Entre rhétorique et politique : l’histoire dans les collèges jésuites au XVIIe siècle - article ; n°1 ; vol.74, pg 59-88
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Entre rhétorique et politique : l’histoire dans les collèges jésuites au XVIIe siècle - article ; n°1 ; vol.74, pg 59-88

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Histoire de l'éducation - Année 1997 - Volume 74 - Numéro 1 - Pages 59-88
Does contemporary history teaching find its origin in the humanities ? That's what the historian of Jesuit education, François de Dainville, endeavoured to show, but the very evidence he relied on can be read in a different light. For neither educational finalities nor teaching practice in Jesuit classrooms, as defined by the Ratio studiorum, or reconstructed from textbooks, support F. de Dainville 's claim that history would have developed into an indépendant school subject through the teaching of the humanities ; rather they highlight the faithfulness of Jesuit teachers to the rhetorical tradition of Cicero and Quintilian, for whom history was chiefly a specific kind of discourse, while the study of the past still belonged to the Ciceronian field of antiquitas. As for the teaching of French history, which also took place in Jesuit colleges, it was part of a different kind of curriculum, taught only to privileged aristocratic boarders by private tutors.
Ist Geschichtsunterricht ein Ausfluß humanistischer Bildungsideale ? Diese These vertrat François de Dainville, der Nestor der jesuitischen Bildungsgeschichte ; allerdings lassen sich die von ihm herangezogenen Quellen auch anders interpretieren. Denn weder die in der Ratio studiorum festgelegten Unterrichtsziele noch die an Hand von Schülbuchern rekonstruierbare Unterrichtspraxis in den Jesuitenschulen stützen die Behauptung, Geschichte sei mittels des Lateinunterrichts zu einem eigenstdndigen Unterrichtsgegenstand geworden. Vielmehr laßt sich zeigen, daß die jesuitischen Lehrer den auf Cicero und Quintilian zuruckgehenden rhetorischen Traditionen eng verhaftet waren, für die Geschichte vor allem eine Form des Diskurses und ihr Studium nur im Zusammenhang mit der ciceronischen Kategorie der antiquitas denkbar war. Dagegen wurde die französische Geschichte in den Jesuitenschulen zwar ebenfalls gelehrt ; sie blieb aber Teil einer ganz spezifischen Unterrichtsform, wurde sie doch von Privatlehrern ausschließlich einem ausgewählten Kreis von adeligen Pensionatszöglingen vermittelt.
L'enseignement de l'histoire procède-t-il des humanités classiques ? C'était la thèse soutenue par l'historien de l'éducation des Jésuites, François de Dainville, mais les sources sur lesquelles il s'appuyait sont susceptibles d'une autre lecture. Car ni les finalités, ni les pratiques enseignantes des classes des collèges jésuites, telles qu'elles sont définies par la Ratio studiorum, ou qu'on peut les reconstruire à partir de manuels, ne viennent à l'appui de l'idée que l'histoire serait devenue matière scolaire autonome à travers l'enseignement des humanités ; elles mettent au contraire en lumière la fidélité des régents jésuites à la tradition rhétorique venue de Cicéron et de Quintilien, pour laquelle l'histoire était avant tout un type de discours, l'étude du passé ressortissant toujours à la catégorie cicéronienne d'antiquitas. Quant à l'histoire de France, enseignée aussi dans les collèges jésuites, elle relevait d'un autre type d'enseignement, dispensé par des précepteurs privés et réservé à la clientèle aristocratique des pensionnats.
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Annie Bruter
Entre rhétorique et politique : l’histoire dans les collèges jésuites
au XVIIe siècle
In: Histoire de l'éducation, N. 74, 1997. Les Humanités classiques. pp. 59-88.
Citer ce document / Cite this document :
Bruter Annie. Entre rhétorique et politique : l’histoire dans les collèges jésuites au XVIIe siècle. In: Histoire de l'éducation, N. 74,
1997. Les Humanités classiques. pp. 59-88.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hedu_0221-6280_1997_num_74_1_2909Abstract
Does contemporary history teaching find its origin in the humanities ? That's what the historian of Jesuit
education, François de Dainville, endeavoured to show, but the very evidence he relied on can be read
in a different light. For neither educational finalities nor teaching practice in Jesuit classrooms, as
defined by the Ratio studiorum, or reconstructed from textbooks, support F. de Dainville 's claim that
history would have developed into an indépendant school subject through the teaching of the
humanities ; rather they highlight the faithfulness of Jesuit teachers to the rhetorical tradition of Cicero
and Quintilian, for whom history was chiefly a specific kind of discourse, while the study of the past still
belonged to the Ciceronian field of antiquitas. As for the teaching of French history, which also took
place in Jesuit colleges, it was part of a different kind of curriculum, taught only to privileged aristocratic
boarders by private tutors.
Zusammenfassung
Ist Geschichtsunterricht ein Ausfluß humanistischer Bildungsideale ? Diese These vertrat François de
Dainville, der Nestor der jesuitischen Bildungsgeschichte ; allerdings lassen sich die von ihm
herangezogenen Quellen auch anders interpretieren. Denn weder die in der Ratio studiorum
festgelegten Unterrichtsziele noch die an Hand von Schülbuchern rekonstruierbare Unterrichtspraxis in
den Jesuitenschulen stützen die Behauptung, Geschichte sei mittels des Lateinunterrichts zu einem
eigenstdndigen Unterrichtsgegenstand geworden. Vielmehr laßt sich zeigen, daß die jesuitischen
Lehrer den auf Cicero und Quintilian zuruckgehenden rhetorischen Traditionen eng verhaftet waren, für
die Geschichte vor allem eine Form des Diskurses und ihr Studium nur im Zusammenhang mit der
ciceronischen Kategorie der antiquitas denkbar war. Dagegen wurde die französische Geschichte in
den Jesuitenschulen zwar ebenfalls gelehrt ; sie blieb aber Teil einer ganz spezifischen Unterrichtsform,
wurde sie doch von Privatlehrern ausschließlich einem ausgewählten Kreis von adeligen
Pensionatszöglingen vermittelt.
Résumé
L'enseignement de l'histoire procède-t-il des humanités classiques ? C'était la thèse soutenue par
l'historien de l'éducation des Jésuites, François de Dainville, mais les sources sur lesquelles il
s'appuyait sont susceptibles d'une autre lecture. Car ni les finalités, ni les pratiques enseignantes des
classes des collèges jésuites, telles qu'elles sont définies par la Ratio studiorum, ou qu'on peut les
reconstruire à partir de manuels, ne viennent à l'appui de l'idée que l'histoire serait devenue matière
scolaire autonome à travers l'enseignement des humanités ; elles mettent au contraire en lumière la
fidélité des régents jésuites à la tradition rhétorique venue de Cicéron et de Quintilien, pour laquelle
l'histoire était avant tout un type de discours, l'étude du passé ressortissant toujours à la catégorie
cicéronienne d'antiquitas. Quant à l'histoire de France, enseignée aussi dans les collèges jésuites, elle
relevait d'un autre type d'enseignement, dispensé par des précepteurs privés et réservé à la clientèle
aristocratique des pensionnats.ENTRE RHETORIQUE ET POLITIQUE :
l'histoire dans les collèges jésuites au XVIIe siècle
par Annie BRUTER
L'enseignement historique actuel procède-t-il des humanités classi
ques ? C'était la thèse du P. de Dainville dans un article déjà ancien
consacré à l'enseignement de l'histoire et de la géographie dans les
collèges jésuites d'Ancien Régime (1) (dont on n'envisagera ici que les
aspects touchant à l'histoire) : il y défendait l'idée de « l'origine human
iste de notre enseignement historique » (2). Fondé sur une connais
sance approfondie des archives de la Société de Jésus, et aussi sur une
documentation pédagogique jusque-là inexploitée, cet article consti
tuait une réplique à la tradition historiographique qui accusait les Jésui
tes d'avoir, délibérément, proscrit l'histoire de leur enseignement (3) :
il décrivait au contraire le processus de constitution d'un
historique au sein des collèges de l'ordre, depuis la phase d'élaboration
de la Ratio studiorum, marquée par l'« omission très consciente d'un
cours d'histoire » (4), jusqu'à la mise en place d'une « initiation histo
rique » destinée aux princes et aux pensionnaires (5), en passant par
une étape intermédiaire de progressive systématisation des éléments
enseignés : « à la faveur de leurs règles 2 et 15 {Ratio, 1599), les maît
res de rhétorique en vinrent assez vite à substituer aux gloses épar
pillées au gré de l'explication des auteurs des cours plus méthodiques
sur les institutions antiques » (6). L'impression produite est donc celle
(1) « L'enseignement de l'histoire et de la géographie et le Ratio studiorum », Studi
sulla Chiesa antica et suU'Umanesimo, Analeda gregoriana, Rome, 1954, repris dans
F. de Dainville, L'Éducation des Jésuites, Paris, Éd. de Minuit, réimp. 1991,
pp. 427-462. Les références données ici renvoient à ce dernier ouvrage.
(2) Ibid., p. 446.
(3) C'est notamment le cas de G. Compayré, Histoire critique des doctrines de
l'éducation en France depuis le XVIe siècle, Paris, 1879, p. 188, et d'É. Durkheim,
L'Evolution pédagogique en France, Paris, rééd. 1969, pp. 287-288.
(4) « L'enseignement de l'histoire (...) », art. cit., p. 443.
(5) Ibid., pp. 447-448.
(6)p. 445.
Histoire de l'éducation - n° 74, mai 1997
Service d'histoire de l'éducation
I.N.R.P. - 29, rue d'Ulm - 75005 Paris 60 Annie BRUTER
d'une continuité, de la Ratio à l'enseignement historique autonome, tel
que nous le connaissons.
Plusieurs motifs invitent pourtant à remettre en question la vision
ainsi proposée d'une « évolution » linéaire. Le schéma explicatif du P.
de Dainville semble en effet reposer sur une assimilation tacite - car
elle n'est pas problématisée dans l'article - entre l'enseignement histo
rique d'aujourd'hui et les pratiques de fréquentation du passé de l'e
nseignement humaniste, dont l'identité est postulée au départ.
La thèse de l'origine humaniste de l'enseignement historique appar
aît donc présente dès les prémisses de son travail, et ce jusque dans la
manière dont il a constitué sa documentation, son grand mérite étant
par ailleurs d'avoir rompu avec la vision étroitement littéraire et inst
itutionnelle des sources, qui prévalait jusque-là, pour recourir aux docu
ments proprement pédagogiques : c'est ainsi qu'il a retrouvé des cours
sur les institutions romaines, la chronologie ou la géographie, en les
quels il voit un enseignement historique en cours de formation. Mais,
tout en accumulant cette précieuse documentation, le P. de Dainville ne
pose jamais la question des critères présidant à son rassemblement. Il
ne se demande pas ce qu'était l'histoire pour les régents humanistes, ni
si les documents sur lesquels il s'appuie étaient de l'histoire à leurs
yeux. De même, il utilise indistinctement des documents émanant de
l'enseignement des « classes » des collèges et de l'enseignement des
« chambres », réservé aux pensionnaires : mais, là encore, l'identité en
tre les deux lieux est postulée au départ, alors qu'elle serait à établir
par une enquête préalable.
C'est cette enquête qu'on se propose de mener ici, en réexaminant
une partie au moins de la documentation sur laquelle le P. de Dainville
avait fondé son étude, la publication par le P. Lukâcs de l'ensemble des
archives pédagogiques jésuites pour la seconde moitié du XVIe siècle
facilitant désormais la tâche (1). Cependant,

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