Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales sur l'influence du droit communautaire des aides d'Etat sur le financement des services sociaux par les collectivités territoriales
Les collectivités territoriales françaises ont développé un grand nombre d'activités d'aides, notamment dans le secteur social, qu'elles exercent elles-mêmes ou par le biais d'associations. Or, la construction communautaire a peu à peu affecté et limité la liberté des collectivités territoriales dans leur activité d'attribution d'aides. Les normes communautaires, très éloignées, le plus souvent, des traditions administratives françaises, ont créé une forte insécurité juridique pour les modes de gestion des services sociaux français. L'adoption de la fameuse directive services « Bolkenstein » a encore renforcé ce sentiment. Il en résulte, selon le rapport, un risque réel pour les collectivités territoriales de voir contestées en justice, au nom de l'atteinte au droit de la concurrence, les activités qu'elles produisent ou financent et que des entreprises privées proposent également au public, mais au prix du marché. Toutes ces raisons ont conduit la commission des affaires sociales à dresser un bilan de la situation au niveau local et à envisager quelques propositions d'évolutions et améliorations susceptibles de conforter les services sociaux française et de préserver la conception française du service public. Tel est l'objet du présent rapport.
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Langue
Français
Extrait
N° 673
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2011
RAPPORT D´INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur linfluence dudroit communautairedesaidesdtatÉsur lefntmeceanindesservices sociauxpar lescollectivités territoriales,
Par Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE, MM. André LARDEUX, et Paul BLANC, Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de :Mme Muguette Dini, président ;Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mmes Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Milon, vice-présidents ; Printz, Patricia Schillinger, Anne- Gisèle Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, MmesMM. François Marie Payet, secrétaires ; Jean-Pierre Cantegrit, BernardMmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Cazeau, Mme Roselle Cros, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Gérard Dériot, Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Mme Valérie Létard, M. Jean-Louis Lorrain, Mme Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, André Villiers.
I. LACCLIMATATION PROGRESSIVE DU DROIT COMMUNAUTAIRE À LA NOTION DE SERVICE PUBLIC...........................................................................7................
A.DEUXPHILOSOPHIESANTAGONISTES...............................................................................71. La conception française..........................................................................................................72. La conception européenne................................................................................................7.......
B. LINTÉGRATION DU CONCEPT DE SERVICE PUBLIC PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE................................................................................................................8 1. La reconnaissance des services dintérêt économique général (Sieg)...................................... 82. Lévolution des traités..9...........................................................................................................
II. UN DROIT ACTUEL DES SERVICES DINTÉRÊT ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL INADAPTÉ AUX BESOINS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES.......................... 11
A. LA JURISPRUDENCE ALTMARK ET LE PAQUET MONTI-KROES .................................... 111. Les règles de validité des aides dEtat.............................................................................11.......2. La compensation justifiée dobligation de service public........................................................ 12
C. LA CIRCULAIRE « FILLON » DU 18 JANVIER 2010 CRÉANT UNE CONFUSION ENTRE CE QUI EST IMPOSÉ PAR LUNION EUROPÉNNE ET CE QUI RELÈVE DUDROITFRANÇAIS............................................................................................................14
III. LINCERTITUDE ENGENDRÉE PAR LA RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE POUR LES ASSOCIATIONS FRANÇAISES EN CHARGE DUN SERVICE SOCIAL............................19...........................................................................
A.LESCOLLECTIVITÉSTERRITORIALESCONFRONTÉESÀLINCERTITUDEDUCHOIX ENTRE LA SUBVENTION ET LE MARCHÉ PUBLIC .............................................. 191. Le régime de la subvention....19..................................................................................................a)Rappeldesseuils................................................................................................................19b)Lesystèmedérogatoire.......................................................................................................20c) La notification aux instances européennes .......................................................................... 202. Le régime du marché public................................22...................................................................a)Ledroitapplicable..............................................................................................................22b) Le recours aux marchés publics subordonné à linitiative et aux besoins de la collectivitéterritoriale........................................................................................................23c)Ladélégationdeservicepublic...........................................................................................23
B. LABSENCE DE DÉFINITION CLAIRE DE LA NOTION DE MANDATEMENT .................. 261. Des concepts différents en droit national et européen............................................................. 262. La conciliation de lapproche nationale et communautaire de la notion de mandatement...........................................................................................................................72
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IV. COMMENT CONTRÔLER LEFFET DE LA RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE DES AIDES DETAT SUR LES SERVICES SOCIAUX ?................ 29
A. LE RELÈVEMENT DU SEUIL « DE MINIMIS » : UN TRAVAIL COMPLEXE ..................... 291. Les services sociaux dont le financement serait menacé par la directive services................... 30a) Les crèches et haltes garderies (accueil de la petite enfance) .............................................. 30b) Le financement des services daide et de soins à domicile .................................................. 31c)Lesoutienscolaire..............................................................................................................312. Comment déterminer ce nouveau seuil ?........................33.........................................................
B. LA CLARIFICATION JURIDIQUE DES SERVICES SOCIAUX DINTÉRÊT GÉNÉRAL.................................................................................................................................341. Le perfectionnement de la convention pluriannuelle dobjectifs.............................................. 35a)Undispositifencoremalconnu...........................................................................................35b) Le champ dapplication de la convention pluriannuelle dobjectifs..................................... 362. Lhypothèse de lintégration des services sociaux dintérêt général dans les services non économiques dintérêt général..............................................................37...........................a) Définition des services non économiques dintérêt général ................................................. 37b) Une intégration juridiquement impossible en létat............................................................. 383. En labsence de loi-cadre de transposition, il na pas été possible de clarifier la législation communautaire des aides dEtat...................83.........................................................
C. LA CRÉATION DUN NOUVEAU TYPE DE CONTRAT PUBLIC ADAPTÉ AUX SIEG..........................................................................................................................................391. Les objectifs du contrat............................................39...............................................................2. Lintérêt de cette formule..................................................................................0....4..................
D. LE DÉVELOPPEMENT DE LINFORMATION DES COLLECTIVITÉS SUR LE DROIT DES AIDES DETAT APPLICABLE AUX SERVICES SOCIAUX ............................. 41
Les collectivités territoriales françaises sont fortement impliquées dans la lutte contre les exclusions : à côté du rôle joué par les communes ou leurs groupements dans la politique de la ville ou de celui assumé par les régions pour améliorer linsertion professionnelle des jeunes, les départements tiennent une place éminente dans la mesure où les lois de décentralisation1leur ont confié la gestion des prestations daide sociale. Les collectivités territoriales françaises ont donc développé un grand nombre dactivités daides, notamment dans le secteur social, quelles exercent elles-mêmes ou par le biais dassociations. On peut citer, à cet égard, le développement des aidessociales à lenfance, des aides aux personnes handicapées ou encore des aides aux personnes âgées.Or, la construction communautaire a peu à peu affecté et limité la liberté des collectivités territoriales dans leur activité dattribution daides2. Larticle 87 §1 du traité CE pose le principe dincompatibilité des aides dEtat, dès lors quelles affectent les échanges entre les Etats membres et faussent ou menacent de fausser la concurrence. Lintégration en droit français de ces règles communautaires a considérablement fragilisé lactivité sociale des collectivités territoriales.
1Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ; loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à ladministration territoriale de la République;loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale ; loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à lorganisation décentralisée de la République ; loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. 2Le traité de Maastricht, signé le 7 février 1992 et entré en vigueur le 1ernovembre 1993, exige que la Communauté et les Etats instaurent une politique économique [...] conduite conformément au respect du principe dune économie de marché ouverte où la concurrence est libre (article 6 B 3).