233
pages
Français
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2013
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Ebook
2013
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Publié par
Date de parution
29 octobre 2013
Nombre de lectures
232
EAN13
9782365382168
Langue
Français
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Date de parution
29 octobre 2013
Nombre de lectures
232
EAN13
9782365382168
Langue
Français
LES SENTINELLES DE L’OMBRE
1- LE SOUFFLE DE LA LUNE
J. ARDEN
Rebelle Éditions (2013)
Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1 er de l’article L. 122-4). « Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. » Pour les publications destinées à la jeunesse, la Loi n°49-956 du 16 juillet 1949, est appliquée.
© Rebelle Éditions, 2013.
ISBN : 978-2-36538-216-8 ISSN : 2256-8301
Rebelle Éditions
29 avenue des Guineberts
03100 MONTLUÇON
www.rebelleeditions.com
« Se révolter ou s’adapter, il n’y a guère d’autre choix dans la vie. » Gustave Le Bon
1
Un vampire parmi d’autres, voilà ce que j’étais ou tout du moins ce que je paraissais être. En ce bal annuel, pompeux pour ne pas changer, je faisais de mon mieux pour me fondre dans la masse d’invités aux canines pointues. J’allais jusqu’à leur adresser des sourires forcés que j’espérais convaincants, mais le doute était permis, tant mon animosité rendait mes zygomatiques peu coopératifs. Rébellion faciale ou pas, j’étais la princesse de mon clan et je me devais d’appliquer le protocole à la lettre. En d’autres termes, je ne pouvais pas me permettre de jouer à qui a la plus grosse paire de crocs.
Après avoir été annoncée, j’étais entrée dans la salle de réception à la suite de ma mère, la reine Atara. La coutume exigeait que je me tienne en retrait, ce à quoi je me pliais presque toujours de bonne grâce, le presque justifiant la piqûre de rappel que j’avais reçue ce soir-là.
J’attends de toi que tu te maîtrises. Lors du dernier bal, le seigneur Alister n’a pas apprécié que tu lui jettes des regards assassins.
Je n’ai fait que lui rendre la politesse. Mais puisque vous y tenez, je gratifierai désormais le sol de mes attentions visuelles.
Ma mère s’était immobilisée dans un souffle, moi avec, le pied sur une mine dont j’étais sûre de ne pas vouloir qu’elle explose.
Je te préviens, Anya. Tu n’as pas intérêt à me faire honte.
Allons, mère, le simple fait que je respire y suffit, et vous le savez très bien.
La reine ne me contredit pas sur ce point, mais cela ne signifiait pas pour autant que j’avais gagné cette joute verbale des plus immatures. De toute façon, être raisonnable avec Atara ne rapportait pas grand-chose. J’avais sorti les crocs, et une œillade appuyée de ma mère, rendue mortelle par deux mille ans de pratique, avait suffi à me les faire rétracter. Une habitude érigée en rituel.
Je détestais ces réunions annuelles où tous les seigneurs vampires se pavanaient pour convaincre les autres de leur pouvoir. Je n’avais que faire d’exposer le mien, si tant est que j’en possédais un.
Le but de cette soirée était d’éblouir le public, et à mon humble avis, la décoration y parvenait sans peine. Mais bon, pour ce qu’il comptait.
Dans l’immense salon, le blanc et le bordeaux étaient à l’honneur, et ces couleurs n’étaient pas anodines. Elles représentaient la noblesse et le sang, tout comme l’argent des rideaux de velours faisait référence à l’emblème du clan des Reus. En tant que leaders du monde vampirique, ils ne lésinaient pas sur les moyens. Des carafes translucides, au contenu d’un rouge éclatant, attendaient là tels de petits soldats parfaitement alignés. J’étais prête à parier que ma mère avait fait mesurer l’espace qui les séparait pour s’assurer qu’il soit identique. La manipulation était son domaine de prédilection, sauver les apparences son challenge favori. S’il s’était agi de peinture, elle aurait été un faussaire digne de Picasso, et moi, j’aurais été son chef-d’œuvre, une imitation tellement parfaite que l’expert le plus aguerri s’y serait laissé prendre.
Je me prêtais au jeu du paraître, comme je l’avais toujours fait, avec le même sentiment de lassitude chevillé à l’âme. Si j’excellais dans ce domaine, j’avais pourtant un sacré handicap. J’avais beau ressembler à tous les gens présents – canines comprises –, je n’étais pas cent pour cent conforme. J’avais été livrée à la naissance avec une moitié génétique défaillante qui expliquait que je bénéficie d’un traitement de faveur, consistant en une myriade de regards soupçonneux.
J’aurais dû avoir l’habitude d’être épiée, j’aurais dû être immunisée contre la sensation de picotement sur ma nuque, mais j’étais comme certains singes au zoo : lassée, épuisée, à bout. Ma banane à moi, c’était me sentir intégrée et ça faisait bien des années que j’avais réalisé que je n’y parviendrais jamais. Il n’y avait donc plus rien à agiter devant ma cage, dans laquelle j’aurais préféré me planquer plutôt que de subir les inspections visuelles des invités. Mais il fallait montrer que j’étais inoffensive, que je savais me tenir, que je méritais ma place parmi ces gens. Combien de fois avais-je rêvé que je me transformais en une bête sanguinaire, capable de les tuer tous jusqu’au dernier ?
J’imaginais leur sang recouvrir le dallage de marbre, formant une mare épaisse s’étirant pour recouvrir les murs, le plafond, et enfin moi. Mais cette pluie macabre ne me délivrerait pas. Les éliminer tous ne servirait à rien, le mal était déjà en moi, semé depuis si longtemps qu’il avait eu le temps de germer et d’éclore. Ce mal se résumait à une seule vérité : j’étais une anomalie, je n’aurais pas dû exister.
J’avais envie de hurler qu’on arrête de me regarder, de surveiller le moindre de mes faits et gestes. Qu’est-ce qu’ils croyaient ? Que s’ils arrêtaient de me fixer, j’en profiterais pour bondir sur eux ? Personne ne m’adressait la parole, c’était mal vu de parler aux animaux domestiques. Et c’est exactement ce que j’étais. Le chien de la reine, fidèle et obéissant, qu’il valait mieux garder à ses pieds de peur qu’il ne s’échappe. J’étais désormais trop âgée, trop forte, trop instable. Il ne tenait qu’à moi de préserver l’illusion et, pour cela, j’en étais réduite à m’enfermer dans mon propre corps, cet ennemi intime qui n’avait de cesse de me trahir. Un battement de cœur, une respiration…
Malgré tout, j’étais la fille d’Atara et, conformément à l’usage, j’étais en train d’ouvrir le bal avec un cavalier qui devait tout son charme au fait de prendre sur lui, pour me serrer d’aussi près que cette valse le nécessitait.
Nous tournoyions sur cette musique aussi lestement que si le sol n’avait été qu’un immense nuage. Les vampires maladroits sont rares, ce que je trouve regrettable. Non seulement parce que la maladresse a quelque chose de touchant, mais surtout parce que je n’ai jamais été d’une habileté irréprochable, ce que mon pied vint confirmer en s’écrasant sur celui de mon partenaire... Qui continua comme si de rien n’était.
Cette danse, qui semblait s’éterniser, me fit m’imaginer de nouveau dans une cage, et il n’y avait toujours aucun endroit où me cacher. Je me contentais d’agripper les barreaux pour empêcher mes mains de trouver une occupation plus sanglante.
J’aperçus le seigneur Walen de New York, un vampire petit et ventripotent, qui avait l’affreuse manie de postillonner lorsqu’il parlait, laissant immanquablement sur le buste de ses interlocuteurs des taches rubis très visibles.
Contrairement à l’idée répandue, les crocs et la vie éternelle ne vont pas de pair avec une beauté stupéfiante. Quand on naît avec un physique ingrat, la morsure ne fait pas de miracles. Elle arrange certains petits détails comme les dents et la peau. Pour le reste, eh bien, heureusement que le charme vampirique n’est pas un mythe.
La danse touchait à sa fin, je réalisai qu’il s’agissait des Quatre saisons de Vivaldi. C’était assez ironique que des vampires insensibles au temps, et fuyant le soleil, aient choisi une chanson saluant son passage rythmé par l’astre maudit. Par-dessus l’épaule de mon cavalier, qui nous ramenait subrepticement vers le bord de la piste, j’aperçus le reflet de la lune dans la fontaine au centre de la salle de réception.
Une rafale de vent balaya la pièce, des verres se brisèrent sous la force de son souffle, mais mon attention toute entière était ailleurs.
Le disque d’argent exerçait sur moi une étrang