Sexualité, savoirs et pouvoirs
164 pages
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Description

En inscrivant l'étude des savoirs dans celle, plus générale, des institutions qui les produisent et les diffusent, ce livre se penche sur la façon dont la sexualité est « mise en discours ». Ces institutions sont universitaires, quand les savoirs ont la prétention d'être scientifiques ; elles sont pédagogiques, quand elles forment les jeunes à atteindre la maturité sexuelle ; elles sont médicales, quand elles visent à guérir ou à prévenir les maladies ; elles sont enfin judiciaires, quand elles régulent les comportements, punissent les délinquants ou assurent la protection des individus.
Illustrant la complexité des rapports entre société et sexualité, ainsi que la vitalité de la pensée critique contemporaine dans ce domaine, inspirée notamment par le travail de Michel Foucault, les auteurs appréhendent la sexualité comme un enjeu de savoir et donc, de pouvoir. Ce faisant, ils mettent en lumière son caractère insaisissable en tant que champ d'expérience échappant à toute réduction à une nature ou à une essence qu'il s'agirait de révéler. Les chercheurs et les étudiants en sociologie, en criminologie, ainsi que ceux provenant de la santé publique, trouveront ici matière à réflexion, en plus de tous ceux interpellés par le sujet.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 septembre 2019
Nombre de lectures 21
EAN13 9782760640917
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sexualité, savoirs et pouvoirs
Sous la direction de Gabriel Girard, Isabelle Perreault et Nicolas Sallée
Les Presses de l’Université de Montréal





Merci au Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) pour son soutien dans le cadre de ses programmes «Développement savoir» et «Échange de connaissances».
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: Sexualité, savoir et pouvoirs / sous la coordination de Nicolas Sallée, Isabelle Perreault, Gabriel Girard. Noms: Sallée, Nicolas, 1984- éditeur intellectuel. Perreault, Isabelle, 1977- éditeur intellectuel. Girard, Gabriel, 1980- éditeur intellectuel. Description: Comprend des références bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20190021853 Canadiana (livre numérique) 20190021861 ISBN 9782760640894 ISBN 9782760640900 (PDF) ISBN 9782760640917 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: Sexualité. RVM: Sexualité—Aspect social. RVM: Sexologie. Classification: LCC HQ21 S49 2019 CDD 306.7—dc23 Mise en pages: Folio infographie Dépôt légal: 3 e trimestre 2019 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 2019 www.pum.umontreal.ca Les Presses de l'Université de Montréal remercient de leur soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec.




Pour une approche post-foucaldienne de la sexualité
Gabriel Girard, Isabelle Perreault et Nicolas Sallée
Dans l’introduction du premier tome de son Histoire de la sexualité , Michel Foucault souligne l’émergence, dans la deuxième moitié du XX e siècle, d’un «grand prêche sexuel» (1976, p. 15) qui s’appuie, pour renforcer sa prétention à la libération, sur une critique de la répression bourgeoise de la sexualité et de toutes les formes de son expression hors de la sphère reproductive. Sans nier l’existence de ces formes de censure associées au puritanisme victorien, mais en en faisant «une péripétie, un raffinement, un retournement dans le grand processus de mise en discours du sexe» (p. 32), Michel Foucault propose d’inscrire cette critique de la répression dans l’économie générale d’une forme de pouvoir qui, depuis le XVII e siècle, induit diverses manières de penser la sexualité et d’en parler, constitutives de ce qu’il nomme une «volonté de savoir». Cette lecture singulière de l’histoire de la sexualité a ouvert la voie, sur un plan conceptuel, à une réflexion sur le pouvoir comme forme de conduite des conduites, dont l’analyse n’examine les dispositifs de pouvoir ainsi que les savoirs qui les traversent que pour interroger, in fine , les rapports — et l’évolution des rapports — que les individus entretiennent à eux-mêmes (Foucault, 1994 [1982]). À propos de la sexualité, il s’agit dès lors concrètement, par l’enquête, qu’elle soit historique, sociologique ou, à la manière dont Michel Foucault l’entendait, archéologique, de «prendre en considération le fait qu’on en parle, ceux qui en parlent, les lieux et points de vue d’où on en parle, les institutions qui incitent à en parler, qui emmagasinent et diffusent ce qu’on en dit, bref, le “fait discursif” global, la “mise en discours” du sexe» (1976, p. 20). De la pastorale chrétienne à la justice pénale en passant par la littérature, la démographie, la médecine, la psychiatrie, la psychologie et la psychanalyse, mais aussi par l’éducation, à la frontière de la famille et de l’école, Michel Foucault analyse ce fait discursif et ses usages institutionnels, en ce que «le sexe, ça ne se juge pas seulement, ça s’administre» (p. 34-35). Un fait discursif qui, dès le xviii e siècle, ne concerne plus tant «le couple légitime, avec sa sexualité ordinaire», obtenant le privilège de devenir une «norme, plus rigoureuse peut-être, mais plus silencieuse», que l’hétérogénéité des sexualités périphériques, minoritaires, considérées comme problématiques: «ce que l’on interroge, c’est la sexualité des enfants, c’est celle des fous et des criminels, c’est le plaisir de ceux qui n’aiment pas l’autre sexe, ce sont les rêveries, les obsessions, les petites manies ou les grandes rages» (p. 53). La veille généalogique que propose Michel Foucault permet donc de penser l’influence du «social» autrement que sur l’unique modalité de la répression des pulsions sexuelles. Déjà avant lui, les travaux des sociologues américains John Gagnon et William Simon (1973), dont le célèbre concept de «script sexuel» permet d’envisager la sexualité comme un fait socioculturel et non comme un fait pulsionnel, ou naturel, ont mis en évidence la complexité des rapports entre société et sexualité, la première étant «moins conçue comme principe de coercition que comme l’indispensable principe de production des conduites sexuelles et des significations qui lui sont liées» (Bozon et Giami, 1999, p. 69). La libération sexuelle elle-même, quand elle s’actualise au nom d’une conception libérale de la liberté, dont il convient «de jouir avec responsabilité, sans jamais en abuser» (Halperin, 2000 [1995], p. 36), doit être étudiée dans ce cadre avec la prudence analytique nécessaire.
En inscrivant l’étude des savoirs dans celle, plus générale, des institutions qui assurent leur production et leur diffusion, à la manière dont le proposent les études post-foucaldiennes de la gouvernementalité (Rose et Miller, 2008; Jardim, 2013), ce livre collectif propose d’alimenter les réflexions sur ce fait discursif, ses évolutions et ses inflexions, mais aussi sur les luttes et les tensions qui le traversent. Les institutions qui nous intéressent sont aussi bien universitaires lorsque ces savoirs ont la prétention à devenir science; pédagogiques quand elles visent à éduquer les jeunes à atteindre la maturité sexuelle; médicales lorsqu’elles visent à guérir ou à prévenir; enfin, elles sont judiciaires quand elles visent à punir ou à protéger. L’un des fils rouges du livre, que l’on retrouvera dans plusieurs contributions, consistera à poser la question de la place occupée, dans ces domaines, par les savoirs produits en sciences sociales, auxquels se réfèrent tous les auteurs réunis, par-delà leurs appartenances disciplinaires comme la sociologie, l’histoire, l’anthropologie, la criminologie, la sexologie, etc. Nous clôturerons ainsi le livre par une section principalement consacrée à la réflexivité des enquêteurs et à la posture qu’ils adoptent sur les terrains de recherche qu’ils investissent.
La sexualité sous le regard de la médecine: de la discipline des corps aux interventions sanitaires
Dans l’étude de la mise en discours de la sexualité, les savoirs biomédicaux et psychologiques occupent une place singulière. Depuis le XVIII e siècle, la connaissance et les catégorisations médicales participent activement à la production des déviances et des normes dans ce domaine. Au cours des dernières décennies, ces processus de médicalisation s’illustrent de diverses manières, à la fois en termes émancipateurs, si l’on pense à la pilule contraceptive, mais aussi par la constitution de nouveaux marchés pharmaceutiques, par exemple avec la commercialisation de médicaments traitant la dysfonction érectile (Giami, 2009). Les chapitres de cette section soulignent tous à quel point les sciences biomédicales ont contribué non seulement à présenter la sexualité comme une sphère de savoir, mais aussi, indissociablement, comme un domaine d’intervention et de soin. La médicalisation, ou psychologisation, de la sexualité s’accompagne de ce fait de l’émergence de nouvelles disciplines ou de nouveaux champs de spécialisation, dont les progrès en sexologie constituent un bon exemple. La structuration de la sexualité comme un terrain d’intervention sanitaire nécessite de classifier les identités, les pratiques ou les situations problématiques. Ce travail de catégorisation, qui vise souvent à cartographier les déviances, dessine en retour les contours d’une sexualité normale, saine ou à moindre risque. Ces cadrages normatifs évolutifs reflètent chacun à leur manière la malléabilité du gouvernement des comportements sexuels, selon les contextes et les époques. Au-delà des objets singuliers, les approches historiques, sociologiques et psychosociologiques des auteurs permettent d’envisager les variations de la prise en charge et de la prévention des troubles, des maladies ou des risques associés à la sexualité.
Le chapitre de Stéphanie Pache s’intéresse aux conditions d’implantation de la sexologie à Lausanne, en Suisse, des années 1960 aux années 1990. Sa contribution éclaire la manière dont les théories de Masters et Johnson, importées des États-Unis, ont été comprises et reformulées localement. Approfondie en marge de l’université, la sexologie lausannoise a été investie dès le départ par une diversité d’acteurs soucieux de la prise en charge des troubles sexuels dans le couple. En découle une pratique diversifiée qui évolue dans le cadre classique de la thérapie, mais aussi dans le domaine de la planification familiale et du conseil conjugal. Dans ce contexte, l’intervention sexologique propose des techniques comportementalistes importées d’Amérique du Nord et des approches psychanalytiques préexistantes. En consultation, l’évaluation des cas permet de cerner les situations qui relèvent de la thérapie sexuelle de couple et celles qui relèvent de la prise en charge psychologique classique. Cette approche vise à délimiter le vrai trouble sexuel, et donc le champ d’application légitime de la pratique sexologique. De ce fait, l’émergence et l’avancement de la sexologie reflètent une transformation de l’appréhension médicale de la sexualité. L’analyse de Stéphanie Pache illustre, avec l’exemple suisse, les enjeux d’autonomisation d’un champ de savoir et d’intervention prenant la sexualité pour objet, pris en tension entre la reconnaissance scient

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