Annuaire de I Aïrique du Nord Toine XXM
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Annuaire de I'Aïrique du Nord Toine XXM

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Niveau: Secondaire, Lycée, Terminale

  • cours - matière potentielle : l' été


Annuaire de I'Aïrique du Nord Toine XXM, 1990 Eiiitionç di, CNRS L'EUnOPE, LES PAYS ANGLO-SAXONS ET LE TIERS-MONDE CHEZ LES JEUNES ISSUS DE L'IMMIGRATION MAGHRÉBINE EN FRANCE Nec G. HARGREAVES Dans les pages liminaires d'un récent ouvrage consacré à la probléma- tique de l'identité chez les jeunes issus de l'immigration maghrébine, Azouz Beg~ig e t Abdellatif Chaouite proposent a u lecteur un

  • carte de résidence européenne assurant la liberté de circulation

  • annuaire de i'aïrique du nord toine

  • pays d'origine

  • sos-racisme

  • élite politique

  • tour des élections présidentielles

  • i'iiiiiiii


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Informations

Publié par
Nombre de lectures 21
Langue Français

Extrait

Annuaire
de
d u
Nord
1990
C N R S
LES PAYS ANGLO
-
SAXONS
ET LE TIERS
-
MONDE CHEZ LES
JEUNES ISSUS DE L'IMMIGRATION
EN FRAN
C
E
Nec
G.
D ans les pages liminaires d'un récent ouvrage consacré
à
la probléma
-
tique de l'identité chez les jeunes issus de l'immigration maghrébine,
e t Abdellatif Chaouite proposent a u lecteur u n
Lexique des idées
arrêtées s u r des gens qui bougent
...
c'est
-
à
-
dire s u r la population d'origine
immigrée e n France. Voici la notice qu'ils consacrent
à
l'Europe
:
:
tu passes les
va
la
:
Eu
-
La porte t'est
quand tu as
passeport euro
-
péen. Si le
te regnrde avec un air
ton passeport
européenne en souriant. Nornialement, tout doit bien
passer.
Si tu as encore un passeport
alors que Lu
es né
France, va dans
la
Ça
veut dire
vas Être encore considéré
voleur. Alors, rentré chez toi, va vite
à
la préfecture et
uii
dossier
de
dans la nationalité française. Ça prend plus d'un an.
t'es tranquille
Vers la fin de cet ouvrage, les a u te u rs reviennent s u r la question de
l'Europe, e t plus particulièrement s u r le Marché Unique de
1993
:
Cet
européen s'annonce comme
alternative qui ne
de
la
de l'intégration
la
issus
.
à
la France liistorique, doniiné de part et d'autre par une
trouvera
doute un exutoire dans
pour se réguler. L'adoption de la
aura moins
sens de ce que les jeunes
nomment parfois le .rem
-
paillage
.,.
-
Ces remarques sont instructives
plus d'un titre. Elles proposent d'a
-
bord une vision instrumentaliste de l'Europe. Celle
-
ci e s t recommandée a u x
enfants d'immigrés pour des raisons d'ordre pratique
:
un passeport délivré
p a r u n pays
-
membre de la Cominunauté Européenne permet de circuler plus
facilement que des papiers fournis p a r u n é t a t maghrébin. D ans cette optique,
l'espace européen porte très peu de marques historiques ou idéologiques. C'est
pour cette raison que
peut servir d'exutoire a u x pressions que s u
-
bissent les jeunes Maghrébins, et notamment ceux qui sont issus d e
gration algérienne. L'indépendance de leur pays d'origine n'ayant
été
acquise
e
t
A bdellatif
(Paris
:
S e u i l ,
p.
12.
pp.
qu'au term e d'une guerre de libération extrêmement sanglante, les enfants
d'immigrés algériens, lorsqu'ils choisissent entre les deux nationalités qui
leur sont ouvertes, n e peuvent qu'être conscients de tout ce que la France
représente aux yeux de leurs
Selon Begag e t
la
construction européenne servira
à
désamorcer la situation, e n perm ettant
aux intéressés d'endosser la nationalité française s u r une espèce de terrain
neutre. Les a ttra its de cet espace sont soulignés par l'utilisation de l'anglais
lorsque les auteurs évoquent la file
européenne
Langue cosmopolite par
excellerice, l'anglais sert
à
ouvrir la porte
à
une mobilité sociale qui e s t e n
effet mondiale plutôt que strictement européenne.
D ans quelle mesure ces idées sont
-
elles représentatives de celles de la
des jeunes M aghrébins en France
?
La plupart des enquêtes
dages effectués auprès de ces jeunes traitent essentiellement d e leurs rap
-
ports avec la France e t le M aghreb les données portant sur leur vision de
sont relativement rares. Nous allons donc concentrer notre attention
s u r les élites, où il e s t plus facile de disposer d'une documentation
tique. Des sondages sortie des urnes effectués aux élections de 1988 e t 1989
nous
cependant un aperçu de ce que peut être l'attitude de la
de ces jeunes envers
D ans une enquête menée par Fatiha
sous la direction de Rémy
dans la banlieue parisienne lors d u second
tour des élections présidentielles de 1988, un échantillon d e 102 voteurs d'o
-
rigine maghrébine âgés pour la plupart entre 18 e t 25 a n s a été sondé. A
propos de la politique internationale (où chacun des interrogés était libre d e
donner plusieurs réponses), 68 des sondés se sont déclarés préoccupés par
la situation d a n s les territories occupés a u Moyen
-
Orient,
45
p a r
de 1992,
34
par le problème de l'apartheid en Afrique du S ud, 28 par les
relations
e t 6 par les relations
paraît trè s peu
probable qu'en 1988, deux ans
la crise du Golfe, des
d e souche
française aient manifesté une préoccupation semblable avec le Moyen
-
Orient.
L'intérêt pour cette région dont témoignent les jeunes franco
-
maghrébins s'ex
-
plique s a n s doute en' partie par les attitudes qui
ont été inculquées par
leurs parents. La solidarité des pays arabes face
à
Israël a été fondamentale
à
la politique extérieure menée par les pays d'origine des
algérienne
et la
Maghrébins
en
la
de
(Paris
:
CNRS,
pp.
c t la
de
sous
la direction de
(Paris
:
pp. 125
-
203.
par
:
le vote d m
n o m b r e
petit. il
d'interpréter
ces
Ils sont
toutefois par les résultats
par la
lors
dc
de
1992
perd du terrain alors
situation
les
la
des
vair Fatiha
Sondage sortie
analyse. Les
issus de
Vitry,
IEP,
1989, p. 40.
Une
certaines
de In
par le Centre
e t
Recherches Internationales
1988,
une
1965,
valorisation
de
:
il s'agit
sorte d e
prisée
par
les
associations qui y trouverit
de transcender
(Catherine
D E N ,
2,
8 (mars
-
avril 19901.
p.
13).
LES PAYS
LE
381
L'influence de ceux
-
ci est également sensible dans l'importance accordée par
leurs enfants aux relations
comparée
à
l'intérêt minime dont ils
témoignent pour les relations Est
-
Ouest. Vue dans cette optique, l'Europe,
qui a été le lieu de confrontation par excellence dans la lutte idéologique
entre le capitalisme et le communisme, ne paraît
susceptible d'inté
-
resser les jeunes Maghrébins en France. On constate cependant que ceux
-
ci
sont très nombreux
à
se déclarer préoccupés par
de 1992. Cette
tendance est particulièrement prononcée chez les sondés dont le niveau de
scolarisation est le plus faible, ce qui pousse les auteurs de l'enquête
conclure qii'
à
travers
cette
questioii
deux
catégories de jeunes se
quant
à
leurs intérêts immédiats
:
d'une part les étudiants et lycéens, de l'autre les
cliômeurs.
semblent plus ouverts aux problèmes
qui
se posent dans
le
nombreux chônieurs comptabilisés dans cet échantillon
u n
faible iiivcau scolaire
o u
les anciens élèves des lycées techniques et profession
-
nels
position davantage
à
leurs préoccupations immédiates.
Pour eux
constitue
une
espérance
de
mobilité sociale plus grande
que
récessioii
Nous retouvons ici la vision instrumentale de
évoquée plus
haut par Begag et Chaouite. Elle se recommande aux jeunes Maghrébins
surtout par
perspectives du grand marché européen de 1992 pour amé
-
liorer leurs conditions de vie
L'importance idéologique de cet espace
paraît relativement faible
peu des sondés s'intéressent
à
la confrontation
et par ses promesses
le Marché Unique retient surtout
l'attention des moins éduqués. En nous tournant maintenant vers les élites
politiques et culturelles, nous trouverons
cette analyse l'Europe
a des attraits pratiques, mais l'inspiration et l'investissement idéologiques
sont situés ailleurs.
Depuis juin 1989, la France a deux députés européens d'origine algé
-
rienne. Nora Zaïdi, militante de SOS
-
Racisme, a été élue sur la liste socia
-
liste, alors que Djida Tazdaït, Présidente de Jeunes Arabes de Lyon et sa
Banlieue (JALB), a gagné son siège en se plaçant sur les liste des Verts.
L'itinéraire de Tazdaït illustre parfaitement les propos de Begag et Chaouite.
Depuis sa création en 1985, le JALB a été fortement marqué par
un
courant
autonomiste. Ses dirigeants se sont méfiés des organismes officiels en France,
préférant agir sur le terrain grâce
à
leurs propres moyens. Lors de la contro
-
verse qui a été soulevée par le projet de réforme du code de la nationalité
proposé par le gouvernement de Jacques Chirac en 1986, le
s'est trouvé manifestement mal
à
l'aise. Nous avons déjà évoqué les difficultés
qui entourent le choix de nationalité en ce qui concerne les
d'immigrés
algériens. L'automaticité de l'article
23
du CNF a permis a beaucoup d'entre
eux de prendre des papiers français sans rompre ouvertement avec leur pays
d'origine. En les obligeant
à
faire un choix, les partisans d'une
du
CNF auraient rendu beaucoup plus difficiles les rapports entre les
migrants et leurs enfants. Née en Algérie en 1957 et arrivée en France
(5 )
le
p.
p.
l'âge de six ans, Tazdaït a gardé fièrement la nationalité algérienne. E n prin
-
cipe donc elle est peu intéressée par le CNF. M ais elle e s t en m êm e tem ps
résolument hostile aux motivations xénophobes de beaucoup d e politiciens
qui souhaitent rendre moins faciles les conditions d'accès
à
la nationalité
française. Lorsqu'elle passe devant la Commission des sages établie pour étu
-
dier le CNF, Tazdaït ne se prononce ni pour
ni
contre une éventuelle réforme,
provoque une confrontation crispée e n rejetant les notions d e
du s a n g [et del la nationalité du m érite
Elle refuse de prendre a u sérieux
le code tel qu'il existe de même que le projet de réforme, e t préfère souligner
s a conviction que
nous on estime qu'on est intégré, dès lors qu'on participe
à
la vie sociale de ce pays, de toutes les manières, en tous les cas de toutes
les manières que l'on peut
Le
JALB
s'absente des manifestations contre
le projet de réforme en prétextant d'autres priorités.
Nous avons
à
faire,
explique Tazdaït.
Il y a des expulsions s u r le terrain. (9) D eus a n s
plus tard, cependant, elle prend la nationalité française. Pourquoi
?
Plusieurs centaines de candidats d'origine maghrébine ont été élus a u x
élections
de m a rs 1989. Toutefois, pour certains enfants d'im
-
migrés algériens, il est hors de question de participer aux institutions civiques
d'un
dont leurs parents se sont affranchis a u prix d'une guerre de li
-
bération cruelle. Comme le font rem arquer Begag e t Chaouite, la
nauté Européenne n'est pas du tout m arquée aux yeux d e ces jeunes d u
même sceau passionnel que la France. Tazdaït sera donc candidate aux élec
-
tions européennes de juin 1989. Pour cela, elle sera obligée de prendre
nationalité française (seuls les citoyens de pays
-
membres sont éligibles
comme candidats a u Parlem ent européen). M ais cette démarche n e signifie
nullement
investissement affectif de s a p a rt d a n s la citoyenneté française.
Celle
-
ci n'est qu'un instrum ent perm ettant
à
Tazdaït de plaider la cause des
minorités ethniques devant des institutions autres que françaises. E n choi
-
sissant les
d'ailleurs elle se fait élire s u r la liste d'un parti ayant très
peu de rapports avec
français. (10)
L'organisation qui a joué le rôle le plus im portant d a n s la mobilisation
politique de la population maghrébine e n France a é té France
-
Plus. Créée
en
France
-
Plus a rencontré assez peu de succès d a n s ses premières
campagnes destinées
à
inciter les jeunes d'origine maghrébine
à
s'inscrire
s u r les listes électorales. Leur taux d'inscription a u x élections législatives
de inars 1986 e s t
estimé
à
de 20
%,
à
u n chiffre
d'environ 90
%
pour l'ensemble de la population. Selon France
-
Plus,
le taux d'inscription est supérieur
50
en 1988, e t se rapproche de la
nioyenne nationale en 1989. U n meilleur appareil organisationnel n'est certes
pas étranger
à
cette tendance, mais elle s'explique aussi par les nombreux
Propos
de
Djida
et
:
de
la
p a r
1
,
P a r is
:
1988,
p.
Ib id .,
p.
402.
17
1987.
S ur
l'attitude de
envers
la
v a ir
u n e
d e
la
sociale
:
Djida
dans
Les
e l
la
Paris:
Syros,
1989,
remous qui ont été provoqués p a r le projet de réforme d u CNF. Le débat
intense qui a été soulevé a u to u r d e ce projet (les auditions de la Commission
des sages ont été diffusées e n direct p a r FR3, p a r exemple) ont attiré l'at
-
tention des enfants d'immigrés s u r les droits dont ils jouissaient selon les
lois en vigueur
;
la menace qui pesait s u r ces droits a sa n s doute incité beau
-
coup de jeunes
y tenir par réaction. U n processus semblable m arque l'at
-
titude de France
-
Plus e t d'autres
similaires envers
E n effet, c'est plus par réaction que p a r vocation que ces organisations a v a n
-
cent des propositions relatives
à
la Com m unauté Européenne.
La liberté de circulation
p a r le Marché Unique de 1993 ne
s'applique qu'aux ressortissants de pays
-
membres
;
ceux qui sont originaires
de pays tiers risquent de se trouver encore plus marginalisés qu'ils ne le
sont déjà.
dans cette optique que France
-
Plus a proposé la mise e n
place d'une carte de résidence européenne a ssu ra n t la liberté de circulation
à
tous ceux qui résident d a n s la Com m unauté, quelle que soit leur nationa
-
lité.
(11)
Djida
agit d a n s le même sens a u sein d u Parlem ent Euro
-
péen, (12) e t les
E t a t s Généraux Européens de la Jeunesse pour
organisés e n décembre 1988 p a r SOS
-
Racisme, o n t fait des pro
-
positions semblables. (13) Même avant l'Acte Unique de 1986, u n
pas avait été franchi dans ce sens. Au cours de l'été 1985, moins d'un a n
après la fondation de SOS
-
Racisnie, ses dirigeants avaient décidé de parcourir
pour
internationaliser la campagne contre le racisme
en France
ont é t é frappés de découvrir que la moitié d'entre eux
avaient besoin d'un visa pour se rendre en Belgique, en Allemagne ou en
Angleterre. Déjà, en avril 1985, Kaïssa Titous, qui avait gardé la nationalité
algérienne, avait d û passer la frontière clandestinement pour participer
à
une nianifestation de SOS
-
Racisme
Allemagne, pays pour lequel elle n'a
-
vait pas de visa. C'est en réagissant
à
ces expériences ainsi qu'à d'autres
données recueillies s u r place que SOS
-
Racisme a formulé sa première charte
européenne de l'antiracisme.
P a r ses origines ethniques
est certes minoritaire
les di
-
rigeants de SOS
-
Racisme qui a souvent été accusé d'être peu représentatif
des jeunes Maghrébins en France. P a r son attitude instrurnentaliste envers
a u moins SOS
-
Racisme se rapproche tout de même des organisations
pur beur
telles que France
-
Plus. Dans leur choix de modèles aussi, ces
différentes organisations se ressemblent p a r la marginalité dans laquelle elles
ont tenu
Si le fameux badge de SOS
-
Racisme a é t é inspiré p a r le
succès qu'avait connu l'emblème de Solidarnosc en dehors des frontières po
-
lonaises,
il
faudrait pas oublier que le vrai prototype d e cet emblème
est
Ce genre de badge a été popularisé p a r les énormes cam pagnes
droits
...
dans
Ln
.
p.
4 .
las
propos
d e
la
table
c t
p.
Charte
des
eii
Le
2 0
(14)
pas
6
:
Grasset,
pp.
p.
p.
384
publicitaires qui accompagnent les manifestations électorales outre
-
Atlanti
-
que. Comme l'a constaté
Favereau, les fondateurs de SOS
-
Racisme ont
voulu créer
un mouvement
à
l'américaine, c'est
-
à
-
dire un groupe de pres
-
sion
(1 7 )
Dahmani, le Président de France
-
Plus, a vécu jusqu'à
l'âge de
1 9
ans en Algérie. Venu
à
Paris en
1974
comme étudiant, Dahmani
a été déçu par une visite qu'il a effectuée en Europe de
;
il en est revenu
convaincu des bienfaits de la démocratie occidentale et déterminé
à
faire son
avenir en France.
(18)
L'organisation qu'il fonde en
1985
essaie en fait de
refaire en France l'expérience qui a été menée un quart de siècle plus
les noirs américains. Ce faisant, France
-
Plus s'inscrit dans la lignée
de bien d' autres organisations de jeunes Maghrébins, chez qui des modèles
américains ont joué u n rôle primordial.
La première manifestation nationale des jeunes maghrébins en France
s'inspire directement du mouvement pour les droits civiques qui avait été
mené aux Etats
-
Unis par Martin Luther King jusqu'à sa mort en
1967.
Chris
-
tian Delorme, le prêtre catholique qui a présidé en
1983
aux débuts de la
pour
et contre le Racisme (vite rebaptisé la Marche des
Beurs par les
rappelle que deux ans auparavant l'idée avait déjà
effleuré les jeunes Maghrébins de Lyon
:
A
l'automne de
une réunion avait
eu
lieu
à
Vénissieux autour
d'un
film
consacré l'action
de
Martin Luther
Les
jeunes présents s'étaient
quelque peu identifiés
à
ces Noirs américains
en
lutte pour leur dignité.
Ils
frappés par les méthodes que
ceux
-
ci
avaient
Enfin,
au
printemps 1983, le
film
Gandhi
de
Attcnborough était sorti sur
écrans et
nous
ctions allés
le
voir
avec le groupe des grévistes de
la
faim [qui
des mesures contre
le
chômagel. Ces derniers, qui venaient de pra
-
tiquer
avec
l'arme
d u
jeûne volontaire,
ont
senti davantage que la
non
-
violence stratégique ouvrait des perspectives
jeunes Maghrébins
do
France. Nous étions sortis
d u
film
e n
nous
disant
:
U n
jour,
il
faudra
que
jeunes
parviennent
à
organiser des démonstrations semblables, par
en marchant
à
travers
la
France.
Ce rêve deviendra réalité en décembre
1983,
quand
100.000
manifes
-
tants débarqueront
à
Paris
à
l'issue d'une marche qui a sillonné la France.
L'identification des jeunes issus de l'immigration en France avec les noirs
américains n'est pas
à
expliquer.
s'agit dans les deux cas d'une
minorité ethnique soumise
à
des inégalités héritées en large partie de la
colonisation. Les racines historiques de leur condition sont reconnues égale
-
ment dans l'identification de ces jeunes avec les Indiens face au Raj britan
-
nique, qui ressemble étroitement au régime qu'avaient connu leurs pères en
Afrique du Nord. L'interprétation paternaliste d'un Christian Delorme ne sa
-
tisfera certes pas tous les intéressés, dont certains préféreront se tourner
vers les Black
aux Etats
-
Unis ou vers les Jamaïcains en Grande
-
Bretagne.
Mais tout cela ne fait que
le peu d'importance qu'a
(171
Amadou
m étisse
Paris
:
22
Christian
:
le
dans
Le
Point,
24
Christian
D
E
L
O
R
M
E
Par
et
(Paris
:
p.
106
cf.
des
de
Paris
(20)
Ce
pas
un
hasard
les
premiers
magazine.
pu
-
des
importants
sont
ces
deux
LES
ET
LE
TIERSMONDE
385
l'Europe, comparée
à
l'Amérique et le Tiers
-
Monde, comme source d'inspira
-
tion politique pour les enfants d'immigrés maghrébins. Bien sûr, il ne faut
pas oublier que chacun des candidats issus de l'immigration élus aux mu
-
nicipales de mars 1989 a dû s'inscrire sur la liste de I'un ou l'autre des
différents partis en présence, ce qui implique forcément un engagement plus
ou
marqué dans le jeu politique français. France
-
Plus se targue d'ail
-
leurs d'un républicanisme sans compromis qui est profondément français
dans son ascendance historique.
n'en reste pas moins que
sont en quête de modèles extra
-
hexagonaux, les militants d'origine maghré
-
bine regardent surtout vers
et vers le S u d ;
les intéresse
peu.
Des tendances semblables se laissent voir chez les créateurs issus de
l'imrnigration. Ceux
-
ci sont bien entendu profondément marqués par des in
-
fluences françaises, ainsi que par les traditions maghrébines héritées de leurs
parents. Cependant, ces deux courants sont souvent accompagnés e t sont
parfois dépassés en importance par d'autres modèles. Les romanciers issus
de l'immigration maghrébine, dont on dénombre aujourd'hui une vingtaine,
se sont montrés ouverts
de nombreuses influences étrangères.
ghoul cite ainsi pêle
-
mêle l'écrivain japonais Mishima
l'Afro
-
Américain
Chester Himes et l'Algérien
Yacine
;
les auteurs européens ne re
-
tiennent pas spécialement son attention. C'est en fait un romancier afro
-
américain, Ralph
qui a joué un rôle primordial dans la genèse de
-
son roman
Georgette
!
Quand, en 1985, elle lit L'Homme
invisible
d'El
-
Belghoul est bouleversée par le concept de l'invisibilité qui symbolise
l'identité refoulée de la population d'origine africaine aux Etats
-
Unis. Si, dans
le texte définitif de
!,
il reste peu de traces explicites de cette in
-
fluence, Belghoul reconnaît néanmoins que
invisible
a joué un rôle
capital dans la gestation de son roman, et cette affirmation est confirmée
par les versions antérieures du manuscrit.
(24)
Pendant son enfance,
Begag a lu et relu en traduction
La
Case
de
l'oncle
du romancier américain Harriet Beecher Stowe. Ce faisant,
il a trouvé pour la première fois une représentation littéraire de quelque
chose qui ressemblait
à
sa propre condition en France
:
général,
ce
phénomène
de
ségrégation raciale aux Etats
-
Unis envers
Noirs ressemblait
à
celui
des Arabes en France. Par exemple, quand
je
-
couvrais
à
travers les lignes, les conditions matérielles
et
sociales dans lesquelles
vivaient
l'oncle
Tom et sa famille, je faisais
le
rapprochement avec la
vie
dans
le bidonville
qui
avait
été
le
nôtre.
(21)
Voir
par
exemple
la
de
la
:
aujourd'hui
el
demain,
tome
1,
pp.
de
France
unie
pour
dans
de
pp.
.
d'une
langue
Yacine:
le
Paris:
de
1987,
p.
(23)
Paris
Barrault,
1986.
Interview
de
avec
1988.
remer
-
cions
de
nous
avoir
permis
de
les versions
inédites
de
!.
(25)
Texte
Q uand, après avoir terminé ses études, il commence
à
rédiger le texte
autobiographique
deviendra son premier roman,
d u C haâba,
Begag envisage
un certain moment de l'intituler
allusion ironique a u film Autant en
le
adapté du célèbre rom an
sudiste de M argaret Mitchell.
C'est e n lisant les écrits de jeunes Afro
-
Américains tels que
Davis e t les frères Soledad a u cours des années
1970
que Sakinna
a
cru comprendre pour la première fois le sens de son arabité
France.
Boukhedenna s e voyait condamnée p a r ses origines algériennes
à
une marginalisation semblable
à
celle de la population issue d e l'esclavage
africain e n Amérique du Nord. E n subissant
un
rejet
brutal
de
la p a rt de beaucoup d'Algériens lors d e sa première visite dans son pays
d'origine a u début des années 1980, Boukhedenna s'est identifiée a u x Pales
-
tiniens, notam m ent
à
travers les écrits de Mahmoud Darwich qu'elle
a
-
couvert
à
la inéme époque. Elle souligne cette identification d a n s le
qu'elle publie en
1987
:
meurtrie, je
car je suis exilée
comme toi, enfant du M aghreb, rejetée par les Français e t les Arabes,
cam arade Palestine, je veux u n jour te revoir s u r la carte du monde.
(28)
Boukhedenna renoue ici avec beaucoup de ses pairs pour qui, comme nous
l'avons vu plus haut, les territoires occupés devancent en importance tout
a u tre problème international, y compris
de
1993.
Les propos d e Bou
-
khedenna nous perm ettent de voir que cette identification ne constitue pas
simplement un écho de
solidarité entre pays arabes que les primo
-
migrants
internalisée avant de quitter leur pays d'origine. Alors que les émigrés
maghrébins sont presque unanim es
à
avoir le sentim ent d'être chez eux d a n s
un pays d'origine où ils sont parfaitement libres de rentrer (m êm e si le
du retour e s t de moins en moins pratiqué dans les faits), leurs enfants sont
en proie
à
un sentim ent d'exil où qu'ils se trouvent. Si le retour des Pales
-
tiniens e s t bloqué par une occupation militaire qui n'a pas d'équivalent direct
pour les jeunes Maghrébins en France, les deux groupes ont néanmoins le
même sentim ent d e vivre u n exil sans issue.
peu de leurs pairs d'as
-
cendance française partagent une telle condition
;
on ne s'étonnera donc pas
si leurs points de repère dans l'échiquier global manifestent des traits par
-
ticuliers.
Si leur attachem ent
à
l a Palestine les situe d a n s un axe qui va incon
-
testablem ent vers le Sud, l'identification de ces jeunes avec les minorités
ethniques du inonde anglophone est plus ambiguë. S'agit
-
il
d'un simple
reflet des origines coloniales qui leur sont communes, ou peut
-
on y voir une
tendance
à
privilégier leur insertion d a n s le monde occidental au détrim ent
de leurs racines historiques? Cette ambiguïté e s t fortem ent
d a n s
le titre choisi par Ferrudja Kessas pour. son premier rom an,
D ans l'esprit de l'auteur ce titre renvoyait e n fait
à
deux films américains,
(Paris:
Seuil,
de
Sakinna
le
21
avril
1988.
Sakinna
:
:
1987,
p .
:
1990).
LES
387
et Loue Story.
Dans chacun de ces films il
y
a
une histoire
d'amour entre un garçon américain et
jeune fille d'origine immigrée. La
centralité de jeunes filles issues de familles immigrées dans la trame du
roman de Kessas justifie en partie le titre de celui
-
ci. Mais en choisissant
ce titre, l'auteur nous semble avoir voulu aussi s'approprier un peu du pres
-
tige
entoure des productions américaines comme Loue Story. La popula
-
tion
en France, qui est souvent
sous un jour misérabiliste,
est apte
à
paraître plus digne d'intérêt
est mise en rapport avec
les idylles de Hollywood.
Nous retrouvons une ambiguïté semblable chez les musiciens issus de
l'immigration. Des groupes tels que Carte de Séjour ont puisé
à
la fois dans
les traditions musicales du Maghreb et la musique populaire qui a déferlé
sur
France et l'ensemble de
a
partir des Etats
-
Unis. L'influence
de la population afro
-
américaine dans la gestation de cette musique populaire
est indéniable, mais elle a été blanchie
à
bien des égards par de nombreux
chanteurs et entrepreneurs anglo
-
saxons. Quand un groupe de jeunes Ma
-
ghrébins s'appelle
Babouche, ne se situe
-
t
-
il pas
à
la jonction de
l'Occident et du Tiers Monde, affichant tout autant que ses racines maghré
-
bines une
attestée par l'adoption d'un vocable anglais qui renvoie
à
un courant musical où le blanc s'est largement superposé au noir?
faut
certes interpréter avec prudence l'usage de la langue anglaise.
Rock
Against
Police, dont les animateurs ont été les pionniers de la musique populaire
les jeunes d'origine immigrée dans la banlieue de Paris, s'est inspiré
directement de
Rock
Against Racism, une série de concerts organisés par les
jeunes musiciens issus de l'immigration jamaïcaine en Angleterre. Loin de
chercher
à
se
blanchir
les coordinateurs de ce mouvement en France,
homologues en Angleterre, ont tenu
à
souligner l'altérité de
leurs origines par rapport
à
pouvoir colonial.
n'en reste pas
moins que la langue anglaise est vécue par de
jeunes
une
espèce de porte de secours qui leur permet d'échapper aux stigmates ratta
-
chés par certains Français
à
leurs origines maghrébines sans pour autant
accepter de se franciser. (Le vocable beur, inversion verlanesque d'arabe, a
eu une fonction semblable
La massive influence de la culture populaire
américaine véhiculée surtout par la télévision et le cinéma est soulignée
de multiples reprises dans le récit autobiographique de l'acteur comique
Smaïn,
(33)
qui a intitulé son
grand spectacle
Star is Beur
Ne
se
pas de lui
-
même dans un sketch mettant en scène Ali des Min
-
guettes, qui veut être comédien et qui a choisi comme
d'artiste
Ali
parce que cela sonne moins Barbès
...
et, pourrait
-
on ajouter,
moins français
?
Le
du protagoniste dans le
roman
d'A
-
(30)
Interview
d e
Kessas avec
G.
le
12
mai
Interview
de
'Rock
Against
dans
clefs,
2
pp. 52
-
63.
Paul
Rock
Paris
:
Souflles,
1987.
B
AR
B
ARA
.
et
dans
issues
el
devenirs
sous
direction
de
Georges
Abou
-
Sada et
(Paris
:
p.
135.
de
(Paris
Flammarion,
Cf.
:
des
dans
du
jeudi,
20
octobre
p.
140.
388
G.
Begag,
Béni
ou
le
paradis
est Ben Abdallah, mais il préfère
qu'on l'appelle Béni, car cela lui permet de cacher ses origines algériennes.
Pour impressionner France, la jeune lycéenne dont il est tombé amoureux,
il ira même jusqu'à s'inventer une fausse
anglaise. Une variante an
-
glicisée de son surnom, Big Ben, a même
s
e
~
de titre
à
la première ébauche
du
Sur le plan strictement géographique, la célèbre horloge lon
-
donienne de ce nom est certes située en Europe, mais elle se rattache en
fait
à
un espace culturel anglo
-
saxon dont le centre de gravité est situé aux
Etats
-
Unis.
Le franglais, cette invasion linguistique tant redoutée dans certains
milieux français, est essentiellement le fait des Américains plutôt que des
Anglais, qui se sont vu exproprier le contrôle de leur langue par leurs cousins
d'outre
-
Atlantique. Le poids de la langue anglaise dans la culture populaire
telle qu'elle est véhiculée par les mass
-
media en France et dans le reste de
l'Europe reflète a u fond l'hégémonie économique qui a été celle des Etats
-
Unis
après la Seconde Guerre Mondiale. En privilégiant l'apprentissage de l'an
-
glais
à
l'école, les enfants d'immigrés maghrébins s'investissent non seule
-
ment dans u n espace culturel qui est au fond occidental, mais aussi dans
une langue qui est prisée comme le véhicule de la réussite économique et
sociale.
(37)
Malgré les efforts considérables des pays d'origine dans le finan
-
cement de l'enseignement de la langue arabe, celle
-
ci est en perte de vitesse
dans l'école française. Comme le fait voir une récente enquête menée par
l'Amicale des Algériens en Europe, les enfants d'immigrés ont souvent d'au
-
tres priorités.
*
L'arabe véhicule des idées religieuses rétrogrades qui me
nient en tant que femme,
a declaré une élève algérienne dans u n collège
de Bobigny.
L'arabe des intégristes [fait] très peu pour moi. J e préfère l'an
-
glais qui m'ouvrira certainement beaucoup plus de perspectives.
,,
(38)
Ces
perspectives reflètent non seulement les idées de liberté personnelle mises
en avant par la culture populaire occidentale mais aussi les possibilités de
mobilité sociale qui sont associées
à
la langue anglaise.
deux choses
l'une
affirme un autre collégien d'origine
Ou je réussis
lairement e t j'ai plus besoin de l'anglais pour m'intégrer dans le monde du
travail, ou j'échoue et je n'ai pas besoin de parler l'arabe pour faire le chauf
-
feur
-
livreur.
On a souvent dit que les jeunes issus de l'immigration maghrébine
sont tiraillés entre deux cultures. Au terme de notre analyse, il faut souligner
que ce schéma bi
-
polaire est en fait beaucoup trop simpliste. La France,
comme
elle
-
même, est traversée de courants économiques e t cultu
-
rels qui battent en brèche un tel cloisonnement.
Pour avancer sociale
-
ment, les jeunes Maghrébins sont prêts
à
investir non seulement l'espace
Béni
le
paradis
Paris
:
Seuil.
1989.
(36)
Nous remercions l'auteur de
avoir permis de consulter
document.
G.
and
in Beur Culture
French
vol.
1,
pp.
47
-
58.
(38)
Wahiha
de la
arabe en France:
une
tante
dans
de
20
1990,
p.
20.
(39)
p.
20.
Cf.
N.
des
:
des langues
dans
de
la France,
la
direction de
tome
2
(Paris
:
L'Harmattan,
31
-
59.
Cf.
Bruno
Fronce
Pans Hachette,
1989,
pp.
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