Une fidélité difficile : les nouveaux chrétiens de Bahia et de Rio de Janeiro aux XVIIème et XVIIIème siècles - article ; n°2 ; vol.7, pg 209-220

Bartolomé Bennassar

Description

Histoire, économie et société - Année 1988 - Volume 7 - Numéro 2 - Pages 209-220
Abstract This article which is only complementary of Anita Novinsky's, José Gonzalves Salvador's and Arnold Wiznitzer's works, is founded on the Portuguese Inquisition records and especially on two important trials whose accused were judaizing, about twenty, proceeding from Rio de Janeiro, in the beginnings of XVIIIth century, after various denunciations. Most people, with high level of endogamy, were very well integrated in the Sugar Economy and owners of numerous slaves : «senhores de engenho», «lavradores de canas», merchants. Others were physicians or barristers ans there were several women, wifes, sisters and sisters-in-law, mothers... Confessions and witnesses prove the frequency of secret assemblies in their private houses or fazendas notwithstanding vestiges of messianism and usages like abstinence of Queen Esther, a very improvenshed religion.
Résumé Cet article qui se veut complément des travaux d'Anita Novinsky Salvador José Gonzalves ou Arnold Wiznitzer est fondé sur les Archives de l'Inquisition Portugaise et tout spécialement sur deux importants procès qui eurent lieu au début du XVIIIème siècle et concernèrent au total une vingtaine de marranes de Rio de Janeiro, tous arrêtés en octobre 1710, tout en faisant apparaître un nombre plus important de personnages. La plupart des accusés, qui se distinguent par un taux fort d'endogamie, habituel dans ce milieu, sont très intégrés dans l'économie sucrière. Ils sont presque tous «seigneurs de moulins», ilavradores de canas», marchands. Quelques uns sont médecins ou hommes de loi- et les femmes n'ont pas de profession. Grâce à confessions et témoignages on peut découvrir une tradition d'assemblées secretes qui avaient lieu dans les maisons ou les fazendas des judaïsants. Mais, en dépit de traces de messianisme et de la fidélité à certaines pratiques (jeûne de la reine Esther) il s'agissait bien d'un judaïsme appauvri.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1988
• Nombre de lectures: 31
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Bartolomé Bennassar
Une fidélité difficile : les nouveaux chrétiens de Bahia et de Rio
de Janeiro aux XVIIème et XVIIIème siècles
In: Histoire, économie et société. 1988, 7e année, n°2. pp. 209-220.
Résumé Cet article qui se veut complément des travaux d'Anita Novinsky Salvador José Gonzalves ou Arnold Wiznitzer est
fondé sur les Archives de l'Inquisition Portugaise et tout spécialement sur deux importants procès qui eurent lieu au début du
XVIIIème siècle et concernèrent au total une vingtaine de marranes de Rio de Janeiro, tous arrêtés en octobre 1710, tout en
faisant apparaître un nombre plus important de personnages. La plupart des accusés, qui se distinguent par un taux fort
d'endogamie, habituel dans ce milieu, sont très intégrés dans l'économie sucrière. Ils sont presque tous «seigneurs de moulins»,
ilavradores de canas», marchands. Quelques uns sont médecins ou hommes de loi- et les femmes n'ont pas de profession.
Grâce à confessions et témoignages on peut découvrir une tradition d'assemblées secretes qui avaient lieu dans les maisons ou
les fazendas des judaïsants. Mais, en dépit de traces de messianisme et de la fidélité à certaines pratiques (jeûne de la reine
Esther) il s'agissait bien d'un judaïsme appauvri.
Abstract This article which is only complementary of Anita Novinsky's, José Gonzalves Salvador's and Arnold Wiznitzer's works,
is founded on the Portuguese Inquisition records and especially on two important trials whose accused were judaizing, about
twenty, proceeding from Rio de Janeiro, in the beginnings of XVIIIth century, after various denunciations. Most people, with high
level of endogamy, were very well integrated in the Sugar Economy and owners of numerous slaves : «senhores de engenho»,
«lavradores de canas», merchants. Others were physicians or barristers ans there were several women, wifes, sisters and
sisters-in-law, mothers... Confessions and witnesses prove the frequency of secret assemblies in their private houses or
fazendas notwithstanding vestiges of messianism and usages like abstinence of Queen Esther, a very improvenshed religion.
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Bennassar Bartolomé. Une fidélité difficile : les nouveaux chrétiens de Bahia et de Rio de Janeiro aux XVIIème et XVIIIème
siècles. In: Histoire, économie et société. 1988, 7e année, n°2. pp. 209-220.
doi : 10.3406/hes.1988.1513
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1988_num_7_2_1513UNE FIDELITE DIFFICILE :
LES NOUVEAUX CHRÉTIENS DE BAHIA
ET DE RIO DE JANEIRO AUX
XVIIème ET XVHIème SIECLES
par Bartolomé BENNASSAR
Abstract Résumé
This article which is only complementary of Cet article qui se veut complément des travaux
Anita Novinsky's, José Gonzalves Salvador's and d'Anita Novinsky Salvador José Gonzalves ou Arnold
Arnold Wiznitzer's works, is founded on the PortuWiznitzer est fondé sur les Archives de l'Inquisition
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Most people, with high level of endogamy, were very en faisant apparaître un nombre plus important de
well integrated in the Sugar Economy and owners of personnages. La plupart des accusés, qui se distinguent
numerous slaves : «.senhores de engenho», «lavradores par un taux fort d'endogamie, habituel dans ce milieu,
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risters ans there were several women, wifes, sisters and presque tous «seigneurs de moulins», ilavradores de
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hommes de loi- et les femmes n'ont pas de profession. prove the frequency of secret assemblies in their priva
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very improvenshed religion. dans les maisons ou les fazendas des juda'isants. Mais,
en dépit de traces de messianisme et de la fidélité à
certaines pratiques (jeûne de la reine Esther) il s'agis
sait bien d'un judaisme appauvri.
Nous savons tous qu'en dépit des interdictions les nouveaux chrétiens ibériques
d'origine juive ont été nombreux à aller s'établir aux Amériques. Nous savons aussi
qu'ils y ont subi des persécutions de la part de l'Inquisition. Pour ce qui est du Mexi
que par exemple, je renvoie à l'admirable thèse de Solange Alberro. On aurait pu s'a
ttendre à ce que les nouveaux chrétiens du Brésil jouissent d'une plus grande liberté
puisque malgré plusieurs projets et l'insistance de certains groupes de pression, l'instal
lation d'un tribunal à Bahia (qui, selon Anita Novinsky, fut une question constamment
agitée au XVIIème siècle) ne fut jamais réalisée. Cependant, le tribunal de Lisbonne,
dont dépendait le Brésil, ne restait pas inactif. D'une part, il avait mis en place le réseau
habituel de commissaires et de familiers qui, selon Anita Novinsky, étaient fort nom
breux à Bahia. D'autre part, le tribunal de Lisbonne organisa au Brésil d'importantes
visites : visites de 1591-95 à Bahia et Pernambouc, visite de 1599 à Olinda, visite de la HlSlOlRb ÉCONOMIE ЬТ SOCIblíl 210
cité de Salvador en 1610 par l'évêque D. Constantino Barradas, visite de Marcos Texei-
ra en 1618. Grande Enquête de 1646... Enfin, comme presque toutes les familles de
nouveaux chrétiens avaient des parentèles au Portugal, le jeu des dénonciations à Li
sbonne même pouvait déclencher des procédures au Brésil.
Se pose alors une question importante : ces persécutions à l'encontre des nou
veaux chrétiens du Brésil ont-elles pour but de démanteler un groupe social trop puis
sant, sont-elles comme l'a soutenu Saraiva (1) dans le cas du Portugal l'expression d'une
lutte de classes dont les nouveaux chrétiens seraient les victimes malgré leur volonté
d'assimilation au sein de la communauté chrétienne et la disparition des pratiques rel
igieuses juives ou bien ces chrétiens conservaient-ils une fidélité à la foi de
leurs pères ? Une fois encore se trouve ainsi posée, à propos du Brésil, la question du
marranisme.
Je voudrais tenter de répondre à cette question, d'abord en utilisant les travaux
des historiens qui ont étudié la question juive au Brésil : Solidônio Attico Leite
(1923) (2) ; Elysio de Oliveira Belchior (1965) (3) ; Arnold Wiznitzer (1966) (4) ; Ani
ta Novinsky (1972) (5) ; Salvador José Gonçalves (1968 et 1976) (6), avec en toile de
fond les thèses de Saraiva et de Netanyahu et en opposition celles de Yerushalmi. Est-
ce l'Inquisition qui a inventé le marranisme ou celui-ci est-il une authentique expression
du judaïsme portugais transplanté au Brésil ? Mais dans cette tentative de réponse je
voudrais aussi mobiliser les fruits d'une recherche personnelle menée en 1985 à partir
de deux gros procès du début du XVIIIème siècle conservés à Lisbonne (n° 6525 et
6526) et qui concernent les nouveaux chrétiens de Rio de Janeiro.
Anita Novinsky et Salvador Gonçalves ont été, si je puis résumer rapidement leurs
travaux, fortement influencés par les thèses de Saraiva et Netanyahu tout en les jugeant
excessives. Ainsi, Anita Novinsky rejette avec raison les thèses selon lesquelles les juifs
et nouveaux chrétiens du Brésil formaient un ensemble homogène et organisé qui aurait
provoqué pour des raisons à la fois économiques et religieuses l'invasion et l'occupation
hollandaises. Elle montre que les nouveaux chrétiens brésiliens ne constituaient pas une
communauté séparée des chrétiens et elle ajoute : « Du point de vue religieux les liens
des nouveaux chrétiens de Bahia avec leurs correligionnaires du nord de l'Europe sont
faibles. Le nouveau chrétien de Bahia ne se distingue par sa religiosité à aucun moment
de notre étude ». Elle cite la liste de 80 per