Le présent rapport analyse les conséquences des attentats du 11 septembre 2001 sur les politiques de sûreté aérienne menées aux Etats-Unis et en Europe depuis cette date. Il note qu'avant ces attentats, il existait des situations contrastées en Europe et aux Etats-Unis, les mesures de sécurité étant plus importantes en Europe. Désormais la convergence des politiques est largement imposée par les Etats-Unis, avec une dimension accrue de la sûreté aérienne et une forte augmentation des dépenses. Cependant, le rapport révèle de réelles difficultés à parvenir à une efficacité optimale des politiques de sûreté, tant en Europe qu'aux Etats-Unis, relevant l'existence d'importants dysfonctionnements (lacunes de la coordination, imperfection des systèmes de contrôle, absence de consensus sur la responsabilité du financement des mesures de sûreté...). Il souhaite voir s'installer une démarche rénovée : encadrement par l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale) des nouvelles questions touchant à la sûreté aérienne, clarification des règles du jeu communautaire, nécessité de mettre en oeuvre de profondes réformes au sein des Etats membres.
Paternité, pas d'utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l'identique
Langue
Français
Extrait
N° 2241 _______
ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 avril 2005
RAPPORT D'INFORMATION
DÉPOSÉ
PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),
surla sûreté du transport aérien en Europe,
ET PRÉSENTÉ
PARM. THIERRYMARIANI,
Député.
________________________________________________________________ (1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.
La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : Lequiller,M. Pierreprésident; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip,vice-présidents; MM. François Guillaume, JeanClaude Lefort,secrétaires; MM. Almont, François Alfred Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.
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SOMMAIRE _____
Pages
RESUME DU RAPPORT............................................................ 9
PREMIERE PARTIE : LE RENFORCEMENT CONTINU DES DISPOSITIFS DE SURETE AERIENNE ................................................................................. 19
I. DES SITUATIONS CONTRASTEES EN EUROPE ET AUX ETATSUNIS ANTERIEUREMENT AU 11 SEPTEMBRE 2001...................................................... 21
A. Des encadrements juridiques différents malgré des préoccupations communes ...................................................21
1) Faire face à la montée du terrorisme ....................................... 21
2) Les mesures touchant à la sûreté sont exécutées selon des régimes juridiques différents ............................................. 23 a) Une tâche confiée en Europe aux autorités étatiques ou aéroportuaires ......................................................................... 23 b) Le rôle prépondérant dévolu aux EtatsUnis aux compagnies aériennes............................................................. 24
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B. Lexistence de disparités sensibles : une mise en uvre plus efficace des mesures de sûreté en Europe quaux EtatsUnis.................................................................25
1) Des dispositifs défaillants aux EtatsUnis ............................... 25 a) La qualification et la formation lacunaires des contrôleurs .............................................................................. 26 b) Le niveau insuffisant des salaires versés aux contrôleurs ...... 27 c) Un contrôle laxiste ................................................................. 27
2) Labsence de réforme réellement efficace ............................... 29 a) Le statu quo sur la question du financement des mesures de sûreté.................................................................................. 29 b) Les incohérences de la politique mise en uvre par la FAA (Administration fédérale de laviation) ......................... 29
II. UNE CONVERGENCE DES POLITIQUES TRES LARGEMENT IMPOSEE PAR LES ETATS UNIS DEPUIS LE 11 SEPTEMBRE 2001 ..................... 31
A. La dimension militaire très fortement accrue de la sûreté aérienne ......................................................................31
1) Le revirement intervenu aux EtatsUnis................................. 31 a) La réorganisation en profondeur de la sûreté du transport aérien ....................................................................... 31 b) Lobjectif de la sécurisation maximale du trafic de passagers et du fret ................................................................. 33 (1) Les mesures prises à lintérieur des EtatsUnis ................ 33 (2) Les dispositions à caractère extraterritorial....................... 36
2)
La marge de manuvre étroite de lUnion européenne......... 37 a) La diversité des réactions aux mesures extraterritoriales prises par les autorités américaines ........................................ 37 (1) Des contraintes délicates : la communication des listes de passagers et des équipages par les compagnies aériennes européennes................................... 37 (2) Des discussions difficiles : la transmission des données personnelles concernant les passagers (PNR Passenger Name Record) et la présence de gardes armés (sky marshals)à bord des aéronefs. ........................ 40 b) Le renforcement des cadres communautaires et nationaux ................................................................................ 43 (1) La mise en place de normes harmonisées ......................... 43 (2) Lintervention accrue des Etats dans lencadrement de la sûreté aérienne .......................................................... 44
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B. Laugmentation générale des dépenses...............................46
1) Lexplosion des dépenses de sûreté aérienne .......................... 46 a) Aux EtatsUnis ...................................................................... 46 b) En Europe ............................................................................... 47
2) Une hausse des dépenses touchant les personnels et les équipements ............................................................................... 47 a) Laccroissement des effectifs ................................................. 47 (1) Aux Etats Unis ................................................................. 47 (2) En Europe.......................................................................... 48 b) Le déploiement de matériels toujours plus nombreux et sophistiqués ............................................................................ 49
DEUXIEME PARTIE : LUNION EUROPEENNE ET LES ETATSUNIS SONT CONFRONTES A DES DEFIS QUIL LEUR INCOMBE DE RELEVER .................. 51
I. DE REELLES DIFFICULTES A PARVENIR A UNE EFFICACITE OPTIMALE DES POLITIQUES DE SURETE ............................................ 53
A. Lexistence dimportants dysfonctionnements...................53
1) Les lacunes de la coordination.................................................. 53 a) Au sein des Etats .................................................................... 53 (1) Le jeu fragmenté des différents acteurs............................. 53 (2) Labsence de coordination entre la politique de sûreté aérienne et celle mise en uvre dans les autres modes de transports........................................................... 57 b) Au plan communautaire ......................................................... 59 (1) Une perception inégale de la menace selon les Etats membres ............................................................................ 59 (2) Le risque dun enchevêtrement des compétences du fait de la multiplicité des intervenants............................... 59
2) Les imperfections persistantes des systèmes de contrôle ....... 60 a) Linsuffisance des effectifs .................................................... 60 (1) Les effets pervers de normes de sûreté ambitieuses.......... 60 (2) Les effets pervers de plateformes aéroportuaires trop étendues ..................................................................... 61 b) La formation et les conditions demploi insatisfaisantes des personnels de contrôle...................................................... 62 (1) Une formation bien souvent lacunaire .............................. 62 (2) Le statut professionnel peu valorisant des personnels de contrôle ......................................................................... 63 c) Linadéquation des équipements à la menace ........................ 65
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B. Labsence de consensus sur la responsabilité du financement des mesures de sûreté .....................................65 1) Lefinancement des mesures de sûreté : une attribution régalienne ? ................................................................................ 66 a) Une conviction largement partagée : linclusion des mesures de sûreté aérienne dans les responsabilités des Etats ........................................................................................ 66 b) Des positions divergentes quant au principe et aux modalités de la participation des Etats au financement des mesures de sûreté ............................................................. 67
2) Les modalités de définition et de mise en uvre des politiques de sûreté sont-elles pertinentes ?Erreur ! Signet non défini.a) Les politiques de sûreté ne reposeraient pas sur une analyse appropriée du risque .........Erreur ! Signet non défini.b) Les politiques de sûreté fixeraient des normes technologiques et réglementaires inutilement élevées ........... 70
C. Les politiques de sûreté peuvent entrer en conflit avec dautres logiques...........................................................71 1) La conciliation difficile entre la logique économique et les impératifs liés aux mesures de sûreté ................................. 71 a) Les mesures de sûreté méconnaîtraient la logique économique ............................................................................ 71 b) La prise en compte de la logique économique peut limiter la portée des mesures de sûreté................................... 73 c) Lapplication dans des conditions inégales des mesures de sûreté génèrent des distorsions de concurrence ................. 74 (1) Entreles EtatsUnis et lUnion européenne ..................... 74 (2) Au sein de lUnion européenne ......................................... 76 (3) Entre les différents modes de transport ............................. 77 2) Le délicat équilibre entre les impératifs de mesures de sûreté et les exigences de lEtat de droit .................................. 78 a) Le risque de dispositions disproportionnées........................... 78 b) Les obstacles à lintroduction de recours effectifs ................. 79
II. LES VOIES SOUHAITABLES DUNE DEMARCHE RENOVEE................................................ 83
A. Lencadrement par lOACI des nouvelles questions touchant à la sûreté aérienne ...............................................83
B. La clarification des règles du jeu communautaire.............85 1) Clarifier les relations transatlantiques par la signature dun véritable accord bilatéral ................................................. 85
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2) Revoir les orientations communautaires ................................. 86 a) Corriger les insuffisances du règlement 2320/2002 du 16 décembre 2002 relatif à linstauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de laviation civile ....................................................................................... 86 b) Instaurer un cadre de financement adéquat ............................ 87 c) Développer la recherche dans le domaine de la sûreté des transports.......................................................................... 88
C. La nécessité de mettre en uvre de profondes réformes au sein des Etats membres ...................................88
1) Le réexamen des objectifs et des moyens de politiques de sûreté...................................................................................... 89
2) La promotion dune culture de la sûreté au sein de lopinion publique...................................................................... 90
Annexe 2 : Liste des personnes entendues par le rapporteur ...........................................................................101
Annexe 3 : Sûreté intérieure : contrôle préalable des passagers du transport aérien et lutte antiterroriste (résumé) ...............................................................................109
Annexe 4 : Les réactions de lEurope à la demande de transfert des donnéesPNR.................................................111
Annexe 5 : Un exemple de difficultés injustifiées à lembarquement aux EtatsUnis .......................................115
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RESUME DU RAPPORT
La question de la sûreté du transport aérien était déjà posée antérieurement au 11 septembre 2001, du fait des détournements davions et de lexplosion de lavion de la PanAmàLockerbieen1988.
Toutefois les attentats du 11 septembre 2001 ont marqué un tournant. La sûreté du transport aérien est, en effet, devenue un problème de défense nationale, puisque désormais les avions peuvent être utilisés par les terroristes comme des armes pour commettre des attentats de masse.
Le rapport vise à analyser les conséquences de cette mutation majeure sur les politiques de sûreté menées en Europe et aux EtatsUnis.
La première partie constate un renforcement continu des dispositifs de sûreté depuis 2001, en faisant ressortir lampleur du revirement intervenu notamment aux Etats Unis, au regard de la situation antérieure. LAmérique est ainsi passée dun système, dans lequel le niveau de sûreté était inférieur à celui de lEurope, à un dispositif visant lobjectif de sécurisation maximale du contrôle des passagers, des bagages et du fret.
La dimension militaire de la sûreté sen est trouvée renforcée comme lillustrent la création de la TSA (TransportationSecurityAdministrationadministrationde la sûreté des transports), ainsi que son inclusion au sein
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duDHS(DepartmentofHomelandSecurityministèredela sûreté intérieure), lequel rassemble plus dune vingtaine dadministrations en vue de mieux coordonner la lutte contre le terrorisme.
LEurope a subi le contrecoup dun tel revirement et a dû sadapter également à la nouvelle donne. Non seulement, les EtatsUnis ont fait une application extraterritoriale de leur nouvelle législation en matière de sûreté, par exemple à travers la demande de transfert des données concernant lespassagers(PNRPassengerNameRecord).Mais,enoutre, dans de très nombreux Etats de lUnion européenne les services de renseignements et les militaires ont participé de plus en plus étroitement à la définition et à la mise en uvre des politiques de sûreté.
Ce renforcement général des mesures de sûreté a entraîné une hausse des dépenses qui a affecté les effectifs et les matériels. Pour autant, une telle évolution na pas débouché sur une amélioration de la sûreté, comme le montre la deuxième partie du rapport.
Il existe des difficultés de nature diverse qui empêchent les politiques de sûreté de parvenir à l fficacité optimale. e
Car ces politiques souffrent dimportants dysfonctionnements aux EtatsUnis et en Europe. Les uns tiennent à une coordination défaillante entre les principaux décideurs, ainsi quà une approche multimodale de la sûreté encore peu systématique. Les autres sont liés à des imperfections persistantes des systèmes de contrôle dues à linsuffisance des effectifs, à la formation et aux conditions demploi insatisfaisantes des personnels de
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contrôle, ou encore à linadéquation des équipements à la menace.
En second lieu, fait défaut un consensus sur la responsabilité du financement des mesures de sûreté.
Enfin, les politiques de sûreté peuvent entrer en conflit avec la logique économique, en particulier en favorisant diverses distorsions de concurrence, mais aussi avec les exigences de lEtat de droit.
Pour essayer de faire face à ces différents défis auxquels sont confrontés les EtatsUnis et lEurope, le rapport propose quelques pistes de réformes. Cellesci plaident en faveur dun rôle actif de lOACI dans le règlement international des questions de sûreté aérienne, et dune clarification des règles du jeu communautaire laquelle passe par une clarification des relations transatlantiques.
Il sagit enfin pour les Etats de promouvoir une culture de la sûreté au sein de lopinion publique.