Relire l’altitude
151 pages
Français

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Description

Lorsqu'il parcourt le Val d’Illiez dans les années 1770, l’artiste genevois Marc-Théodore Bourrit, compagnon d’excursions d’Horace-Bénédict de Saussure, s’émerveille à la vue de cette vallée « embellie de champs et de pâturages [...] dont les flancs ont été cultivés jusqu’à la plus grande hauteur ». Or, rien de tout cela ne subsiste aujourd’hui. Le paysage agraire décrit par Bourrit a disparu : les champs cultivés ont laissé la place aux prés de fauche et, dans les hauteurs, il ne reste aucune trace des cultures d’autrefois.
Inspiré par ce témoignage, ce livre réunit une série d’études qui, dans une perspective historique, analysent le rôle de l’altitude dans les formes d’appropriation et de mise en valeur du sol, aussi bien dans les hautes terres de montagne que dans les basses terres des fonds de vallée de l’espace helvétique et de ses régions avoisinantes.
En conjuguant les approches de l’histoire environnementale, de l’histoire du territoire et de l’histoire économique et sociale, les auteur·e·s s’interrogent sur le rapport entre l’altitude et les formes de propriété et d’usage des terres à travers diverses perspectives dont la variété des systèmes agro-pastoraux, l’influence de l’économie de marché, ainsi que les cadres et les variables politiques et institutionnelles. En effet, loin d’être figées, les relations entre l’homme et son milieu se modifient au fil du temps et l’altitude est moins une contrainte qu’une opportunité que certaines sociétés ont su valoriser et utiliser à leur profit.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782889302086
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0165€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2019
Case postale 5
2002 Neuchâtel 2
Suisse
 
 
 
www.alphil.ch
 
 
Alphil Diffusion
commande@alphil.ch
 
 
ISBN Papier : 978-2-88930-206-2
ISBN EPUB : 978-2-88930-208-6
 
 
Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
 
La publication du livre a été soutenue par
 


 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2016-2020.
 
Illustration de couverture : © Albert Emonet, fonds Beattie, CREPA, Médiathèque Valais
 
Responsable d’édition : Anne-Caroline Le Coultre


Remerciements
L es éditeurs remercient Jon Mathieu et Nadine Vivier d’avoir contribué à l’expertise scientifique de cet ouvrage. Ils remercient également Marisa Furci Macchione de son aide à la révision des textes en allemand, ainsi que Vanessa Giannò Talamona de son travail d’uniformisation des contributions de cet ouvrage.


Introduction. Les usages de la terre : une question d’altitude ? 1
Luigi Lorenzetti (Università della Svizzera italiana)
L a mise en relation de l’altitude avec les formes d’appropriation et d’usage de la terre semble suggérer un retour à la géographie du XIX e  siècle, à Alexander von Humboldt, au déterminisme de Carl Ritter et de Friedrich Ratzel, mais aussi à Paul Vidal de la Blache et Lucien Febvre qui, en énonçant les principes du possibilisme , avaient souligné les limites d’une approche qui voyait l’environnement physique à l’origine de formes anthropiques et de modèles socioéconomiques spécifiques. Dans le cas de la montagne en particulier, Febvre estimait qu’«  il n’y a point une sorte d’unité de la montagne qui se retrouverait avec constance partout où se rencontrent sur le globe des reliefs montagneux [ … ] . Simplement, de place en place, se rencontrent des possibilités analogues qui ont été exploitées de la même façon et des civilisations par suite comparables [ … ]  » 2 . D’une certaine manière, le possibilisme de Febvre ne s’écartait pas outre mesure du « déterminisme doux » de John Cole et Eric Wolf, pour qui les variables ethniques et culturelles ne gommaient pas entièrement les influences environnementales qui, en dernier ressort, étaient en mesure d’infléchir les dynamiques sociales 3 .
Dans les faits, la juxtaposition entre déterminisme et possibilisme était moins abrupte que ce que les épigones de Febvre ont voulu croire. En évoquant les migrations comme stratégie de recherche des meilleures conditions de vie, Ratzel admettait que les comportements humains étaient aussi dictés par le choix . D’autre part, dans sa tentative d’expliquer la présence sur le globe de genres de vie particuliers, Febvre ne faisait que chercher les facteurs environnementaux qui en avaient permis l’éclosion.
Loin de vouloir proposer une lecture épistémologique du débat entre déterminisme et possibilisme et des relations entre homme et milieu – des relations qui, comme le rappelle d’ailleurs Jon Mathieu, doivent être conçues dans la diachronie et dans leur nature changeante 4  –, ce livre essaye d’explorer la valeur euristique d’une catégorie – l’altitude – qui est enracinée dans les dynamiques économiques et territoriales de l’espace helvétique et de ses régions proches. En particulier, les contributions de ce livre, inspiré d’une rencontre qui s’est tenue en octobre 2016 au Châble (Valais) sous l’égide de la Société suisse d’histoire rurale et qu’ont organisée conjointement le Centre régional d’études des populations alpines (CREPA) de Sembrancher, le Laboratorio di Storia delle Alpi de l’Università della Svizzera italiana et le Musée de Bagnes, essayent d’analyser dans une perspective historique les manifestations de l’altitude en tant qu’épiphénomène des dynamiques d’appropriation et de mise en valeur du sol, aussi bien dans les hautes terres que dans les basses terres des plaines de la Suisse et des espaces limitrophes.
Le sujet n’est pas exempt de pièges, en premier lieu en raison de la difficulté de définir les montagnes par leur altitude. En outre, si la variable altitudinale détermine le gradient thermique vertical, ce dernier relève aussi d’autres facteurs, dont la latitude, que K.V. von Bonstetten a mis au cœur de son déterminisme climatique et de son explication des différences entre la civilisation de l’Europe méditerranéenne et celle de l’Europe continentale 5 . Enfin, la notion d’altitude est indissociable de celle de dénivellement qui connote les aires de montagne et sur lequel se base l’articulation entre les terres hautes et les terres basses. Des études historiques récentes ont décrit ce dualisme à travers les rapports de complémentarité qui se sont établis entre ces deux espaces, de même qu’à travers les trajectoires (divergentes ou convergentes) qu’ils ont connues au cours de l’histoire 6 .
Dans le cadre de cet ouvrage, l’attention des contributions porte aussi bien sur les disparités entre le haut et le bas – et sur les relations de dépendance (prétendues ou réelles) qui en sont issues – que sur les interactions entre les facteurs physiques et les facteurs anthropiques. Sans vouloir s’assimiler à l’histoire environnementale, mais en intégrant ses questionnements 7 , les contributions de ce livre abordent et discutent des thèmes et des trajectoires territoriales où l’altitude et ses liens avec les formes d’appropriation et d’usages du sol sont présentés selon trois diverses perspectives : à travers les connexions avec le cadre environnemental et avec les systèmes agro-pastoraux (Partie I), par rapport aux dynamiques de l’économie de marché (Partie II) et, enfin, en fonction des cadres et des variables politiques (Partie III).
Le livre se termine avec une contribution de G. Béaur qui, en guise de postface, propose une lecture qui, en partant de la perspective des plats pays, interroge la portée réelle de la spécificité des zones de montagne. Le survol de Béaur conteste toute différence de taille entre les systèmes socio-économiques montagnards et ceux de plaine, à tel point que même les plaines bretonnes semblent partager avec les espaces de montagne de nombreux traits. Les remarques de Béaur nous rappellent la ténacité des modèles et des codes de lecture s’appuyant sur les cadres environnementaux et territoriaux. Il n’en reste pas moins que la comparaison se doit aussi de mettre en lumière les spécificités qui, dans le cas des montagnes, se manifestent dans les inerties qui semblent être moins le fruit des résistances à l’économie de marché que des efforts de défense des espaces d’autonomie de la gestion des ressources locales et de sauvegarde de la complémentarité entre les terres hautes et les terres basses.
1. Altitude, systèmes agraires et marché
Les analyses des divers systèmes agraires dans le monde rural préindustriel ont souvent souligné l’écart entre les pratiques intensives des régions de plaine – les terres de la céréaliculture, des cultures mixtes ( colture promiscue ) et des jardins potagers – et les pratiques extensives des terres hautes – l’espace des pâturages, des alpages et des bois. Au dualisme des systèmes productifs du primaire, on a souvent associé la juxtaposition des formes d’appropriation du sol : une appropriation plutôt individuelle (bien que côtoyant les nombreux interstices des droits d’usage collectifs) dans les terres basses et dans celles situées près des habitats, et une appropriation qui assume souvent un caractère collectif (avec ses multiples dénominations et formes juridiques) dans les aires d’altitude.
Ce modèle, loin d’avoir un caractère rigide et normatif en raison de l’existence dans l’ensemble du continent européen de droits d’usage variés et de multiples formes de propriétés collectives, se lit aussi à l’intérieur de la région alpine (ainsi que dans les autres espaces montagneux de la planète), avec ses zones de basse altitude (les fonds de vallées) orientées vers l’agriculture intensive, et celles des terres hautes où dominent les formes extensives d’utilisation du sol 8 . Ces

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