170
pages
Français
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2013
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Ebook
2013
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Publié par
Date de parution
01 septembre 2013
Nombre de lectures
3
EAN13
9782895710684
Langue
Français
Publié par
Date de parution
01 septembre 2013
Nombre de lectures
3
EAN13
9782895710684
Langue
Français
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Pelletier, Suzie, 1954-
Le pays de la Terre perdue
L’ouvrage complet comprendra 6 v.
Sommaire : t. 2. L’hiver.
ISBN 978-2-89 571-067-7 (v. 2)
I. Titre. II. Titre : L’hiver.
PS8631. E466P39 2013 C843’.6
C2012-942 845-0
PS9631. E466P39 2013
Révision : Patrice-Hans Perrrier et Thérèse Trudel
Infographie : Marie-Eve Guillot
Photographie de l’auteure : Sylvie Poirier
Éditeurs : Les Éditions Véritas Québec
2555, avenue Havre-des-Îles, suite 118
Laval, (QC) H7W 4R4
450-687-3826
www.leseditionsveritasquebec.com
© Copyright : Suzie Pelletier (2013)
Dépôt légal : Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
ISBN : 978-2-89 571-067-7 version imprimée
978-2-89 571-068-4 version numérique
À mon conjoint Denis,
qui, après 37 années de vie commune,
continue de m’encourager à pousser mes rêves
jusqu’au bout.
L’Humain modifie son environnement
pour survivre...
La nature en reste profondément
altérée.
Chapitre 1
Jour 154 — 15 décembre
— Une vraie nuit blanche, tout simplementféérique !
Emmaillotée dans ses vêtements de peaux, unepelle en os de cervidé dans une main, Nadine se tientdebout sur le toit de sa grotte. Immobile, perdue dansses pensées, elle respire profondément, laissant sespoumons se gorger d’air froid et faire circuler l’oxygène partout dans son corps. « L’hiver arrive pourde bon. Encore quelques mois, puis le printemps medélivrera de la Terre perdue et de son emprise ; il neme reste plus qu’à attendre patiemment la liberté. »
Elle ose à peine parler à haute voix tellement ledécor l’impressionne. Le ciel s’est enfin dégagé desnuages gris et bas qui l’encombraient depuis troisjours. Il s’est coloré d’un bleu nuit presque transparent. L’air froid rend la lumière encore plus vibranted’énergie. La température reste sous zéro maintenant,toutes les nuits. Les bruits intenses, si distinctifs de lanature d’ici, sont feutrés à cause de l’épaisse couchede neige floconneuse qui s’est accumulée au cours decette première tempête. Le vent léger, qui descend duplateau, soulève la poudre blanche pour la déposerplus loin, comme une farine qu’on laisserait échapperd’un sac percé et qui saupoudrerait le sol.
Ce point de repère temporel réconforte son cœur etlui procure une sensation déjà éprouvée durant son enfance. La première neige et sa magie. À ce petitplaisir se mêle un frisson d’angoisse... « Si la saisonfroide est arrivée, serai-je encore vivante pour voirarriver le printemps ? »
Ce soir, la lune reflète sa lumière crue sur la neige etlibère le paysage de l’obscurité habituelle des nuits auPays de la Terre perdue. Irréelle sensation que celled’apercevoir les contrejours des arbres, les courbesdes montagnes, l’immensité devant ses yeux. Car,depuis son point de vue, elle aperçoit une partie dela Terre Perdue, son pays à elle. Seul l’océan, qu’elledevine plus à l’ouest, lui apparaît comme une massesombre, presque noire. Elle tend l’oreille. Trop loinpour entendre les vagues se casser sur la plage. Levent d’est empêche les effluves de la mer de se rendrejusqu’à son nez. Elle n’entend même pas la rivière quicoule à 500 mètres au sud. La ouate filtre les bruits etrecouvre toute la verdure.
Le paysage prend vie, sous les rayons de lune ; ilse teinte d’un magnifique gris pâle, bleuté. Le grandmanteau, recouvrant le sol et la végétation, scintillede mille pépites d’argent. Nadine a l’impressiond’évoluer dans un rêve, son imaginaire lui indiquantun monde féérique, mystique, intemporel. La légèrebrise chante à ses oreilles en caressant son visage.Les oiseaux nocturnes et les prédateurs, tapis dansles sous-bois, voient leurs habitudes dérangées par latempête. Ils attendent, n’osant pas laisser leurs tracessur la neige fraîche.
Nadine n’a pas ressenti un tel bien-être depuis fortlongtemps. Cette tranquillité... cette paix… Sa vie, aucontraire, a toujours été une course contre la montre.Mariée, travaillant à l’extérieur du foyer, mère de famille puis grand-mère, les horaires trop chargésl’ont tenue en haleine durant toute sa vie. Sa retraite...elle n’a pas eu le temps de la savourer. Un matind’avril... plutôt un matin de juillet... elle s’est réveilléesur une montagne, seule avec son bagage de trekkinget une réserve de nourriture suffisante pour affrontercinq jours d’expédition. Depuis, une urgence encoreplus radicale s’impose à son quotidien : la survie ! Ellecherche à retourner chez elle. Elle a marché longtemps.Elle n’a trouvé ni le chemin, ni personne pour l’aider.Prévoyant un long hiver, elle a aménagé une grotte,son refuge, y vivant avec Lou, ce bébé adopté suiteau massacre de la louve abandonnée par la meute, etAllie la pouliche esseulée. Ses deux protégés devenusses compagnons d’aventure lui apportent tendresseet complicité, chacun à sa façon.
Dans la lumière blafarde de minuit, Nadine examineson accoutrement. Ses bottes en peau de chevreuil luiarrivent aux genoux ; son grand manteau en fourrurerecouvre presque tout son corps ; ses mains sontprotégées par des mitaines de lièvre. Elle touche satête, replace son chapeau de renard, qu’elle a cousuavec la même forme que les couvre-chefs qu’elle etAlex avaient rapportés de leur voyage en Équateur :ces couvre-chefs quichuas tricotés aux couleurs vives,ronds comme des bols, collés aux cheveux et dont lesdeux oreillettes se terminent en languettes qu’on attache sous le menton. Les appréciant particulièrementdurant la saison froide, elle en a copié le modèle. Samère serait fière d’elle. Elle sourit en repensant à tousses cours de couture avec la détestable sœur Crochet :ils lui auront bien servi avec le temps.
Sous ces couches de fourrure prélevées à la force deses bras et de son courage se cache une femme étrangement rebelle et déterminée. Émue jusqu’au fondde l’âme, la quinquagénaire regarde autour d’elle.Le patio qu’elle a emménagé au cours de l’automne,sur le toit de sa grotte, est enseveli sous un mètre deneige. Quand elle respire l’air froid, son souffle libèreune légère vapeur. Quelle température fait-il ? Ellen’a pas de thermomètre pour la mesurer. Ici, dans cepays rude, elle évalue ses conditions de vie selon sonexpérience. En ce moment, ses doigts gèlent malgréles moufles. Ses références d’un autre monde luireviennent, celles de Montréal lui font penser qu’ilfait à peu près -10 o C. Et elle se sent terriblement etirrémédiablement seule, dans cette première nuithivernale.
Nadine lève les yeux vers un ciel magnifique. Puis,un sourire taquin sur les lèvres, elle se couche surle dos ; écartant ses bras et ses jambes, elle trace sasilhouette sur le sol. Une petite voix dans sa tête luirappelle un souvenir : « Grand-maman, tu fais unange avec moi ? », lui souffle la voix de sa petite-filleChloé. Et, en guise de réponse, elle ajouterait : « biensûr que oui, ma puce », avec l’envie de la prendredans ses bras. Elle ferme les yeux, tentant de calmer lechagrin qui étreint son cœur en l’absence de sa famille.Quand les reverra-t-elle ? Elle calcule... à Montréal,l’hiver dure trois ou quatre mois, selon les années. Sic’est semblable ici, elle ne pourra pas reprendre sarecherche pour trouver la route vers Montréal avantle mois d’avril. Cent jours, cent vingt peut-être ; uneéternité. D’ici là, elle devra subir la saison froide en captivité et tenter, oui, seulement tenter, nuit aprèsnuit, de survivre.
La femme ouvre les yeux et dirige son regard vers leciel. Elle observe la voûte céleste, trouve rapidementl’étoile du Nord. Parmi les milliards de corps cosmiques scintillants, son regard est attiré par un pointrouge... elle se concentre pour mieux discerner cetobjet distinctif... Est-ce la planète Mars ? Elle fouillesa mémoire. Si c’était Jupiter, l’astre aurait plutôt unreflet blanchâtre... S