Le bilan dressé par l'instance d'évaluation montre que le contrôle-sanction n'est pas adapté à "l'infractionnisme" de masse qui caractérise les conducteurs français. Il conduit à s'interroger sur son efficacité et sur l'application des sanctions, compromise par les indulgences. C'est pourquoi le rapport invite à accroître les contrôles et à sanctionner effectivement les infractions pour changer les comportements. Ceci passe d'abord par l'automatisation du contrôle de la vitesse et de la perception des amendes, avec à cet effet la création d'une structure dédiée ; ensuite par la formation de forces spécialisées consacrant dans chaque départements la totalité de leur temps à la sécurité routière. Le rapport propose enfin de sensibiliser les usagers par d'importants efforts de communication et de traduire la loi en objectifs mesurables pour assurer un suivi local et national de la politique. Avant même la publication du rapport, certaines des propositions formulées ont déjà été retenues par le Comité Interministériel de la Sécurité routière de décembre 2002 et la loi du 13 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière. Ternier (M), Phelippeau (E), Malibert (P), Vilmart (C). Paris. http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/document.xsp?id=Temis-0047420
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Langue
Français
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1 Mo
Extrait
CONSEIL NATIONAL DE LÉVALUATION
COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN
La politique de sécurité routière Les systèmes locaux de contrôle-sanction
Rapport de linstance dévaluation présidée par Michel Ternier
La Documentation française
Rapport de l instance d évaluation de la politique de sécurité routière
Président Michel Ternier
Rapporteur général Éric Phélippeau
Rapporteur Philippe Malibert
Représentant du Commissariat général du Plan Christian Vilmart
Septembre 2003
Avant-propos
par Alain Etchegoyen Commissaire au Plan
Il aura fallu du temps pour que la sécurité routière soit considérée comme un problème politique. Notre pays a coutume de ne qualifier de politiques que les questions à clivages, à dissensions, à distributions partisanes. Dans une Europe pacifiée, les morts semblent victimes « daccidents », cest-à-dire de choses qui arrivent, comme par hasard, aux uns ou aux autres. Ce rapport dévaluation concerne pourtant bien une « politique » publique, sans doute lune des plus concrètes, puisquelle touche à la chair de nos concitoyens et quil y est question de vie et de mort. Par ses enjeux, la sécurité routière plonge au cur de nos comportements et de notre destin.
Il nest donc pas étonnant que des concepts majeurs pour une démocratie y soient évoqués :responsabilité, liberté, sécurité. Mais le groupe de travail qui, sous la présidence de Michel Ternier, a évalué notre politique de sécurité routière, ne sest pas encombré de questions idéologiques, même transfigurées de quelques oripeaux métaphysiques. En effet, lefficacité dune politique qui évite les deuils des familles, la mort des personnes ou leurs infirmités définitives est prioritaire par rapport à maintes arguties. Une politique de sécurité routière ne peut faire le pari insensé de la responsabilité individuelle car chacun, à tous moments, peut être victime de l'irresponsabilité dautrui. Il est alors trop tard.
Ce rapport a le mérite denvisager toutes les conditions dune politique : conditions techniques, économiques, juridiques, statistiques, judiciaires, industrielles, psychologiques, jusquà lacceptabilité politique de mesures qui pourraient être qualifiées dautoritaires.
On ne saurait regretter quil suggère des mesures déjà mises en uvre par le ministère de lIntérieur car le temps de lévaluation nest pas homogène au temps de la décision. La liberté de lévaluation permet dans le même temps à ce rapport de proposer des organisations originales des pouvoirs publics dédiés à la sécurité routière qui, elles, nont pas encore été retenues.
Retenons surtout de ce rapport linsistance quil met à défendre les mesures de contrôle automatique qui sont nettement plus dissuasives que les contrôles humains, plus rares, plus improbables et plus aléatoires. Il démontre que nos libertés nen sont nullement menacées et que nos vies en sont davantage protégées car, après tout, notre première liberté est de survivre, dans lintégrité de nos corps et de nos familles. On ne peut pas dire que tout le reste est « littérature », car ce serait trop péjoratif pour lart décrire, mais on peut affirmer que les enjeux de la sécurité routière justifient le recours à ce que le pouvoir politique a de plus noble, cest-à-dire à son autorité, qui se fonde dans sa responsabilité.
Chapitre Premier - Introduction.......................................................... 19
1.
1.1. 1.2.
2.
2.1. 2.2.
La sécurité routière : une politique interministérielle à histoire(s) ............................................................................................. 19
La transformation des référentiels de la sécurité routière....................................19 Prendre au sérieux les dispositifs de contrôle-sanction .......................................27
Les problèmes soulevés par lévaluation de cette politique interministérielle.................................................................................... 32
La délicate naissance dun projet dévaluation....................................................32 Évaluer la sécurité routière par ses dispositifs de contrôle-sanction ...................35
3. Lobjet, les enjeux et les méthodes dune évaluation par le « bas » du contrôle-sanction routier.......................................... 39
3.1. La construction du projet dévaluation................................................................39 3.2. Lorganisation et la dynamique de lévaluation ..................................................43
Chapitre 2 - Les représentations et les savoirs locaux en matière de sécurité routière............................................................. 45
1.
1.1. 1.2. 1.3. 1.4. 1.5.
2.
2.1. 2.2.
3.
Une politique aux objectifs incertains, à la mise en uvre problématique et aux résultats flous .................................................... 45
La sécurité routière, une « politique au rabais »..................................................46 Les difficultés inhérentes à la mise en uvre dune politique interministérielle ........................................................................50 Les difficultés attachées à la mise en uvre du contrôle-sanction ......................56 Les tensions avec les usagers de la route.............................................................60 Des interrogations concernant lefficacité du système actuel..............................61
Excursus sur les monographies descriptives ....................................... 65
Le format des monographies descriptives ...........................................................66 Les informations produites et mobilisées par les acteurs ....................................68
Chapitre 3 - Lanalyse des filières pénales.......................................... 75
1.
1.1. 1.2.
2.
2.1. 2.2.
3.
3.1.
3.2.
4.
4.1. 4.2. 4.3.
Portrait densemble des affaires traitées par lenquête...................... 75
Le nombre dinfractions constatées .................................................................... 76 Les caractéristiques des infractions constatées ................................................... 79
Leffectivité du traitement des infractions constatées ........................ 83
Retraitement des résultats ................................................................................... 83 Analyse des résultats présentés ........................................................................... 87
Les délais de traitement selon le type dinfraction ............................. 92
Retraitement des résultats : comparaison globale des délais de traitement par ressort .................................................................... 92 Les délais de traitement selon le type de procédure judiciaire............................ 95
Effectivité et procédures ................................................................................... 104 Délais et procédures .......................................................................................... 105 Efficience et procédures.................................................................................... 105
Chapitre 4 - Les acteurs face à leur travail Interprétation et propositions locales daction .......................................................... 109
1.
1.1. 1.2. 1.3.
2.
2.1. 2.2.
Retours réflexifs sur quelques résultats de pratiques....................... 109
Les interprétations locales des acteurs de la chaîne de contrôle-sanction ......... 110 La faiblesse de leffectivité de la chaîne de contrôle-sanction.......................... 113 Synthèse des enseignements de la deuxième vague dentretiens ...................... 118
Les propositions dévolution dans lorganisation du contrôle-sanction ............................................................................ 123
Les axes de proposition..................................................................................... 123 La faisabilité des propositions formulées par les groupes de travail locaux ..... 128
La valeur de la prévention dun accident et le contrôle du risque routier par la responsabilité civile et pénale .................... 132
La valeur de prévention dun accident .............................................................. Lévolution du risque et limpact de la vitesse ................................................. Le contrôle des comportements risqués ............................................................
133 138 142
2.
2.1. 2.2. 2.3.
3.
3.1. 3.2. 3.3.
4.
4.1. 4.2.
Modalités de contrôle de la vitesse ..................................................... 149
Contrôle avec interception et seuil de vitesse sanctionnée ................................149 Contrôle des excès de vitesse par utilisation des tickets sur les autoroutes.......152 Automatisation du contrôle de vitesse...............................................................155
Spécialiser ou professionnaliser les forces de sécurité routière ? .... 166
La situation actuelle ..........................................................................................167 Les moyens dune efficacité accrue du système................................................168 Lopportunité dun creuset de formation commun police-gendarmerie ............171
Les contrôles dalcoolémie .................................................................. 173
Programmer labandon des éthylotests chimiques insuffisamment sensibles ...174 Organiser et évaluer le dépistage préventif dune alcoolisation excessive........176
Chapitre 6 - Bilan, propositions et recommandations ..................... 179
1. Le bilan global ..................................................................................... 180
1.1. Les principaux résultats obtenus .......................................................................180 1.2. Le diagnostic .....................................................................................................182
2. Propositions et recommandations ...................................................... 184
2.1. Lenvironnement institutionnel .........................................................................184 2.2. Une organisation hiérarchique responsable de la sécurité routière....................187 2.3. Une politique de sécurité routière en cohérence avec les données de laccidentologie ............................................................................................191 2.4. Les investissements dans le système automatisé de contrôle-sanction et le redéploiement des forces affectées à la sécurité routière ...........................193 2.5. La politique de communication .........................................................................194 2.6. Lapolitique pénale en matière de circulation routière ......................................195
Avis des ministères .............................................................................. 203
Annexe 1 - Composition de linstance................................................ 221
Annexe 2 - Composition des groupes de travail locaux ................... 223
Annexe 3 - Cahier des charges de linstance .................................... 227
Annexe 4 - Liste des personnes auditionnées par linstance dévaluation ......................................................................................... 241
Annexe 5 - Guide dentretien avec les acteurs du contrôle-sanction............................................................................ 245
Annexe 6 - Processus nationaux de la chaîne de contrôle-sanction ............................................................................ 253
Annexe 7 - Liste des sigles utilisés...................................................... 261
Annexes consultables sur le site du Commissariat général du Plan
Déroulement de lévaluation
Séminaire avec lOCDE sur les expériences internationales en matière de contrôle et de sanction des infractions routières
Évaluation économique
Évaluation de lefficacité du dispositif local de contrôle-sanction (Deloitte & Touche)
Séminaire avec lOCDE : communications présentées
www.plan.gouv.fr
www.evaluation.gouv.fr/cgp
Préface
par Michel Ternier président de linstance
« Lobéissance à la loi est prescrite est liberté » qu on s Jean-Jacques Rousseau
La politique interministérielle de sécurité routièreest née en 1970. Cest la date de création de la mission interministérielle, devenue en 1972 Délégation interministérielle à la sécurité routière.
Depuis cette date, des progrès importants ont été obtenus. En trente ans, le nombre de morts a été divisé par plus de deux : 16 617 morts en 1972, 7 720 en 2001, alors que, dans lintervalle, le trafic a été multiplié par trois. Ces progrès résultent essentiellement de lamélioration des véhicules et des infrastructures, de la généralisation des limites de vitesse, du port obligatoire de la ceinture et de la meilleure efficacité des secours aux accidentés.
Pourtant, la sécurité routière reste un problème majeur. Depuis 1945, la route a fait plus de morts que la guerre 1939-1945 de morts civils. Les accidents ont été la cause denviron 100 000 handicapés, dont la vie est un calvaire, pour eux et leur famille. morts, etEn 2002, les statistiques (provisoires) indiquent 7 230 137 523 blessés.
Le coût économique des accidents de la route est estimé à près de 30 milliards deuros pour 2002.
La France reste mal située au niveau international. Le nombre de tués par kilomètre parcouru est environ le double de celui de pays tels que le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou la Suède.
Tel est le contexte dans lequel lévaluation des systèmes locaux de contrôle-sanction de la politique de sécurité routière a été décidée.
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- Préface -
Linstance dévaluation des systèmes locaux de contrôle-sanction de la politique de sécurité routière a été mise en place auprès du Commissariat général du Plan en avril 2001, suite à la décision du Comité interministériel à la réforme de lÉtat doctobre 2000.
Linstance a été chargée de réaliser une évaluation ex-post de la mise en uvre de la politique nationale de sécurité routière par les systèmes locaux de contrôle-sanction. Elle devait ensuite émettre des recommandations pour améliorer lefficacité du dispositif actuel.
Dans le cadre de sa mission, cette instance de dix-huit experts sest réunie plus dune vingtaine de fois. Elle aauditionné de nombreuses personnalités. Elle a organiséavec lOCDE un séminaire sur les expériences étrangères les plus intéressantes. Ce séminaire a montré quune amélioration rapide de la sécurité routière exige daugmenter la probabilité, pour un conducteur, dêtre contrôlé et sanctionné.
Linstance sest par ailleurs engagée dansune démarche originaledévaluation associant étroitement niveau national et niveau local. Elle a fait procéder àdes enquêtes de terrain avec le soutien de groupes de travail locaux, mobilisant des acteurs du contrôle-sanction dans six ressorts judiciaires. Ces enquêtes visaient à approfondir la connaissance du fonctionnement concret de la filière pénale en matière de sécurité routière. Elles ont permis de mesurer lefficacité des dispositifs locaux de contrôle-sanction.
Deux types dinvestigation ont été combinés : −desinvestigations qualitatives au moyen dentretiens auprès dacteurs locaux.200 entretiensété conduits pour les besoins de lenquête ;ont −des investigations dordre plus quantitatif, consistant à suivre des affaires tout au long de la chaîne de traitement, depuis la constatation de linfraction jusquà la sanction. Lanalyse quantitative a porté sur unéchantillon de 5 000 affaires.
Pour mener ces enquêtes et ces analyses, linstance a fait appel aux services dun prestataire extérieur, Deloitte & Touche. Ce vaste programme denquêtes, commencé en décembre 2001, sest achevé en février 2003. Au-delà de lactivité très importante du consultant, le travail accompli pour linstance a été considérable. Environ 120 personnes ont été associées à cette évaluation : membres de linstance ou des groupes de travail locaux, chercheurs ou experts