 JACQUES LANXADE La coopération militaire franco-américaine au Moyen-Orient a été une réalité très concrète s’appuyant sur une confiance mutuelle et une longue expérience de travail en commun, en particulier dans le domaine naval. La clé de la réussite a aussi reposé sur l’importance de la relation politique surtout durant la guerre du Golfe.
LeMoyen-Orient: nouveau territoire delaprojection delapuissance aérienne française JÉRÔME DE LESPINOIS À partir de la guerre du Golfe en 1991, l’Armée de l’air va connaître un nouveau théâtre d’opérations, obli-geant à accroître ses capacités de projection. Ce sera aussi l’opportunité de travailler en coalition sous commandement américain et donc d’accroître l’interopérabilité de nos forces aériennes et de contribuer à renforcer notre présence diplomatique.
 Opinions - Repères 97 France-Russie: versunenouvelle dialectique nucléaire? LOVA RINELRAJAOARINELINA L’agressivité croissante de Moscou envers Paris souligne paradoxalement la crédibilité de la position française dans son soutien sans ambiguïté à l’Ukraine. En n’excluant aucune option, le président Macron a haussé le niveau de compétition, obligeant V. Poutine à admettre le rôle stratégique de la France dans ce conflit. L’ambitieuse réforme Lagarde: une référence oubliée 102 SÉBASTIEN NOËL L’Armée de terre a connu, après 1962, de nombreuses réformes et restructurations pour s’adapter aux nou-velles exigences stratégiques et aux contraintes budgétaires toujours plus drastiques. En 1975, le général Lagarde, Cémat, engage une réforme ambitieuse qui modernisera nos forces sur plusieurs décennies.
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Portal Kombat: la nouvelle offensive de désinformation menée par la Russie MICHEL KLEN La Russie, dans le prolongement de l’URSS, mène une offensive permanente de désinformation et de mani-pulation des opinions publiques. S’appuyant surInternetet les réseaux sociaux, Moscou s’efforce de déstabi-liser l’« Occident collectif ». La France constitue une cible majeure et en a subi les conséquences en Afrique.
 Chroniques (1/3) Histoire militaire-la réformelagarde (1975-1979): lesdonnées d’environnement 114 CLAUDE FRANC Lorsque Valéry Giscard d’Estaing arrive à l’Élysée en 1974, l’Armée de terre est en souffrance. Ses valeurs sont rejetées par une société en mutations profondes. Ses moyens sont dans un état de grand délabrement. L’encadrement est sous-payé et mal considéré, tandis que la jeunesse récuse la contrainte du service militaire.
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Amérique latine- Haïti: lesdangers d’unfoyer deviolences danslesCaraïbesPASCAL DROUHAUD Haïti est de nouveau déstabilisé intérieurement par la violence des gangs et l’incapacité à construire un pro-cessus politique de sortie de crise. La communauté internationale s’interroge sur la suite à donner avec la nécessité, dans un premier temps, de rétablir un minimum de sécurité pour la population.
Guerre et Philosophie- HonneurLAURA MOATÉ L’Honneur est une vertu ancienne souvent associé à l’esprit guerrier. Être un héros ne se décrète pas et dépend de nombreuses circonstances et de la fonction détenue. En découle la reconnaissance par les autres, sachant que celle-ci se doit d’être honorable et non recherchée pour n’être alors qu’une vaine gloire.
Sud de l’Europe -Flanc sud : il faut réagir FMES Entre l’instabilité à l’est et au sud de la Méditerranée ou l’aggravation de la situation en Ukraine, le tableau est sombre avec une dégradation en perspective. De fait, de nouvelles ruptures stratégiques sont possibles, entraînant des conséquences encore imprévisibles mais qui nous imposent d’anticiper et d’agir.
 Recension Goutalier Marc :Le démiurge et le chaos, Faits et défaites du président des États-Unis au 131 Moyen-Orient(eugène Berg)
Programme de laRDNen ligne, p. 136
120 ans d’Entente cordiale entre le Royaume-Uni et la France: des relations bilatérales de défense concrètes et pleines de vitalité
Hélène DUCHÊNE
Ambassadrice de France au Royaume-Uni.
out au long de son histoire, la relation franco-britannique n’a été exempte tissTentre nos deux pays un réseau de liens solides qui a permis de résister auxer ni d’épreuves, ni de moments d’union. Depuis 120 ans toutefois, l’Entente cordiale, initialement simple traité bilatéral d’échange territorial, a vu se assauts ponctuels. L’Entente cordiale constitue, à l’origine, une série de textes bilatéraux (signés le 8 avril 1904) ayant vocation à régler des différends coloniaux entre deux pays si souvent ennemis – la crise de Fachoda (1898) était alors toute récente – qui y voyaient une volonté de bon voisinage, mais sans être sans doute convaincus des conséquences profondes. Pourtant, loin de se cantonner à de simples textes, cette entente, fermement scellée dix ans plus tard par l’entrée en guerre du Royaume-Uni aux côtés de la France, s’est progressivement inscrite dans la durée. 120 ans plus tard, alors que nous commémorons les 80 ans des Débarquements de Normandie et de Provence, elle continue de se confirmer et de se construire, et le sommet de mars 2023, consolidé par la visite d’État du Roi Charles III en France en septembre dernier, a permis de réaffirmer toute la force de ce partenariat, au service de la sécurité de l’Europe. États dotés, pays membres de l’Otan et membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, fondamentalement attachés aux principes universalistes et humanistes, et à la défense du multilatéralisme : la France et le Royaume-Uni ont des cultures stratégiques très proches, des intérêts communs et des analyses convergentes de l’environnement stratégique. Les similitudes entre Royaume-Uni et France ne présentent pas d’équivalent en Europe aujourd’hui, depuis la vision stratégique portée par les deux puissances nucléaires que nous représentons jusqu’au niveau d’ambition des programmes d’armement, en passant par les aptitudes éprouvées de nos armées.Nos deux pays ont un rôle majeur à jouer pour faire
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prévaloir leurs valeurs et principes partagés, d’autant plus dans un nouveau contexte international qui place l’Europe, au sens géographique du terme, face à des responsabilités nouvelles.
Une entente qui ne cesse de s’enrichir
Dans le domaine de la défense, la relation franco-britannique s’est considé-rablement consolidée au cours des quinze dernières années. Les Traités de Lancaster House signés en 2010 reflètent une proximité stratégique ancienne, durable et indispensable. Ils ont structuré de façon méthodique et permanente une coopération bilatérale reposant sur trois piliers : un dialogue stratégique politico-militaire, des échanges opérationnels et un volet relatif à l’armement. Les deux pays maintiennent ainsi un dialogue stratégique soutenu à tous les niveaux de la hiérarchie civile et militaire, et ce jusqu’en interministériel. La comparaison des approches et des visions nourrit la réflexion de chacun et permet une coordination adéquate dans le cadre des instances internationales. Les échanges de personnels français et britanniques se sont quant à eux amplifiés. Une soixantaine d’officiers d’échange et de liaison (officiers supérieurs (1) principalement) servent de part et d’autre de la Manche . Cette intégration pous-sée renforce notre connaissance mutuelle, permettant ainsi de comprendre nos spécificités, étape essentielle pour coopérer.Ce pilier opérationnel repose essentiel-(2) lement sur la volonté de renforcer l’interopérabilité des deux armées . Pour ce faire, le Royaume-Uni et la France se sont dotés d’une force expéditionnaire commune interarmées, laCJEF(Combined Joint Expeditionary Force), qui a atteint sa pleine capacité opérationnelle en 2020. Réunissant des unités terrestres, aériennes et maritimes des deux pays, cette force est capable de déployer jusqu’à 10 000 combattants dans un cadre bilatéral ou au sein d’une coalition multinationale lancée par l’ONU ou l’Otan par exemple. Elle a été créée pour effectuer des missions de haute intensité, de maintien de la paix, d’intervention en cas de catastrophe naturelle et d’assistance humanitaire. Si elle n’a encore jamais été déployée, cette force a fait progresser notre interopérabilité concrète sur le terrain, notamment par l’intermédiaire de plusieurs exercices conjoints de grande envergure.Outre laCJEF, les forces britanniques et françaises ont également acquis une expérience opérationnelle avec plusieurs déploiements conjoints, comme au Levant, dans l’océan indien (Combined Maritime forces) ou en Estonie dans le cadre des mesures de réassurance de l’Otan (enhanced Forward Presence). De plus, elles se soutiennent mutuellement dans leurs opérations respectives. LaRoyal Air Force
(1)  MINISTÈREDES ARMÉES, « France - Royaume-Uni : une coopération militaire à l’épreuve de l’Histoire », 19 sep-tembre 2023pt:s(the.gofensw.de//wwsetilautca/rf.vue-umyaroe-ncra/funi-cooperation-imilatri-eelrpue-lvesthireoi). (2) e  Élysée, « 36 Sommet franco-britannique : un nouveau départ pour la relation entre la France et le Royaume-Uni », 10 mars 2023 (https://www.elysee.fr/).
a notamment déployé trois de ses hélicoptèresCH-47Chinooken soutien à l’opérationBarkhaneau Mali.
Enfin, troisième pilier, la coopération franco-britannique en matière d’armement affiche un potentiel très important. Ses réalisations demeurent appa-remment modestes en comparaison, en raison de différences d’approches sensibles et d’une certaine concurrence. Bien que les échanges soient constants entre équipes gouvernementales et avec le soutien des industriels concernés, la plupart des projets communs imaginés, voire entrepris, n’ont pas abouti. À cela s’ajoute une compé-tition parfois marquée, notamment dans le domaine des exportations d’armement.
Toutefois, les apparences ne rendent pas justice à la réalité. Certains sec-teurs montrent des réussites incontestables. Dans le domaine des missiles, la coopé-ration franco-britannique est étroite et a fortement contribué au succès industriel de la filière, sous l’égide de MBDA. Elle s’amplifie avec la préparation du programme deFutur missile anti-navireetFutur missile de croisière(FMAN/FMC), des actions communes dans le domaine de la défense aérienne et anti-missiles ainsi que des coopérations technologiques pour préparer les prochaines générations de missiles, dans les décennies à venir. Dans tous les autres domaines – comme le naval, grâce au programmeMaritime Mine Counter Measures(MMCM) – les travaux communs rehaussent le niveau d’ambition opérationnelle et technique de nos systèmes d’armes et entretiennent les compétences de nos bureaux d’études et de notre outil industriel. La coopération d’armement s’est enfin enrichie en 2023 par la mise en place d’un nouveau dialogue sur les stratégies industrielles, afin de relever les défis auxquels sont confrontées nos bases industrielles et technologiques de défense (BITD) dans l’environnement international actuel.
Ainsi, si le dialogue permanent a permis d’installer une véritable confiance entre nos armées respectives, la relation de défense franco-britannique demeure, comme toute autre coopération stratégique, très pragmatique : le moteur de la collaboration reste l’alignement d’intérêts communs.
Une entente raffermie face aux menaces
Alors que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2020 a pu alimenter des craintes sur le rôle du pays dans la sécurité du continent européen, et que la pandémie de Covid puis l’accordAUKUSont eu pour effet de distendre les échanges entre les autorités de part et d’autre de la Manche, l’agression russe à l’encontre de l’Ukraine en 2022 a constitué un électrochoc et un rappel du carac-tère indispensable de la densité et de l’étroitesse de la coopération franco-britan-nique. La France et le Royaume-Uni ont immédiatement agi ensemble en prenant la mesure de la menace pesant sur nos intérêts communs, qu’il s’agisse de la coor-dination du soutien militaire et de l’aide humanitaire ainsi que la reconstruction
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de l’Ukraine, de l’échange d’analyses au niveau des chefs d’état-major des armées, ou encore des sanctions contre la Russie.
Au Sommet franco-britannique de Paris du 10 mars 2023, nos deux pays ont décidé d’aller plus loin. Soutenu par la conclusion du cadre de Windsor entre le Royaume-Uni et l’UE en février 2023, qui a confirmé le tournant pris par les autorités britanniques pour rétablir des relations de confiance avec ses partenaires européens, ce sommet bilatéral et la déclaration conjointe publiée à l’issue ont mar-qué une volonté politique commune d’approfondir notre relation dans les domaines d’intérêt commun.
C’est notamment le cas sur le soutien à l’Ukraine, sur lequel nos deux pays se sont engagés à fournir des formations de militaires ukrainiens sur des segments à haute valeur, comme les pilotes de chasse. La coopération entre Paris et Londres a également permis d’intégrer les missiles de croisière françaisSCALPdes sur avions ukrainiens, après lesStorm Shadowbritanniques. Nos deux pays sont étroi-tement impliqués dans les coalitions capacitaires, issues notamment de l’Ukraine Defence Contact Group(UDCG). Ils veillent à la complémentarité de leurs efforts respectifs, y compris s’agissant de la formation de soldats ukrainiens (opération bri-tanniqueInterflexet mission européenneEUMAMUkraine). De manière générale, la France et le Royaume-Uni jouent un rôle moteur dans le renforcement des efforts collectifs en soutien à l’Ukraine, notamment dans le cadre du suivi de la Conférence de Paris du 26 février dernier.
Le sommet de mars 2023 va aussi au-delà, pour réaffirmer l’importance de renforcer notre coopération dans un monde toujours plus complexe et soumis à des tensions visant à remettre en question sa gouvernance et nos valeurs partagées. Il vise aussi bien les enjeux de sécurité et de défense que les enjeux dits globaux comme la lutte contre le changement climatique, la lutte contre l’immigration illé-gale, le développement et la régulation de l’intelligence artificielle, la coopération dans le nucléaire civil et les énergies renouvelables, sans oublier le rapprochement des sociétés civiles.
Dans le domaine sécuritaire, de la non-prolifération nucléaire à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, ou encore la cybersécurité, la France et le Royaume-Uni se sont engagés à coopérer plus étroitement pour répondre aux défis communs et aux nouvelles menaces auxquels ils sont confrontés. À titre d’exemple, nos deux pays ont coorganisé, les 6 et 7 février 2024, une conférence internationale sur la lutte contre la prolifération des capacités d’intrusion cyber disponibles sur le marché. Par ailleurs, la cybersécurité et la lutte contre le terro-risme ont récemment fait l’objet de dialogues bilatéraux entre l’UE et le Royaume-Uni. Citons aussi la contribution des armées britanniques à la protection des Jeux olympiques et paralympiques de Paris à l’été 2024, notamment dans la lutte anti-drones.
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