Entre fonctions et statuts, les relations hiérarchiques dans les établissementsde santé

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Ce rapport est le fruit de deux études réalisées dans les services de cardiologie de deux hôpitaux différents de la région parisienne, l'un public et l'autre privé lucratif. L'enquêteur est resté six semaines dans chacun, notant ses observations sur un journal de terrain et interviewant en tout 119 personnes. Dans la première partie, il s'interroge sur la notion de fonctions et de statuts afin de définir qui fait quoi et à quel titre (structure des professions, tâches, glissement de tâches...). La deuxième partie constate deux formes distinctes de relations d'encadrement : surveillance et gouvernance. La troisième partie décrit deux formes d'autorité restreinte, la prescription et la délégation. En conclusion, les auteurs constatent qu'en milieu hospitalier, il faut distinguer les relations hiérarchiques des relations de pouvoir, ce qui explique qu'il y ait moins de chefs et plus de pression hiérarchique. Il note aussi des divergences importantes entre public et privé.
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Publié le

01 septembre 2006

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Langue

Français

RAPPORT DE
RECHERCHE
Entre fonctions et statuts,
les relations hiérarchiques
dans les établissements
de santé
NICOLASJOUNIN
LOUPWOLFF
« LE DESCARTES I »
29, PROMENADE MICHEL SIMON
93166 NOISY-LE-GRAND CEDEX
TÉL. 01 45 92 68 00 FAX 01 49 31 02 44
MÉL. cee@cee.enpc.fr
s e p t e m b r e 2 0 0 6 32
r a p p o r t d e
r e c h e r c h e «RAPPORT DE RECHERCHE
Entre fonctions et statuts,
les relations hiérarchiques
dans les établissements
de santé
NICOLAS JOUNIN
Centre d’études de l’emploi
LOUP WOLFF
Centre d’études de l’emploi
Septembre 2006 N°32Cette recherche a été financée par la Direction de la recherche, des
études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), au sein du
ministère de la Santé et des Solidarités.
ISSN 1776-2979
ISBN 2-11-096188-0 Entre fonctions et statuts, les relations hiérarchiques
dans les établissements de santé
Nicolas Jounin, Loup Wolff
RESUMÉ
Ce travail vise à approfondir la présentent bien une réalité, ou si public ou bien les cadres infir-
connaissance des formes de hié- elles signalent plutôt l’embarras miers non diplômés de l’hôpital
rarchie, d’autorité et d’enca- des personnes face à une question privé.
drement dans les hôpitaux, à qui interroge leur rapport au pou- Néanmoins, les métiers les plus
partir d’un travail de terrain quali- voir dans l’organisation hospita- directement liés au soin restent
tatif et de l’enquête sur les condi- lière, sans parvenir à en décrire les moins affectés par des chan-
tions et l’organisation du travail les modalités de manière satisfai- gements dans leurs statuts ou
auprès d’actifs des établissements sante. dans leurs fonctions. Ceux tou-
de santé réalisée en 2003 par la De ces deux axes de travail et de chant à l’hôtellerie en revanche
1Drees . l’association de deux techniques (nettoyage, restauration…), de
Les premières exploitations de d’enquête (statistique et ethno- plus en plus sous-traités (surtout
2l’enquête statistique ont mis à graphique ) est issue cette recher- dans le privé), connaissent des ré-
jour un paradoxe intéressant : che qui ne s’intéresse à aucune organisations importantes, tandis
elles montrent que les actifs hos- catégorie professionnelle en par- que le statut de sous-traitant ins-
pitaliers sont moins nombreux à ticulier, mais aux relations hiérar- taure un critère hiérarchique sup-
déclarer « avoir un ou plusieurs chiques que tous les types de plémentaire. Les phénomènes
salariés sous leurs ordres ou leur personnel entretiennent entre eux. d’externalisation et leurs implica-
autorité » (par rapport aux décla- tions ne peuvent être saisis que Avant de nous intéresser au com-
rations relevées dans l’enquête par l’enquête ethnographique, car mandement en lui-même, il a
Conditions de travail 1998 de la ils n’apparaissent pas dans le fallu essayer de comprendre
Dares) et que pourtant les questionnaire de l’enquête Drees, l’organisation hiérarchique des
« contrôles ou surveillances per- dont l’échantillon a été constitué fonctions et des statuts. Il est
manents exercés par la hiérar- à partir de données issues de re-apparu que la rigueur apparente
chie » sont plus fréquemment montées administratives fournies liée au cadre formel des profes-
ressentis par l’ensemble des sala- par les employeurs (c'est-à-dire sions réglementées n’implique
riés. En d’autres termes, il y au- les établissements de santé). pas nécessairement que la réparti-
rait moins de chefs et plus de tion des tâches et de la reconnais- Une fois cette mise au point faite
contrôles hiérarchiques à l’hôpi- sance soit partout la même. Cer- sur la hiérarchie, conçue comme
tal. Voilà qui invite à réexaminer tes, les membres des professions système inégalitaire de distribu-
la notion de « hiérarchie ». réglementées font partout un tion des tâches, des biens et des
De même, l’examen des réponses travail similaire (malgré des glis- honneurs, il est possible de
des différentes professions à la sements de tâches, notamment s’intéresser aux relations de pou-
question des responsabilités hié- dans le privé). Mais il apparaît voir. Il apparaît que la question :
rarchiques (« Avez-vous un ou que plus les catégories profes- « Avez-vous un ou plusieurs
plusieurs salariés sous vos ordres sionnelles sont basses, plus leur salariés sous vous ordres ou sous
ou votre autorité ? ») invite à activité est floue, ou bien suscep- votre autorité ? » embrasse plu-
investiguer les relations de pou- tible d’être modifiée au gré des sieurs formes des relations de
voir dans les établissements de arrangements locaux ou des choix pouvoir observables à l’hôpital.
santé. De manière attendue, les des responsables hiérarchiques. Une partie des réponses positives
cadres infirmiers répondent mas- Les catégories les plus basses à cette question s’identifie à des
sivement positivement. Mais, à n’ont cependant pas le monopole relations d’encadrement. Au vu
côté de ces derniers, la moitié de la déconnexion entre fonction des résultats de l’enquête, on a
des médecins et un quart des et statut, comme le montrent les choisi de distinguer, à l’intérieur
infirmiers estiment être aussi exemples des médecins à diplôme de ces relations, deux formes
concernés. Il s’agit là de propor- étranger employés par l’hôpital distinctes de l’encadrement : la
tions délicates à interpréter, ni surveillance et la gouvernance.
écrasantes ni négligeables, dont La, identifiable aussi
on peut se demander si elles re- 2 bien dans les statistiques que sur Le travail ethnographique a consisté en
le terrain, consiste dans le deux monographies de services de
cardiologie, dans deux hôpitaux différents contrôle quotidien de l’exécution
1
Cf. R. Le Lan, D. Baubeau, Les de la région parisienne, l’un public et du travail par les personnels. Elle
conditions de travail perçues par les l’autre privé lucratif. L’enquêteur est resté revient, principalement, aux ca-
professionnels des établissements de six semaines dans chacun, notant ses
dres de proximité, c'est-à-dire à santé, Etudes et Résultats, n° 335, août observations sur un journal de terrain et
2004. interviewant en tout 119 personnes. ceux qui n’ont que des exécutants sous leur responsabilité. Leur entre deux catégories définies santé se heurte ainsi à la multipli-
pouvoir s’exerce sur un territoire abstraitement : par leurs prescrip- cité des hiérarchies et à la com-
strictement délimité et sur des tions, les médecins dictent une plexité des modalités selon les-
personnes clairement identifiées partie de l’activité des infirmiers, quelles ces hiérarchies opèrent.
comme leurs subordonnés. La ils s’adressent au corps infirmier, Les évolutions récentes – tant
gouvernance est moins visible et non à des individus en particu- celles impulsées par les politiques
dans le terrain ethnographique lier. C’est à la hiérarchie soi- publiques en matière de réorgani-
(centré sur des services hospita- gnante d’organiser concrètement sation de l’activité hospitalière
liers et remontant peu à la source la manière dont les infirmiers que celles imputables aux chan-
des politiques d’établissement) et obéissent aux prescriptions médi- gements démographiques – affec-
davantage à partir du travail sta- cales. L’autorité des médecins est tent de manière différenciée ces
tistique. Il s’agit d’une forme donc théoriquement circonscrite. différentes formes de relations de
d’encadrement plus lointaine, Dans la réalité, l’étendue de la pouvoir. Il semble notamment
fondée sur la définition d’objec- subordination des infirmiers aux que les réformes en cours, portant
tifs et de procédures. Tandis que médecins est l’objet de négocia- une attention particulière aux
la surveillance porte sur le travail tions constantes. L’implication objectifs gestionnaires des éta-
tel qu&#

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