le controle de dénaturation cassation commerciale du 27 mars 1990
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Le contrôle de dénaturation, Cass. Com. 27 mars 1990 Depuis le XIXe siècle, les juges du fond ont un pouvoir souverain pour interpréter le contenu des contrats. Il arrive cependant qu’ils fassent un usage excessif de leur pouvoir d’interprétation en modifiant, par leur décision, le sens d’un contrat qui ne présente en fait aucune ambiguïté et devrait être appliqué strictement. La Cour de cassation a alors l’occasion d’exercer un contrôle de dénaturation, comme dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt de la chambre commerciale du 27 mars 1990. Dans cette affaire, un contrat de location-gérance d’un fonds de commerce avait été conclu entre M. Martinez (propriétaire du fonds) et M. Plendoux (locatairegérant), M. Martinez ayant par ailleurs vendu son stock de marchandises à M. Plendoux par une vente accessoire à la gérance libre. Le contrat de location-gérance stipulait que la redevance que devait verser M. Plendoux à M. Martinez était indexée sur l’indice des prix à la consommation des ménages urbains. D’autre part, le contrat comportait une clause d’indivisibilité stipulant que «toutes les clauses du présent contrat sont de rigueur, chacune d’elles est condition déterminante du présent contrat sans laquelle les parties n’auraient pas contracté». Les cautions de M. Plendoux en cas de non-paiement étaient les époux Plendoux. Par la suite, le contrat de location-gérance a été résilié judiciairement.

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Publié le 13 juin 2018
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Langue Français
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Extrait

Le contrôle de dénaturation, Cass. Com. 27 mars 1990
Depuis le XIXe siècle, les juges du fond ont un pouvoir souverain pour interpréter le contenu des contrats. Il arrive cependant qu’ils fassent un usage excessif de leur pouvoir d’interprétation en modifiant, par leur décision, le sens d’un contrat qui ne présente en fait aucune ambiguïté et devrait être appliqué strictement. La Cour de cassation a alors l’occasion d’exercer un contrôle de dénaturation, comme dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt de la chambre commerciale du 27 mars 1990. Dans cette affaire, un contrat de location-gérance d’un fonds de commerce avait été conclu entre M. Martinez (propriétaire du fonds) et M. Plendoux (locataire-gérant), M. Martinez ayant par ailleurs vendu son stock de marchandises à M. Plendoux par une vente accessoire à la gérance libre. Le contrat de location-gérance stipulait que la redevance que devait verser M. Plendoux à M. Martinez était indexée sur l’indice des prix à la consommation des ménages urbains. D’autre part, le contrat comportait une clause d’indivisibilité stipulant que « toutes les clauses du présent contrat sont de rigueur, chacune d’elles est condition déterminante du présent contrat sans laquelle les parties n’auraient pas contracté ». Les cautions de M. Plendoux en cas de non-paiement étaient les époux Plendoux. Par la suite, le contrat de location-gérance a été résilié judiciairement. Suite à cette résiliation, M. Martinez a assigné M. Plendoux et les époux Plendoux en paiement du stock de marchandises, et obtenu satisfaction. Les époux Plendoux ont assigné en retour M. Martinez. Par un arrêt du 8 janvier 1988, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a donné satisfaction, une nouvelle fois, à M. Martinez, au motif que la nullité de la clause d’indexation ne s’étendait pas au contrat. La Chambre commerciale de la Cour de Cassation a cassé cette décision le 27 mars 1990. Selon le pourvoi, le contrat de location-gérance et donc également le contrat de cautionnement étaient nuls du fait du caractère illicite de la clause d’indexation de la redevance : la nullité de cette clause annulait le contrat tout entier (ainsi évidemment que le contrat de cautionnement). Cette thèse était puissamment soutenue par le fait que le contrat de location-gérance comportait une clause d’indivisibilité. Le juge d’appel, en revanche, a soutenu la thèse du défendant en considérant que la nullité de la clause d’indexation ne retentissait pas sur la validité de l’acte lui-même – et on peut supposer que son raisonnement a pu tenir compte du fait que la clause annulée, dans l’esprit du locataire-gérant, n’était en réalité qu’accessoire au moment de la formation du contrat. Ainsi, la question de droit à laquelle était confrontée la Chambre commerciale de la Cour de Cassation se posait en ces termes : sous prétexte de rechercher l’intention véritable des parties est-il possible d’interpréter le contrat dans un sens qui diverge de ce que le contrat énonce dans des termes clairs et précis? La Cour de Cassation n’admet pas que les juges du fond dénaturent le contrat en n’appliquant pas une clause d’un contrat qui serait claire et précise, même si elle leur paraît injuste ou ne semble pas correspondre à l’intention initiale d’une des parties. Ainsi, bien que les juges de fonds aient un devoir d’interprétation des contrats en fonction de l’intention des contractants, la Cour de cassation, au nom de la sécurité juridique, exerce un contrôle de dénaturation en cas d’interprétation d’un contrat qui ne présente pas d’ambiguïté (I). Ce contrôle de dénaturation ne peut s’exercer qu’à la condition que le contrat soit parfaitement clair, et que la clause dénaturée n’ait pas de visée frauduleuse (II).
I)Face à la menace de la force obligatoire du contrat que peut représenter le pouvoir souverain des juges du fond : le contrôle de dénaturation A) Pouvoir souverain des juges du fond pour interpréter le contenu d’un contrat en recherchant la commune intention des parties En droit français, le juge du fond possède le pouvoir souverain d’interprétation du contrat, et cette interprétation doit essentiellement se faire par la recherche de l’intention qu’ont pu avoir les parties elles-mêmes (in concreto). Si la recherche de la commune intention des parties, dont il est question à l’article 1156 du Code civil, ne permet pas de déterminer ce qu’elles ont voulu réellement, le juge s’en tiendra alors à ce qu’elles sont supposées avoir voulu compte tenu de tous les éléments, subjectifs ou objectifs, dont il peut disposer. La recherche de la volonté commune des parties est donc le principe fondamental qui doit guider l’interprétation du contrat. Selon Christian Larroumet, «parce qu’elle a été extériorisée d’une façon défectueuse, les juges replaceront la volonté des parties dans le contexte dans lequel elle a été émise pour qu’elle soit susceptible d’avoir un sens». B) Lorsque ce pouvoir devient arbitraire : le contrôle de dénaturation comme moyen de protéger la force obligatoire du contrat - Le pouvoir souverain des juges du fond ne saurait devenir un pouvoir arbitraire. Si les juges, sous couvert d’interprétation, modifient le sens ou le contenu d’un contrat dépourvu de toute ambiguïté, et dont les stipulations sont claires et précises, les juges ne peuvent lui donner un autre sens « sous prétexte de rechercher l’intention des parties », sans quoi leur décision dénaturerait l’acte interprété. - La dénaturation est donc une erreur d’interprétation grossière, manifeste d’un acte juridique par les juges du fond, qui donnent un tout autre sens que celui résultant de toute évidence des termes du contrat. Elle représente donc une atteinte à l’article 1134 du Code civil, car elle viole directement la force obligatoire du contrat et déjoue la sécurité juridique qui doit permettre aux parties de compter sur l’effet obligatoire d’une disposition non équivoque. Même si elle leur paraît injuste, la clause claire et précise doit ainsi être appliquée par les tribunaux. - Les décisions des juges du fond qui dénaturent un contrat peuvent donc être censurées par la Cour de cassation depuis un arrêt du 15 avril 1872, qui peut ainsi empêcher les juges du fond de refaire le contrat en équité sous prétexte de l’interpréter. Dans l’affaire du contrat de location-gérance, on peut éventuellement, au prix de nombreuses suppositions, voir dans la décision de la Cour d’appel une recherche de l’intention réelle des contractants poussée à l’extrême, jusqu’au point où l’on considère que la clause d’indivisibilité clairement stipulée dans le contrat n’aurait pas dû englober toutes les clauses du contrat, dans la mesure où elle ne reflétait pas la véritable volonté du locataire-gérant (pour qui la clause d’indexation de la redevance sur l’indice des prix n’aurait en fait pas été déterminante). Pour appuyer cette thèse, on peut dire que selon F.-X. Testu, la clause d’indexation n’était effectivement pas déterminante pour le locataire-gérant, mais seulement pour son cocontractant ; d’autre part, certains auteurs ont prétendu extraire de la jurisprudence une règle selon laquelle seule la partie déterminée par la clause irrégulière peut s’en prévaloir
pour demander la nullité du contrat tout entier. Cette idée a peut-être influencé la Cour d’appel lorsqu’elle a considéré que la nullité de la clause d’indexation n’invalidait pas le contrat. Le raisonnement sous-jacent pourrait alors être que la clause d’indivisibilité ne faisait en fait pas référence à cette clause d’indexation, qui n’était « de toute évidence » pas déterminante pour le locataire-gérant. Il ne s’agit cependant que de suppositions, et il est clair que la Cour d’appel a objectivement ignoré une clause d’indivisibilité qui n’était absolument pas équivoque (la volonté des parties n’avait pas été extériorisée de façon défectueuse). II) Les conditions d’exercice du contrôle de dénaturation par la Cour de cassation A) Clarté et précision de la clause dénaturée - La Cour de cassation ne peut exercer un contrôle de dénaturation que lorsqu’a été dénaturé le « sens clair et précis » d’une clause du contrat, ou lorsqu’on a fait dire arbitrairement à une clause claire le contraire de ce qu’elle dit en réalité. - Si le contrat est obscur ou même seulement ambigu, l’interprétation des juges (par définition délicate) ne pourrait être qualifiée de manifestement erronée et elle redeviendrait donc souveraine. Selon Muriel Fabre-Magnan, «l’ambiguïté de l’acte est une défense classique au grief de dénaturation : en cas d’ambiguïté, il ne peut y avoir de dénaturation, et la Cour de cassation ne peut donc pas critiquer l’interprétation proposée alors souverainement par les juges du fond». B) Absence d’intention frauduleuse dans la clause dénaturée La clause dénaturée par le juge de fond ne doit présenter aucun caractère frauduleux, sans quoi elle serait réputée non écrite. Dès lors aucun contrôle de dénaturation ne pourrait s’effectuer contre le contrat, puisqu’elle serait anéantie. On voit que dans le cas de la location-gérance, si la clause d’indivisibilité dénaturée était trouvée nulle, aucun contrôle de dénaturation ne pourrait être effectué puisque sans sa clause d’indivisibilité le contrat serait beaucoup moins clair et précis quant aux conséquences de la nullité de la clause d’indexation sur la validité du contrat. Dès lors la décision de la Cour d’appel ne dénaturerait pas clairement le contrat, et la nullité de la clause d’indexation ne pourrait alors entraîner la nullité du contrat dans son entier. Selon F.-X. Testu, «La clause d’indivisibilité peut elle-même être réputée non écrite lorsque sa présence révèle une volonté frauduleuse. L’identification d’une fraude par le juge permet alors de maintenir le contrat».
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