Rôle et chance du droit et des juges dans la construction de l Europe - article ; n°1 ; vol.26, pg 5-19
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1974 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 5-19
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Pescatore
Rôle et chance du droit et des juges dans la construction de
l'Europe
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 26 N°1, Janvier-mars 1974. pp. 5-19.
Citer ce document / Cite this document :
Pescatore Pierre. Rôle et chance du droit et des juges dans la construction de l'Europe. In: Revue internationale de droit
comparé. Vol. 26 N°1, Janvier-mars 1974. pp. 5-19.
doi : 10.3406/ridc.1974.15413
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1974_num_26_1_15413ROLE ET CHANCE DU DROIT ET DES JUGES
DANS LA CONSTRUCTION DE L'EUROPE
par
Pierre PESCATORE
Juge à la Cour de justice des Communautés européennes
Professeur à l'Université de Liège
Le VIe Congrès international de droit européen, organisé à
Luxembourg du 24 au 26 mai 1973 par la Fédération internationale
pour le droit européen, a eu pour thème général : La jurisprudence
européenne après vingt ans d'expérience communautaire. Les tra
vaux du Congrès, concrétisés dans vingt-quatre rapports — nationaux,
communautaires et généraux — et trois journées d'exposés et de
discussions, ont servi à scruter la jurisprudence de la Cour des
Communautés européennes autant que celle des juridictions natio
nales sur les thèmes centraux du droit communautaire.
Nous reproduisons ci-après le rapport inaugural du professeur
Pierre Pescatore, président de la F.I.D.E., qui a tracé le cadre général
du Congrès en parlant du rôle et de la chance du droit et des juges
dans la construction de l'Europe. Nous donnons ensuite également
l'exposé final de M. Léon Goffin, président de l'Association belge
pour le droit européen, qui a été élu, au cours de ce même Congrès,
président de la F.I.D.E.
Le thème de ce Congrès nous appelle à faire l'analyse d'un
phénomène nouveau dans les rapports internationaux. Il y a vingt ans,
six Etats de l'Europe occidentale, en créant les Communautés, ont
résolu de fonder leurs rapports, dans ce cadre, sur le respect du
droit et de faire confiance au juge. Je voudrais, et voilà l'articulation
très simple de cet exposé, expliquer tout d'abord ce que signifie
cet « appel au droit », en montrant surtout ce qu'il a de relativement
extraordinaire (I) ; ensuite, il s'agira de voir quelle a pu être la
réponse des juges en face de la tâche nouvelle qui leur a été, ainsi,
proposée : je me permettrai d'interroger à ce sujet, en premier lieu,
le juge communautaire (II) et, en second lieu, les juges nationaux (III). 6 ROLE ET CHANCE DU DROIT ET DES JUGES
I. — Le haut degré de « juridisation » du système communautaire
ET LA MISSION DU JUGE.
1. A la différence des rapports internationaux traditionnels qui,
en dépit de la prolifération des instruments juridiques sous forme,
surtout, de traités, restent politisés jusque dans leurs dernières
ramifications, les Communautés européennes sont profondément
imprégnées de droit, avec tout ce que cet ordre juridique implique
d'objectivité, de justice, d'obligations assumées et, au besoin, de
contraintes acceptées ; le droit s'y trouve présent sous ses multiples
formes d'expression contractuelle, législative, administrative et judi
ciaire ; il opère à la fois comme facteur de stabilité et comme instr
ument de développement. Le droit, en un mot, est actif au milieu du
système communautaire avec toutes les ressources et les virtualités
que seule la maîtrise de l'art juridique permet de reconnaître et de
mettre en valeur.
Historiquement, ce caractère juridique de la Communauté se
trouve en pleine évidence déjà dans la déclaration de Robert Schuman,
du 9 mai 1950, axée sur la création de cette « Haute Autorité nouv
elle » dont les décisions « lieront les Etats membres », et seront
« exécutoires » à l'intérieur de ceux-ci ( 1 ). Cependant, ce pouvoir
supra-étatique ne serait pas sans contrôle : la déclaration prévoit
aussi que des dispositions seront prises en vue d'assurer les « voies
de recours nécessaires contre les décisions de la Haute Autorité ».
Les principes et les engagements feraient l'objet d'un traité, signé
en bonne et due forme et soumis à la ratification des parlements
nationaux. Ainsi, tout l'essentiel est déjà, en germe, dans cette décla
ration, la plus constructive et la plus féconde qu'on ait jamais enten
due dans la vie internationale : l'engagement ferme des Etats
participants, l'institution d'un pouvoir voué à des fins communes,
le caractère exécutoire des dispositions de cette autorité à l'intérieur
des Etats membres, enfin, le contrôle juridictionnel.
Si jamais une promesse fut tenue et même dépassée, ce fut bien
celle-là. Car avec le recul que donnent plus de vingt années d'expé
rience, nous pouvons facilement reconnaître les traits juridiques
du système.
L'engagement consacré par les traités — pour cinquante ans
d'abord, pour une durée illimitée ensuite — ne s'épuise pas en de
simples promesses ou perspectives d'avenir. Bien sûr, les Traités
de Paris et de Rome sont, à bien des égards, et ces derniers surtout,
des « traités-cadre » qui appellent encore l'élaboration de programmes
et la mise en vigueur de multiples mesures d'application. Mais en
même temps, ils comportent des règles matérielles et précises qui
sont d'application « immédiate » — là aussi, il s'agit d'un élément
(1) V. le texte dans : René Hostiou, Robert Schuman et l'Europe, 1968, p. 137. DANS LA CONSTRUCTION DE L EUROPE 7
qui figure déjà, explicitement, dans la déclaration de Robert Schu
man (2). En conséquence, les créateurs de la C.E.C.A. ont fixé, dans le
Traité même, toute l'armature du Marché commun du charbon et de
l'acier ; quant au Traité C.E.E., bien qu'il prévoie un régime transi
toire fort élaboré, bien qu'il fasse un appel beaucoup plus large à
des décisions de politique économique et législative, il n'en reste
pas moins qu'il contient, comme le Traité C.E.C.A., un fond de dispo
sitions susceptibles d'application immédiate, à savoir notamment :
le principe de l'union douanière, désigné comme « fondement » du
Marché commun, et l'application généralisée du principe de trait
ement national — c'est-à-dire l'effacement systématique de toutes
distinctions et différences de traitement entre les Etats participants.
Ainsi, les créateurs des Communautés ont donné pour objet, aux
engagements mutuels, et cela en des termes juridiquement opérants,
la forme d'intégration la plus radicale que l'on ait jusque-là ima
ginée (3).
Au service de ces engagements, on a placé un pouvoir que l'on
a voulu efficace et qui, de la C.E.C.A. à la C.E.E., s'est diversifié
pour donner naissance à un véritable pouvoir législatif multinational,
opérant dans le cadre d'un plan relativement cohérent de politique
législative et disposant, sous la forme d'actes appelés modestement
par le nom de « règlements », d'un instrument d'une remarquable
efficacité (4). Parallèlement, les traités ont permis la mise en place
d'une administration commune, habilitée soit à intervenir direct
ement dans la vie économique, notamment dans le domaine de la
concurrence, soit à agir par l'intermédiaire des autorités nationales,
comme c'est le cas de la gestion des marchés agricoles, des douanes
et, en général, du commerce extérieur.
Mais la percée décisive du droit s'est faite à la faveur de l'institu
tion d'un organe juridictionnel, la Cour de justice. Conçue à l'origine
comme une garantie et un contrôle à l'égard des débordements
possibles de la Haute Autorité qui, dans le système du Traité de
Paris, réunirait l'essentiel des pouvoirs (5), la Cour a vu ses attribu
tions largement diversifiées dans les Traités de Rome.
Mais dès le premier début étaient déjà apparus les éléments
qui feront la force de la juridiction européenne : son caractère
obligatoire ; la conception large

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