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Inégalités au travail et prévention :
Les enjeux de l’articulation entre
vie professionnelle et vie personnelle
chez les employé(e)s de bureau
NS 276 NOTE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUEInégalités au travail et prévention :
Les enjeux de l’articulation entre
vie professionnelle et vie personnelle
chez les employé(e)s de bureau
Marie-Pierre MARTINET
INRS, Département Homme au Travail
Laboratoire Gestion de la Sécurité
NS 276
décembre 2008
Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles
Siège social : 30, rue Olivier-Noyer 75680 Paris cedex 14 • Tél. 01 40 44 30 00 • Fax 01 40 44 30 99
Centre de Lorraine : rue du Morvan CS 60027 54519 Vandœuvre Les Nancy cedex • Tél. 03 83 50 20 00 • Fax 03 83 50 20 97Prologue
Au travail, des discriminations en matière de formation, d'emploi ou de santé restent
prégnantes. Dans ces domaines, la variable de « genre » semble déterminante. Pourtant le
principe de l'égalité entre les sexes est inscrit dans le préambule de la Constitution française de
1946 et s’est vu rappelé dans la loi no 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes comme dans la charte de l'égalité entre les hommes et les
femmes adoptée en 2004 en France : ces textes instituent l’obligation de négocier sur l’égalité et
de l’intégrer à toutes les négociations portant sur les salaires, la durée et l’organisation du travail.
Mais la persistance d’écarts entre les hommes et les femmes en matière de rémunération
(>15%), comme de taux de chômage, illustre bien ces discriminations. L'absence de mixité
professionnelle (observable dans la quasi-totalité des pays) qui se traduit notamment par la
concentration des femmes dans les métiers non qualifiés du tertiaire en est un autre effet.
Dans une perspective de prévention des risques psychosociaux (stress, dépressions, violence…)
la persistance de ces inégalités invitent à une évaluation régulière et à la recherche de leviers
d’action pour remédier à la situation. C’est l’objet de cette étude exploratoire qui porte sur la
question de l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle chez les employé(e)s de
bureau en Ile de France.
Menée dans le cadre d’un partenariat entre l’INRS et l’Université de Versailles-St Quentin-en-
Yvelines, cette étude s’est intéressée à la gestion du temps de travail/hors travail d’une
population particulière (les employées) et ses rapports avec la santé perçue. Elle s’est appuyée
sur une recherche bibliographique pluridisciplinaire (sociologie, ergonomie, psychologie et
psychodynamique du travail), complétée par un travail d’enquête. L’enquête a été réalisée
auprès d’employé(e)s et de médecins, sur la base d’entretiens et de questionnaires remplis en
marge de visites médicales dans un centre de médecine du travail. Enfin elle s’accompagne d’un
recueil de points de vue de responsables de ressources humaines et d’universitaires travaillant
sur la thématique.
L’étude présente une double originalité : d’abord dans l’analyse de l’articulation entre travail et
hors-travail et de ses effets sur la santé-sécurité. Peu de travaux portent en effet sur la
« conciliation » entre travail et vie personnelle dans ses dimensions santé-sécurité alors que la
question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est devenu un enjeu du
management (le « Work-Life Balance » anglo-saxon). Ensuite dans le choix de la population,
celle d’employé(e) de bureau, catégorie socio-professionnelle représentant 30% de la population
active et féminisée à 76%, régie par des horaires « standards », finalement moins étudiés que
ceux décalés ou atypiques. Par ailleurs, le choix de la région parisienne avait pour but de tester les effets en termes de
déplacements domicile/travail, d’un territoire à forte pression foncière au regard d’une
population aux rémunérations modestes.
Que penser de l’articulation des « temps sociaux » professionnels et personnels pour les
employé(e)s ? L’enquête confirme l’hypothèse d’une relation avec les risques psychosociaux
lorsque cette articulation est difficile. Mais ce que montre particulièrement l’étude, ce sont les
compromis élaborés pour concilier vie professionnelle et vie personnelle. Ces compromis sont
parfois pénibles, toujours fragiles et surtout sont réservés aux femmes ; l’élaboration de
compromis constitue un véritable travail pour rendre compatibles les deux sphères d’activité.
L’étude explicite ainsi la façon dont l’articulation s’opère, les ressources et les contraintes qui la
composent. Elle montre la porosité entre les deux sphères, les manières d’utiliser les temps
intermédiaires (trajets, transports...). Elle fait apparaître des co-facteurs de discrimination
(revenus du ménage, charge parentale ou d’ascendants, etc.), elle pointe les effets défavorables
possibles de certaines règles en matière de temps de travail (horaires fixes, congés, etc.) et les
effets différés de certains choix de conciliation (temps partiel et baisse des cotisations de
retraite, etc.).
D’un point de vue méthodologique, les difficultés rencontrées pour l’enquête peuvent être
relevées comme autant d’éléments à approfondir dans une perspective de complément d’étude :
notons ainsi la difficulté des salariés de parler de cette articulation (est-ce par manque de mots
pour définir ce travail ou par l’existence de normes sociales qui tendent à le masquer ?) ou
encore la difficulté d’interpeller ceux ou celles qui rencontrent une forte charge de travail et
sont précisément peu disponibles. Une autre limite concerne le fait de ne pas pouvoir prendre
en compte ceux ou celles, qui, de manière temporaire ou définitive, sont « sortis » du travail
(faute de possibilités de conciliation ?).
Pour résumer, les apports de l’étude concernent plus précisément :
- l’importance de l’articulation, qui doit être considérée comme un travail en tant que tel ;
déjà identifié comme une activité en soi pour lier les tâches entre elles et contribuer aux
1finalités , c’est souvent un impensé de l’organisation du travail ;
- le résultat de ce travail d’articulation qui influence le degré d’acceptation par l’individu des
diverses contraintes de travail et hors-travail et permet de limiter ou non leur effet
cumulatif sur la santé ;
1 Strauss A., 1992, La trame de la négociation. Sociologie qualitative et interactionnisme, L’harmattan, Paris. - l’existence et le type des stratégies mises en place ainsi que la nature sexuée de ces
régulations.
Sans répondre de manière définitive aux différentes hypothèses soulevées, l’étude suggère donc
pour la prévention un certain nombre de réflexions dont certaines pourraient donner lieu à des
prolongements au titre de recherches ou de préconisations :
- l’influence du genre sur la prévention des risques professionnels, dans une perspective de
« gender mainstreaming » (approche intégrée de l’égalité) ;
- la mise en œuvre par les entreprises ou collectivités de mesures de gestion spécifiques pour
la conciliation temporelle vie professionnelle / vie personnelle ;
- la forme et l’importance du travail d’articulation vie professionnelle/personnelle pour la
prévention des risques psychosociaux ;
- la possibilité d’évaluer les liens entre risques psychosociaux et articulation à l’aide
d’indicateurs de santé adéquats ;
- l’intérêt de moyens et démarches de sensibilisation à destination des médecins du travail
mais aussi des services RH, comités d’entreprises, etc.
Dans un contexte où, particulièrement en France, le travail et l’emploi restent considérés autant
comme des sources de développement économique que d’identité individuelle, M-P.Martinet
apporte une contribution pour mieux penser la relation entre entreprise et société et ses
rapports avec la santé, dans une perspective d’égalité professionnelle.
Eric Drais
Je tiens à remercier tout d’abord le département « Homme au travail », sous la direction de
Michel Berthet, qui a accepté de m’accueillir en stage, au sein du laboratoire « Gestion de la sécurité »
dirigé